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La Constitution jetée aux oubliettes
Publié dans Business News le 16 - 08 - 2015


Par Selma Mabrouk*

Depuis le 27 janvier 2014, date de promulgation de la nouvelle Constitution, le "pouvoir" a changé de visage par deux fois sans que la moindre intention d'appliquer le texte fondateur de la deuxième République tunisienne ne soit perçue.


Les mois ont passé avec leur cortège de dégradation générale de la vie quotidienne de la majorité des citoyens, ce malaise grandissant contrastant avec un climat politique relativement serein en comparaison à la période antérieure de gouvernance de la troïka.


Malgré cette accalmie apparente, le terrorisme a gagné de l'ampleur et est passé à une nouvelle cible, les civils. La corruption continue allègrement de pourrir les institutions et de menacer leur pérennité, l'équilibre économique vacille dangereusement, la désinformation pollue, et il ne reste plus qu'un retour en boomerang de la censure pour couronner la situation.


Quand on s'attarde sur quelques faits qui ont marqué cette période (Janvier 2014-Août 2015), l'on a vite fait de retrouver les mêmes failles contre lesquelles a éclaté le courroux des Tunisiens en 2011, auxquelles se sont rajoutées les conséquences désastreuses de l'accession au pouvoir des islamistes.

Or, s'il y a bien une réalisation dont les Tunisiens peuvent être fiers, c'est cette nouvelle Constitution pour la simple raison qu'elle a vaincu à plate couture le spectre d'un Etat islamique et qu'elle a en son sein les bases fondatrices d'un Etat démocratique, celles d'une lutte efficace contre le fléau autodestructeur qu'est la corruption, ainsi que celle de l'initiation d'une véritable révolution économique. Sans oublier ce qu'elle a du "coûter" aux Tunisiens et Tunisiennes en termes de sang, de larmes, de souffrances et de misère supplémentaire.


Malheureusement, ce qu'aucun texte ne peut pourvoir, c'est un changement des mentalités et a fortiori dans la classe dirigeante. C'est ce qu'on appelle tout bonnement l'absence de volonté politique. Quoiqu'on pense de l'époque Bourguibienne et surtout de son action réformatrice des premières années, il n'y a qu'à comparer notre actualité avec celles des années 57-60 pour comprendre l'impact que peut avoir un texte fondateur lorsqu'il est appliqué avec conviction et courage.


Aujourd'hui, qu'avons-nous réalisé ?


Un rapide check up nous démontre les contrecoups du délaissement -volontaire ? - de la Constitution.


Le premier volet est celui du non-respect de l'équilibre si durement obtenu entre les références identitaires et celles des conventions internationales et en particulier celles des droits de l'Homme, ainsi que du statut civil de l'Etat.


Nous avons ainsi longuement patienté avant que le dossier de la politisation des lieux de culte ne soit abordé, ainsi que celui des institutions éducatives (crèches en particulier).


Pire encore, nous assistons ces derniers temps à un discours politique "border line" pourtant issu de leaders progressistes entretenant, consciemment ou non, une ambiguïté délétère avec les références religieuses.


En effet, à titre d'exemple, et il n'est pas des moindres, que penser de l'assertion du président de la République (dans son discours du 13-août dernier) qui affirme "que les réformes des droits de la femme tunisienne doivent se concevoir dans le cadre de l'Islam" ? Comment se permet-il de remettre au goût du jour la gigantesque polémique qui a englouti les 3 années passées et qui a failli finir en guerre civile ? A-t-il oublié que la référence en matière législative est dorénavant la Constitution dans sa totalité, avec tous ses référentiels dont "les enseignements de l'Islam modéré" que l'Etat a l'obligation de protéger ? Pourquoi aller triturer cette plaie encore béante et donner ainsi de nouveau l'occasion à des auto-proclamés "défenseurs" de la religion de revenir à leur sport favori, les "fatwas" ? A-t-il au moins saisi que c'est à la Cour constitutionnelle qu'échoit le dur labeur de concilier les différentes références et a fortiori de déterminer les critères de "l'Islam modéré", pilier de notre identité nationale ?


Etait-il nécessaire de réveiller "l'ogre" et d'assister, décontenancé, à la charge de ceux qui se targuent de parler au nom de notre religion et de donner libre cours à leur dictats improvisés, à l'instar de celui qui se faisait figure de proue des progressistes et qui livre "sa" fatwa du jour, décrétant que les petites filles à peine pubères doivent être voilées selon la Charia, alors que dire des femmes adultes ????


N'était ce point tout autant faire preuve d'un grand amateurisme de la part du président de la République d'aborder des sujets épineux comme celui de l'égalité dans l'héritage ? S'était-il mêlé les pinceaux dans sa pâle imitation de Bourguiba pour croire qu'il peut décider de la concrétisation ou non d'une réforme législative, comme au bon vieux temps du parti unique et du régime "présidentialiste" ? Ou voulait-il endormir la vigilance de son invité de marque en le "brossant dans le sens du poil" ? S'était-il rendu compte qu'il a lui-même ainsi décrété une sorte de fatwa en décidant tout bonnement qu'il n'était pas question pour le moment de changer les choses à ce niveau ?


