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Vivre avec une garde rapprochée, ces opposants que l'on surveille de près
Publié dans Business News le 11 - 02 - 2014

Dimanche au soir, Sofiène Ben Farhat, journaliste réputé pour ses critiques lancinantes et ses propos effrontés, a été violemment agressé. Son tort est d'être sorti sans la garde que le ministère de l'Intérieur a mise à sa disposition. Une agression de trop qui remet au goût du jour le malaise sécuritaire et qui amène à se poser plusieurs questions relativement à cette protection rapprochée dont jouissent de nombreuses personnalités tunisiennes.
Interviews de ces Tunisiens au quotidien très particulier !
Bochra Belhaj Hmida
Bochra Belhaj Hmida est une avocate, une militante et une féministe proche, par ailleurs, du parti Nidaa Tounes. Ses prises de position la placent parmi les opposants notoires, adulés par certains et décriés par d'autres. Suite à des menaces la ciblant, elle est sous surveillance rapprochée. Son garde du corps l'accompagne lors de toutes ses sorties ou presque.
- Sofiène Ben Farhat a été agressé à un moment de dissidence et alors qu'il était sorti sans son garde du corps. Et vous, êtes-vous plus disciplinée quand il s'agit de votre sécurité ?
- C'est certainement plus sécurisant d'avoir un garde du corps quand on sait qu'on est sérieusement menacé même si je suis loin d'être paranoïaque. Personnellement, je n'ai pas demandé à avoir une garde et je ne l'aurais jamais demandée, donc je me débrouille de temps en temps pour sortir seule en lui faisant croire que je ne compte pas sortir. Mais il se rend compte et quand je discute au téléphone (et j'oublie souvent qu'il m'entend) il insiste pour m'accompagner.
- Alors que sous Ben Ali, les opposants étaient suivis secrètement par des agents du ministère de l'Intérieur, certains sont aujourd'hui suivis mais ouvertement et de leur plein gré. Cette protection rapprochée, ne la vivez-vous pas comme une manière de vous épier au quotidien ?
- Justement, je suis tellement habituée à l'écoute téléphonique et à la surveillance du temps de l'ancien régime que j'ai acquis de vrais réflexes "sécuritaires". D'ailleurs les agents le constatent très vite et je m'arrange très bien pour protéger ma vie privée et ma vie publique. Un jour en réagissant à une série de questions, j'ai répliqué : « ah non, c'est carrément comme sous l'ancien régime, vous savez trop de choses sur nous ! ». Mon garde a répondu : « La différence c'est qu'avant, nous vous surveillions pour rapporter à nos supérieurs et, maintenant, nous le faisons pour vous protéger ».
- Cette situation, vous la voyez continuer jusqu'à quand ?
- Quand je réalise que la lutte contre le terrorisme va prendre encore du temps en plus de ce que cela coûte à mon pays, je me demande jusqu'à quand cette garde va continuer et j'espère que cela ne durera pas longtemps !
Taïeb Laguili
Dirigeant au sein de l'Irva, Taïeb Laguili poursuit, depuis un an, son enquête sur le meurtre de Chokri Belaïd. Dans sa quête de la réalité, il gêne ceux qui voudraient la dissimuler et est de ce fait en danger. Il bénéficie d'une garde rapprochée depuis septembre 2013.
- Comment arrivez-vous à gérer vos enquêtes, avec l'aspect confidentiel qu'elles revêtent, en étant accompagné d une personne rattachée au ministère de l'Intérieur?
- Je n'ai rien à cacher. Je gère mes rendez-vous normalement. Par contre, cette nouvelle situation limite ma liberté du fait que je ne peux plus me déplacer sans précautions. J'ai donc cessé d'aller à certains endroits, par exemple.
- Sachant que vous disposez de dossiers assez délicats, comment gérez-vous la relation avec les gardes?
Chez ces agents du ministère de l'Intérieur, je découvre beaucoup de professionnalisme. Je crois qu'ils sont tenus de rédiger un rapport après chaque journée. En plus, ils travaillent dans des conditions très difficiles.
- Au quotidien, est-ce contraignant de disposer d'un garde du corps ?
Les gardes du corps sont rattachés à une direction qui embauche plus de 150 agents et qui ne dispose que de 3 voitures. Parfois, ceci cause du retard. Cela m'oblige à attendre si mon garde n'a pas trouvé de voiture pour le ramener chez moi. Mon quotidien ne dépend donc pas de moi-même mais de cette personne qui m'accompagne partout ou presque.
Sofiène Ben Hamida
Journaliste et analyste politique, Sofiène Ben Hamida est sous garde rapprochée depuis juin 2013. Il continue à exercer son métier, à porter ses critiques et à proposer des réflexions pointues et suivies, malgré la menace qui pèse sur sa personne.
- Etre garde de Sofiène Ben Hamida est-ce un métier pénible ou une partie de plaisir ?
- C'est toujours une contrainte d'être sous protection rapprochée. Moi qui ai vécu par intermittence ceci sous Ben Ali, cette expérience me rappelle des souvenirs désagréables. Certes, j'ai affaire à des personnes d'une grande discipline et d'un professionnalisme certain, mais cela demeure incommodant de vivre sous certaines contraintes.
