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Interview 18 octobre 2005, dix ans après, les grévistes témoignent
Publié dans Business News le 16 - 10 - 2015

Le 18 octobre 2005 était une date marquante pour la Tunisie. Ce jour-là, huit personnalités nationales de la scène politique et associative ont entamé une grève de la faim qui a duré 32 jours. Largement médiatisée par la presse internationale, la grève a mis en rogne l'ancien président Ben Ali. Ce fut l'une des rares fois où le régime autoritaire de l'époque perdait le contrôle de la situation et se trouvait dans l'embarras face aux organisations étrangères de défense des libertés et des droits de l'Homme.

Ayachi Hammami, Samir Dilou, Ahmed Néjib Chebbi, Abderraouf Ayadi et Lotfi Hajji, cinq des huit grévistes de la faim du 18 octobre, nous ont livré leur témoignage sur cet épisode de l'histoire contemporaine de la Tunisie. Témoignages.


Ahmed Néjib Chebbi :

Il y avait un rendez-vous international très important en Tunisie. C'était le sommet mondial sur la société de l'information. Les démocrates savaient à l'avance qu'au cours de cet événement, les projecteurs seraient orientés vers la Tunisie. L'occasion était donc propice pour faire progresser la cause des libertés.

Au cours de l'année 2004, juste avant les élections, nous avions vécu un verrouillage total et systématique. Le régime s'employait à étouffer toute velléité d'indépendance ou de liberté d'expression. Face à cette situation, j'ai pris l'initiative de réunir chez moi plus d'une vingtaine de cadres démocrates de toutes tendances confondues pour poser la question suivante : "le système est en train de tout verrouiller. Que peut-on faire ensemble pour le faire reculer ?" On a passé une journée chez moi. Nous avons déjeuné ensemble et nous n'avons abouti à rien.

Au cours de cette réunion, Khemaïes Chammari avait proposé d'organiser une grève de la faim. L'idée était considérée comme saugrenue et a été repoussée par l'ensemble des participants y compris moi-même. Mais une fois la réunion dispersée, je me suis dit que rien n'en est ressorti. Que faut-il faire ? C'est là où j'ai reconsidéré l'idée de la grève de la faim et fini par admettre que cette action de résistance passive était le moins qu'on pouvait faire.

J'ai donc pris deux initiatives. J'ai voulu que tout le monde soit uni dans cette guerre. Tous contre un. Pour cela, je suis allé voir Hamma Hammami et j'ai envoyé Mohamed Goumani voir Samir Dilou. Mon choix était clair. Il fallait unir tout le spectre de l'opposition tunisienne autour des revendications démocratiques de base, c'est-à-dire : la liberté d'expression, la liberté d'association et l'amnistie générale. J'ai expliqué à Hamma Hammami que la seule action de mobilisation générale qui nous restait c'était la grève de la faim. Il était d'accord. Puis, je l'ai informé que j'ai envoyé quelqu'un en parler à Samir Dilou. Au tout début, Hamma a accusé une petite réticence dans la mesure où il y aurait islamistes et non-islamistes. Je lui ai rappelé un événement important. C'était le sit-in des avocats qui avait duré 52 jours et qui avait réuni, en même temps, Radhia Nasraoui et Noureddine Bhiri. Donc, il y a un antécédent et qui était positif.

Dilou, de son côté, a apprécié l'idée. Nous sommes alors devenus trois à approuver ce projet. Nous nous sommes, par la suite, adressés à deux autres personnes, à savoir Lotfi Hajji et Ayachi Hammami. Eux également ont immédiatement accepté l'idée. Après, on s'est mis à contacter les autres personnalités. Nous avons eu deux autres opposants qui étaient partants : Mokhtar Yahyaoui et Abderraouf Ayadi. Au bout du compte, on était arrivés à sept.

Nous nous sommes entendus pour faire la grève de la faim chez Ayachi Hammami, dans son cabinet d'avocat, et nous avons prêté serment moralement, en mettant nos mains les unes sur les autres, qu'on ne romprait la grève qu'unis. C'est-à-dire, si on nous arrêtait ou on nous dispersait, nous poursuivrions la grève en prison jusqu'à ce qu'ils nous réunissent. Plus tard, quelqu'un est venu s'introduire dans le groupe, un huitième, c'était Mohamed Nouri.

