Alors que l'ensemble des partis politiques mènent des combats de coqs s'accusant mutuellement de l'échec du dialogue national, l'Alliance démocratique adopte une position toute autre. Le parti de Mohamed Hamdi préfère garder son arme dans sa poche et, au lieu de tirer sur les responsables, ses dirigeants fustigent des manœuvres, une volonté d'entretenir le flou mais aussi une immaturité de parties politiques qui ne privilégient pas l'intérêt du pays. L'Alliance n'y va pas par quatre chemins : toutes les parties politiques sont responsables de l'échec du dialogue, pouvoir et opposition, mais aussi parties prenantes et celles en dehors de la table des concertations… « L'important, aujourd'hui, n'est pas de désigner les coupables de l'échec du dialogue, mais de pointer du doigt les manœuvres, les positions et l'absence même de patriotisme chez certaines parties ». Accusé d'allégeance, de conciliation, d'être un parti timoré, voire même putschiste, l'Alliance Démocratique a sorti ses griffes aujourd'hui, lors d'une conférence de presse tenue au siège du parti à Tunis à laquelle étaient notamment présents, Mohamed Hamdi, Mehdi Ben Gharbia et Nejla Bouriel. Mais sans adopter la position commune de « tirer sur ses adversaires », le parti a préféré rappeler sa ligne de conduite « claire » et même « précurseur », se disant à l'origine même de l'initiative du Quartet. « Notre initiative du 25 juillet ‘'pour épargner le sang des Tunisiens'', suite à l'assassinat de Mohamed Brahmi, est l'idée dont s'est inspiré le quartet pour son initiative », a affirmé Mohamed Hamdi, secrétaire général du parti, dans une volonté de « rafraîchir les mémoires ». Cette initiative revendique la démission du gouvernement mais non de l'ANC, afin « d'éviter de faire sombrer le pays dans le vide ». En effet, alors que l'ensemble, ou presque de l'opposition, avait farouchement appelé, à déserter les bancs du Palais du Bardo, l'Alliance a axé ses revendications sur une accélération de la rédaction de la Constitution et l'organisation d'élections libres dans un délai fixé d'avance. « L'opposition a appelé à démolir le toit qui l'abrite », a critiqué Mohamed Hamdi, expliquant que son parti a préféré se montrer pragmatique. Mais ce n'était pas uniquement pour se mettre en valeur que l'Alliance démocratique a convoqué une armada de journalistes dans son local ce vendredi 6 décembre 2013. Les différentes « manœuvres » et « tentatives pour faire échouer le dialogue » ont été décortiquées et, même, des solutions proposées. « Certaines parties de l'opposition ne souhaitent pas voir le gouvernement d'Ennahdha quitter le pouvoir », s'indigne le secrétaire général de l'Alliance Démocratique. « Ils font, en tout cas, tout pour le retenir », affirme-t-il tout en accusant toutes les parties prenantes de l'échec actuel. Un dialogue qui a échoué à cause de l'effervescence des déclarations contradictoires et du flou entretenu par les dirigeants politiques qui affirment, en public, une position pour la contredire en coulisses. Alors que tous soutiennent, dans les médias, n'avoir aucune réserve quant aux candidats proposés par les autres, chacun reste attaché, bec et ongles, à son poulain et aucun consensus n'est de mise pour le moment. L'élite politique laisse de côté le cœur du problème pour se concentrer sur des détails et des futilités, se souciant peu des pertes de temps et de leurs retombées. Mais ce ne seraient pas uniquement les parties prenantes au dialogue, qui sont responsables de ce blocage. En effet, le CPR, membre extérieur au dialogue, n'a pas cessé de multiplier les déclarations hostiles et négatives. Hier, Imed Daïmi, secrétaire général, n'avait pas hésité à taper sur le quartet en écrivant sur sa page Facebook : « le quartet fait désormais partie du problème et non de la solution » en critiquant le fait que « l'intermédiaire se transforme en tuteur prenant des décisions sans consulter les parties membres du dialogue ». S'ils critiquent l'annonce de l'échec faite par Houcine Abassi, mercredi, souhaitant que les parrains attendent davantage avant de lancer ce pavé dans la mare, les dirigeants de l'Alliance refusent cependant de dénigrer les associations du quartet. « Si les partis politiques étaient suffisamment matures, ils n'auraient aucunement eu besoin de l'intervention d'un tuteur pour arbitrer les échanges », répond-t-il à ceux qui rendent le quartet responsable de l'échec actuel. Un échec qui pose aujourd'hui les scénarios suivants : la perduration d'Ennahdha au pouvoir, l'affrontement et la guerre civile, ou alors, un scénario qui pourra être présenté comme un moindre mal, à savoir, celui de se rabattre sur un gouvernement d'union nationale. Une sorte de deal conclu entre Ennahdha et l'opposition, en l'occurrence ici, Nidaa Tounès, afin de se partager le pouvoir. Une sorte de gouvernement bis de la Troïka, en somme, mais dont les protagonistes auraient changé. Trois scénarios que l'Alliance rejette en bloc. Selon le parti, le sursis accordé aujourd'hui par le quartet est une occasion à saisir pour repenser les mécanismes des négociations afin d'éviter le blocage du dialogue et de le faire repartir sur de meilleures bases. « De nouveaux mécanismes de dialogue mais aussi des discussions bilatérales », seraient la solution selon l'Alliance, dans ces 8 jours qui nous séparent de la date d'annonce d'un échec imminent. « Le dialogue national est sous respiration artificielle et c'est à nous tous de lui donner la bouffée d'oxygène qu'il réclame », affirme le secrétaire général de l'Alliance. Un dialogue agonisant parti d'un constat d'échec que nombreux protagonistes ont prévu avant même le début des tractations. « Le Quartet nous a donné une dernière chance. Nous gardons espoir que les élites politiques sauront faire preuve de responsabilité et privilégieront l'intérêt du pays », affirme-t-il cependant. Peut-on encore avoir cette lueur d'espoir ?...