Pour finir sur ce volet, j'ajouterais qu'il m'est de plus en plus insupportable que les thèmes de l'Islam et de l'absolue nécessité de respecter des règles souffrant aujourd'hui d'une confusion généralisée, dans tout le monde musulman, ne soient abordés que quand il est question des femmes. Je n'ai jamais entendu un discours se targuant d'être progressiste sur, par exemple, le thème de la corruption, exigeant que "les réformes doivent être conçues dans le cadre de l'Islam"...


Le deuxième volet est celui du non-respect de certains articles de la Constitution.


Je ne m'étendrais pas sur la première anicroche qui a eu lieu après les élections législatives et qui a fait que pour des raisons politiques, le nouveau gouvernement ne soit instauré qu'après de longs mois. Les interprétations sur la validité de ce choix sont multiples, et seule une Cour constitutionnelle aurait pu mettre en évidence les tenants des délibérations de l'Assemblée constituante qui auraient fait prévaloir l'une d'elles.


Par contre, là où le texte est clair, c'est les délais pour mettre en place le Haut conseil de la magistrature puis la Cour constitutionnelle. Le premier est largement dépassé (avril 2015) et le second est à nos portes (septembre 2015). En plus d'enfreindre la Constitution, ce qui est symboliquement très nocif pour un début de "2ème République", ce retard dans la mise en place des normes constitutives d'un pouvoir judiciaire indépendant, est catastrophique sur tous les plans.

Cet état de fait maintient la mainmise du pouvoir exécutif sur les dossiers brulants, tant sur le plan de la justice transitionnelle (donnant lieu à ces essais hasardeux et révoltants de réconciliations ressemblant depuis l'avènement de la révolution jusqu'à aujourd'hui encore, à un jeu du chat et de la souris avec les concernés sur fond de chantages plus ou moins crapuleux ), que sur le dossier du terrorisme dont l'on langui les premiers procès, les détenus se comptant à priori par centaines et les "relâchés", nombreux eux aussi, faisant de temps en temps le sujet de la polémique du jour.


Il est certes évident que la mise en place de ce Haut conseil n'aura pas d'effet immédiat, mais il sera le palier nécessaire pour éviter les abus d'une part, puis de pousser petit à petit les juges à se défaire du joug étouffant du gouvernement et des partis politiques dominants. Cette amélioration de l'intégrité du pouvoir judiciaire aura sa répercussion sur tous les domaines, sans exception, tant économique que social, permettant entre-autre plus de transparence, en particulier en brisant l'omerta ambiante concernant les « lobbies », et favorisant ainsi un assainissement dans le domaine du financement des organismes (associations, partis politiques, médias etc...).



Faut-il rappeler qu'il n'y a pas de démocratie sans un pouvoir judiciaire indépendant, mais aussi des médias libres? Ce dernier secteur devra patienter à priori longtemps, le temps que les législateurs veuillent bien installer une Haute instance constitutionnelle des médias (pour laquelle la Constitution n'a malheureusement pas prévu de date butoir) avec des prérogatives suffisantes pour bien en assurer le contrôle et protéger la pluralité et la liberté du paysage audio-visuel, tout en assurant la neutralité des médias publics.


En attendant, nous devrons continuer à subir ce florilège de télévisions et de radios au rendement en majeure partie irrégulier, confus et sous influence, ayant mis en "touche" un grand nombre de journalistes avides d'exercer leur noble métier correctement et pénalisant l'avenir de ce domaine censé jouer le rôle du "4ème pouvoir".


Le troisième et dernier volet concerne la protection des ressources naturelles du pays, thème inscrit de haute lutte dans la Constitution et qui devrait être le point de départ d'une nouvelle conception de la gestion de nos richesses, évitant petit à petit les pièges ayant conduit aux désastres engrangés depuis des décennies et les potentiels conflits d'intérêts, véritables plaies dans le monde entier, a fortiori dans les pays sous-développés.


Cet aspect de la Constitution a d'abord été "élégamment" enfreint par l'ex-chef du gouvernement "technocrate", à quelques semaines de la fin de sa mandature. Il a ensuite été le point d'orgue d'un débat surprenant au sein du nouveau parlement, durant lequel l'on a entendu des déclarations pour le moins grotesques, l'un (un député d'un des partis au pouvoir) clamant que l'article en question était un frein au développement, l'autre (un ministre) suggérant sans vergogne qu'il serait même bon de passer outre...



Faudrait-il accepter que les espoirs d'un meilleur avenir pour le pays soient piétinés avec une telle nonchalance ?


Faudrait-il accepter que l'on nous replonge dans l'abîme de la zizanie identitaire, sous prétexte d'un exercice obligatoire d'équilibriste avec des partis islamistes, qui font pour l'instant le dos rond sans donner de réelles garanties, quant à leur acceptation de la civilité de l'Etat tunisien et leur désolidarisation de l'organisation des Frères musulmans?


Faudrait-il accepter une énième fois que le texte fondateur de la République tunisienne soit enfreint au profit de ceux et celles qui ne voient pas d'un bon œil que leurs "habitudes" soient modifiées, quitte à maintenir en connaissance de cause la dégradation vertigineuse de nos institutions et la misère galopante dans laquelle s'enfonce une large partie de la population ?


*Ancienne députée d'Al Massar à l'Assemblée nationale constituante.


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