Le lendemain matin, nous avons tenu une conférence de presse au cabinet de Me Ayachi. La police a été surprise. Ils ont tout de suite encerclé le local, empêchant toute personne d'y accéder ou d'en sortir à part les journalistes qui étaient déjà là et ce fut le début de la grève. Le soir même, une petite manifestation courageuse menée par des étudiants était venue nous soutenir. Elle a été rapidement dispersée, mais l'écho des manifestants nous arrivait au bureau et nous réconfortait.

Le surlendemain, au matin, nous avons reçu la visite d'une personnalité inattendue, c'était l'ambassadeur de Grande-Bretagne. La police a dû le laisser passer. Nous en avons profité. Nous avons passé des coups de fil à deux amis pour leur dire qu'il y avait une brèche et qu'il fallait s'y introduire. Et c'est comme ça que le blocus a été cassé et que les démocrates ont pu entrer dans le local. A la suite de cette visite, d'autres diplomates ont fait aussi le déplacement pour s'enquérir de la situation. Le nombre de visites était au-delà de toute attente. Nous recevions jusqu'à plus de trois cents visites par jour. Cela commençait à 6 ou 7h du matin et ca se terminait à une ou 2h du matin. Si j'avais besoin d'une chose pendant la grève ce ne serait pas de manger, mais de dormir ! Tout ce que la Tunisie comptait comme société active était venu par délégations entières exprimer le soutien à cette grève qui s'est révélée très mobilisatrice dans la mesure où elle était unitaire et arborait trois revendications basiques qui faisaient l'unanimité.

Le sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) s'est ouvert alors que nous étions en grève de la faim. Notre action a pris une ampleur agréablement surprenante. Nous avons réussi à détourner les feux de la rampe. Tous les regards étaient braqués sur nous. C'était un coup de massue politique pour Ben Ali qui était allé jusqu'à censurer le président de la Suisse au cours de son discours en lui coupant l'antenne.

La grève s'est arrêtée après 32 jours quand nous avons estimé qu'elle avait donné tout ce qu'elle pouvait donner en termes de mobilisation. Nous avons trouvé une sortie honorable lorsqu'une délégation internationale présidée par le prix Nobel de la Paix, Shirin Ebadi, est venue nous demander d'arrêter la grève, promettant de s'engager à prendre en charge la défense des droits élémentaires du citoyen tunisien.


Samir Dilou :

C'est difficile même après le recul et toutes les années qui se sont écoulées de juger si nous avions agi comme il le fallait. Je pense que nous avons toujours la tentation de dire qu'on n'aurait pas dû faire ceci ou faire cela. Mais les choses étaient ce qu'elles étaient. Globalement, je dirais qu'on avait pris les bonnes décisions aux bons moments. D'abord, faut-il préciser que nous étions plus des résistants que des militants et que nous étions en manque de moyens. La preuve est que la Tunisie était connue, à l'époque, pour les grèves de la faim. Le champ des libertés était très limité, voire inexistant. Cela a fait que nous étions acculés aux solutions extrêmes.

Le choix du mois d'octobre 2005 pour faire la grève de la faim n'était pas arbitraire. Le timing était bien choisi. Je rappelle que ça a coïncidé avec le SMSI. Pour le régime c'était un événement de très grande importance. Mener une action politique, à ce moment précis, contre le régime, c'était comme défier quelqu'un le jour de sa fête de mariage. Le SMSI était pour Ben Ali comme un mariage à célébrer. Il faut également rappeler qu'il a convié toute la planète pour enjoliver son image et faire croire que c'est un démocrate. Notre but c'était de gâcher cette fête, mais aussi de prouver au monde entier que derrière la jolie carte postale de la Tunisie et la bonne organisation des événements se cachait un régime de répression.

Le régime nous a traité de tous les noms, de vendus aux ambassades et de traitres. Mais, nous étions déterminés à exercer le maximum de pression possible sur Ben Ali pour l'obliger à accepter ce qu'on appelait à l'époque le smic des libertés.

