En discussion depuis près de deux ans, Tunisie Telecom a récemment entamé la vente des 51% des parts qu'elle détient dans le capital de la Société mauritano-tunisienne de Télécom « Mattel » quelle a créée en 2000. Il est surprenant de voir Tunisie Telecom vouloir se débarrasser du plus ancien opérateur GSM mauritanien qu'elle a créé en 2000, classé deuxième actuellement en parts de marché. Après avoir obtenu une licence GSM auprès du gouvernement mauritanien en 2000, cette licence est venue s'enrichir, fin 2009 par l'obtention une licence globale (3G, fixe et Internet) et est donc prometteuse. Il est désolant de voir Tunisie Telecom vouloir vendre sa filiale mauritanienne alors que d'autres opérateurs télécom cherchent de telles opportunités, pour acquérir des licences ou des opérateurs de télécommunication à l'étranger, fixes et mobiles. D'autres pays africains, à l'instar du Maroc et du Sénégal, ont profité de l'entrée d'un partenaire stratégique international étranger dans le capital de leur opérateur historique pour s'internationaliser alors que Tunisie Telecom se débarrasse de sa filiale mauritanienne. N'est-ce pas étrange ? Pire encore, cette décision a été largement influencée par le partenaire étranger de Tunisie Télécom qui, aujourd'hui, a mis en vente sa participation dans Tunisie Telecom et qui donc cherche à quitter. Pourquoi ne pas revenir sur cette décision ? Pourquoi ne profiterait-on pas du changement du partenaire stratégique de Tunisie Telecom pour exiger de nouveau de faire de la Tunisie une plateforme d'extension vers l'étranger, et plus particulièrement vers l'Afrique ? Cela ne permettrait-il pas de créer des revenus en devises pour la Tunisie, des opportunités d'emploi pour nos jeunes diplômés,… ? Les exemples marocains et sénégalais sont édifiants dans ce sens. En février 2001, Vivendi acquiert 35% du capital de Maroc Telecom. Très rapidement, Maroc Télécom poursuit sa stratégie de développement régional par l'acquisition de 54% du capital de Mauritel, opérateur historique mauritanien. L'extension internationale de Maroc Telecom se poursuivra par une prise de participation majoritaire dans le capital des opérateurs historiques du Burkina Faso, en novembre 2007, du Gabon, en février 2007 et du Mali, en juillet 2009. Maroc Telecom a profité de cette opportunité pour interconnecter les réseaux des pays voisins, à savoir Maroc, Mali et Burkina et transitant par le Sahara Occidental se positionnant aussi en tant que fournisseur de bande passante pour ces pays vers le reste du monde en plus des sécurisations de réseaux apportées par le recours aux câbles sous-marins africains. Maroc Telecom sera introduite en bourse en décembre 2004 simultanément sur la Bourse de Paris et sur la Bourse de Casablanca. Rien qu'en 2013, Maroc Telecom a servi 6,29€ de dividendes par action, soit plus que son cours d'introduction (6,16€) et près de 12 fois son nominal. Quand il avait été demandé à Cheikh Tidiane Mbaye, PDG de la SONATEL, opérateur historique du Sénégal pourquoi il tenait tant à l'entrée d'un partenaire stratégique dans le capital, il avait répondu « le Sénégal est un trop petit marché pour moi ». C'est ainsi que France Telecom entrera dans le capital de la SONATEL en 1997 en acquérant 42% du capital et, satisfaite des résultats atteints par l'entreprise cherchera continuellement à acquérir des parts additionnelles. Le développement international se fera dans les années 2000 par l'acquisition d'une licence GSM au Niger et au Mali en 2002 ainsi qu'en Guinée (Conakry) et en Guinée Bissau en 2007, faisant de la SONATEL l'opérateur de référence dans la sous-région. La SONATEL sera introduite à la Bourse d'Abidjan en 1998. En moins de quinze ans, son cours sera multiplié par près de 10 et ceux qui y ont investi ne le regrettent pas, bien au contraire, certains trouvent que « la SOANTEL fait trop de bénéfices ». Au vu de ces exemples, c'est à se demander pourquoi Tunisie Telecom cherche à se débarrasser de sa filiale mauritanienne et veut se limiter à être un opérateur national, sans grandes ambitions internationales alors qu'elle en a la compétence et les capacités. Est-ce le poids important du partenaire stratégique ? A moins que ce ne soit une volonté gouvernementale qui, après avoir vendu 15% de Tunisiana aux qataris, engendrant par cela une sortie régulière, annuelle, de devises à travers les dividendes distribués et faisant peser des menaces sur le cours du dinar, veulent supprimer une rentrée régulière de devises à travers les dividendes distribués par MATTEL. Au moment où la Tunisie cherche de plus en plus à attirer les investisseurs étrangers, y compris pour la réalisation de certains services de base tel que cela est prévu dans la loi sur le Partenariat Public Privé, PPP, ne devrait-on pas exiger des partenaires étrangers à faire de la Tunisie leur plateforme de développement régional voire continental ? Cela offrirait des opportunités d'emploi supplémentaires pour nos cadres et diplômés du supérieur ainsi que des revenus réguliers en devises, ce dont la Tunisie a plus que besoin. A défaut, la Tunisie sera transformée en simple société de consommation avec tout ce que cela comporte comme menaces.