- Quelle relation avez-vous avec ces personnes qui vous accompagnent au quotidien ?
Les personnes qui assurent ma garde sont dotées d'un grand sens de la discrétion. Je n'en demeure pas moins discret quant à mon intimité. J'ai dû, à titre d'exemple, renoncer à certaines activités, afin de préserver ma vie privée. Car être suivi constamment et de près n'est pas toujours chose aisée.
- Vous avez désormais une relation particulière avec le ministère de l'Intérieur : il assure votre sécurité et vous le surveillez, d'une certaine manière, de près en tant que journaliste et analyste politique.
En effet, il faut, à mon sens, garder une certaine lucidité qui permet de bénéficier de cette faveur que le ministère de l'Intérieur nous accorde et de continuer à être pleinement journaliste et analyste politique indépendant. Il ne faut, en aucun cas, être désarçonné par cette sorte de faveur que l'on nous accorde (quoique cela soit du rôle de l'Etat d'assurer la sécurité du citoyen). Ceci dit, cette garde rapprochée, je n'en suis pas obnubilé. Elle ne m'empêche aucunement de poursuivre mon travail, de critiquer, quand il le faut, les instances gouvernementales tout comme les organisations terroristes et les islamistes radicaux. La menace quant à ma sécurité n'a jamais été, pour moi, un argument de haine contre eux.
- Cette garde vous a été accordée à la suite de menaces vous visant. Aujourd'hui vous sentez-vous moins menacé ?
Oui, la menace persiste. En revanche, la menace ne plane pas que sur ma personne. Une femme est décédée à cause de son mari qui manipulait secrètement une bombe dans son domicile. Ces gens-là représentent donc une menace même pour les leurs. Ils sont une menace pour la Tunisie entière ! Certes ma sécurité dépend du ministère de l'Intérieur, mais la menace qui me vise n'est en aucun cas plus importante que celle qui pèse sur tout le peuple tunisien.
Olfa Youssef
Enseignante universitaire et écrivain, Olfa Youssef dérange, selon certains, par sa réflexion libérée et sa parole franche. Elle est sous surveillance rapprochée depuis le 4 août 2013.
- Votre profession d'enseignante universitaire, implique des exigences particulières. Comment cela se passe-t-il au quotidien dans le cadre de la gestion de la protection dont vous disposez ?
Evidemment que cela est contraignant d'être surveillée de près ! Cependant, on s'habitue à cette présence quasi quotidienne, on fait avec et on s'adapte. Des liens d'amitié se tissent avec ces personnes qui veillent sur notre sécurité.
- La présence d'une tierce personne et les consignes sécuritaires qui vous sont imposées impactent-elle votre quotidien de mère ?
En tant que mère, j'essaie en effet de minimiser les risques pour mes enfants tout en veillant à vêtir cette contrainte sécuritaire d'une certaine dimension ludique et d'en dédramatiser le ressenti. Cela complique, d'une certaine manière, la logistique au quotidien. Je ne peux, de ce fait, pas organiser des weekends à l'hôtel, certaines sorties avec mes enfants ou des voyages. Car pour voyager, je dois d'abord consulter le ministère de l'Intérieur. Pour les besoins du lancement de mon nouveau livre, j'aurai à voyager dans les prochains jours, mais j'ignore encore comment seront gérés les impératifs de la garde.
- Disposer d'une garde est un des aléas de la réussite. D'un regard distant, certains y voient un privilège, réellement beaucoup le perçoivent comme une limite à la liberté d'expression. Et vous, cette garde rapprochée, vous la percevez de quelle manière ?
Ma vie d'écrivain et de philosophe m'amène à porter, sur cette menace dont on me protège, un regard autre. Je vois ceci d'un prisme spirituel qui fait qu'à travers la présence de la mort potentielle dans le quotidien, on en arrive à être dans la vie d'une manière plus intense. Non ce n'est pas un privilège que d'avoir un garde du corps ! Ces personnes qui assurent notre sécurité accomplissent un travail pénible et fatigant et le tout coûte assez cher au pays. C'est affligeant qu'en Tunisie, on en soit arrivé là ! Nous espérons que les lendemains seront meilleurs.
Depuis les différentes agressions ayant ciblé des personnages publics, le ministère de l'Intérieur assure désormais et de près la sécurité de ceux qui sont susceptibles d'être visés par la violence et qui ont reçu des menaces mettant en péril leur sécurité. Journalistes à la langue déliée, activistes politique, militants, leaders politiques, figurent sur la liste des personnalités à protéger. Aucune personne appartenant à la Troïka n'a jusqu'ici été ciblée par une quelconque violence verbale ou physique soit elle. Les personnes disposant à ce jour de protection rapprochée viennent de domaines d'activités divers. Cependant, un point en commun les lie: l'appartenance à l'opposition. Cette appartenance est devenue quelque peu anachronique depuis le dernier changement gouvernemental. Espérons que d'ici peu, le soit également le fait d'être menacé pour ses idées!


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