J'ai participé à la grève sous la casquette d'activiste de la société civile, mais tout le monde savait que j'en avais une autre, celle d'Ennahdha. Je représentais donc le parti Ennahdha, sans être son représentant officiel. J'étais dans un groupe renfermant plusieurs laïcs, pourtant je n'ai pas eu de soucis à me faire accepter. C'est parce que j'étais à mi-chemin entre les deux (sourire). C'est peut-être aussi mon statut de militant des droits de l'Homme qui m'avait facilité les choses.

Pour conclure, je tiens à souligner que cette expérience était très bénéfique pour le pays, notamment plus tard, après l'avènement de la révolution. Nous avons formulé des textes qui, par la suite, nous ont été de grande utilité. Ainsi, au moment de la rédaction de la Constitution, nous n'avons pas commencé à zéro, mais nous avons bâti sur ces textes que nous avions écrit ensemble au 18-Octobre.

Lotfi Hajji :

Chaque action politique s'inscrit dans une histoire singulière. Si les mêmes circonstances se reproduisent de nouveau, je retenterai, sans hésiter, la même expérience. Ce qu'il faudrait relever c'est que le 18 octobre était un mouvement premier du genre dans l'histoire de la Tunisie. C'est la première fois que des politiques d'idéologies opposées se rassemblent pour une seule et même cause. Le 18 octobre a pu rapprocher et réunir, à la fois, des islamistes et des militants de gauche, mais aussi des indépendants.

Ayachi Hammami, feu Mokhtar Yahyaoui et moi étions classés parmi les indépendants. Dans ce collectif, je représentais le secteur de la presse. Il fallait bien qu'un journaliste soit dans le groupe, sinon ce serait même inconcevable de défendre la liberté d'expression sans qu'il n'y ait au moins un seul homme de média parmi le groupe. A l'époque, j'étais le président du syndicat des journalistes tunisiens. Un syndicat que j'ai cofondé avec d'autres confrères en 2004.

Nous avons porté trois revendications principales, à savoir : la liberté d'organisation politique et associative, la liberté d'expression et l'amnistie générale. Nous avons choisi le slogan : « La faim et non la soumission ». Cette phrase a résonné à Paris. Nos camarades, installés là-bas, l'ont entonnée. Une grande affiche avec notre photo et nos noms dessus a été aussi collée dans les stations de métro en France.


La grève de la faim a duré 32 jours. Mais notre action s'est poursuivie après la grève. Ainsi, nous avons créé le collectif du 18-Octobre et lancé un forum de dialogue. Nous avons débattu de sujets sensibles et délicats tels que l'égalité des sexes et la relation entre l'Etat et la religion. Les débats étaient passionnés, riches et constructifs. Nous sommes même parvenus à ébranler certains dogmes aussi bien chez les islamistes que chez les laïcs. Il est aussi à souligner que chacun y mettait du sien. Les islamistes, par exemple, ont approuvé, pour la première fois, le code du statut personnel. Mieux encore, ils l'ont même considéré comme un acquis à préserver.

Pendant la grève, nous avons reçu des visites du monde entier dont celle de Shirin Ebadi, prix Nobel de la Paix, sans compter les visites de soutien des syndicalistes, des activistes politiques et des blogueurs tunisiens qui venaient nous voir chaque jour, par dizaines, pour nous témoigner leur solidarité. Nous avons également profité de la tenue, en Tunisie, du sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) pour attirer l'attention des médias étrangers, gagner en sympathie et briser le mur du silence. Le régime de Ben Ali était mis à nu par notre action.

Maintenant, après dix années du 18 octobre 2005, j'aurais souhaité que l'élite politique ait capitalisé, après la révolution, sur ce que nous avions bâti dans notre collectif. Cela aurait fait gagner au pays un temps précieux.


Abderraouf Ayadi

Cette grève de la faim était une lutte menée essentiellement par des avocats. Six sur les huit grévistes étaient des hommes du barreau. Ces mêmes avocats ont joué, plus tard, un rôle fondamental au cours de la révolution. Ils étaient continuellement en confrontation avec le régime de Ben Ali que ce soit pour des revendications sectorielles ou pour des questions d'intérêt général. Le local de la grève était aussi un cabinet d'avocat ce qui marque une fois de plus l'engagement de ce corps de métier dans le combat pour les droits et les libertés des Tunisiens.

Maintenant, pour juger de son efficacité, j'estime que notre action a atteint son but. Elle a suscité un élan de sympathie aussi bien en Tunisie qu'ailleurs. Nous avons également réussi à attirer les médias étrangers vers nous et reçu la visite de beaucoup de diplomates. Brièvement, la grève a pris une ampleur considérable. Il faut dire aussi que le fait qu'elle avait coïncidé avec le SMSI a beaucoup aidé à médiatiser notre cause.

Un autre élément qui me semble important, c'est qu'il y avait parmi nous Mokhtar Yahyaoui. C'était le juge qui a dénoncé en 2001 l'état lamentable de la justice tunisienne. D'ailleurs, on l'appelait le juge rebelle. Sa présence a donné davantage de crédibilité à notre action. On sait très bien qu'il ne peut y avoir d'Etat de droit sans qu'il y ait une justice fonctionnelle et impartiale.

Je souhaiterais également relever que la grève a pu rompre avec ce que je qualifierais d'« apartheid » politique contre les islamistes qui, à l'époque, étaient considérés comme un courant à part et ne pouvant intégrer le combat démocratique. Toutefois, Ahmed Néjib Chebbi avait des réserves sur la participation de Mohamed Nouri. Il [M. Chebbi] a dit sur un ton résigné : Bon, maintenant qu'il [M. Nouri] est venu avec son matelas, on ne peut que l'accepter parmi nous.

Aujourd'hui, après tant d'années écoulées, beaucoup de souvenirs me reviennent à l'esprit : les visites de soutien, l'esprit de famille entre des militants d'idéologies opposées, le jour où j'étais transporté à la clinique à cause d'un jaunissement des yeux, mais aussi les moments où je bouquinais avec mon camarde du 18 octobre, Mohamed Nouri.


Ayachi Hammami

Il faut considérer le 18-Octobre dans son contexte historique. En 2005, le régime étouffait toute voix qui le contredisait. Cette année-là, la Tunisie se préparait à accueillir le sommet mondial sur la société de l'information. Dans la société civile, nous étions gênés à l'idée que Ben Ali passe aux yeux du monde entier pour quelqu'un qui défend les libertés y compris celle d'internet alors que ce n'est nullement vrai.

Déterminés à agir, nous nous sommes réunis le 8 ou le 9 septembre 2005 chez Néjib Chebbi, soit environ deux mois avant le SMSI. Le moral n'était pas au top. Nous étions envahis par un sentiment d'incapacité. On n'avait pas une assise populaire assez large. Bref, nous avons opté pour la solution de la grève de la faim.

Il nous fallait bien trouver un local. Il fallait aussi que ce local soit à proximité du centre-ville et qu'il soit spacieux pour accueillir tous les grévistes. Comme j'avais un cabinet de 4 pièces, sis à la rue Mokhtar Attia, avec une terrasse où l'on pouvait se réunir, nous avons donc décidé de faire la grève dans mon lieu de travail. J'ai aménagé le cabinet de sorte qu'il soit adapté à nos besoins. J'ai installé une douche, placé une télé au bureau pour suivre les infos, apporté des couvertures, quelques meubles, etc.

Pour l'anecdote, nous avons dupé la police en leur faisant croire que nous étions présents dans un endroit alors qu'on était dans un autre. En effet, nous avons laissé courir une rumeur selon laquelle on allait tenir une conférence de presse le 18 octobre à 11h du matin au siège du journal Al Mawkif. Le 17 octobre au soir nous étions tous déjà réunis dans mon cabinet où nous avons passé la nuit. Le lendemain, à 9h, la police a encerclé le local d'Al Mawkif pour nous empêcher d'y accéder pensant que la conférence allait se tenir là-bas. La conférence a été organisée vers 9h30 dans mon cabinet et la police a mordu à l'hameçon. Et là je salue Radhia Nasraoui. C'est elle qui avait informé les agences de presse internationales du lieu de la conférence. En 2007, mon cabinet a été incendié. Je soupçonne les autorités de Ben Ali de ce crime.


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