Malgré la bonne volonté et les efforts consentis de ses corps armés, la Tunisie peine à affronter les menaces terroristes qui la guettent. La tâche sera, sans doute, plus ardue et compliquée avec le retour des jihadistes tunisiens des zones de conflit. Le gouvernement se dit prêt à cette échéance tandis que les partis perdent un temps précieux à se quereller sur quoi et comment faire. Le djihad en Syrie séduit beaucoup de Tunisiens. Des milliers de jeunes ont quitté leurs familles et quartiers pour aller combattre dans les rangs de l'organisation l'Etat Islamique et porter haut l'étendard d'un islam fondamentaliste. Certains ont commis des massacres, d'autres sont partis occuper des fonctions civiles, mais tous ont activement participé à cette guerre. En ayant porté des armes, en participant à la logistique des combats ou en s'activant derrière l'écran d'un ordinateur.
Avec les nouvelles frappes aériennes menées par les forces occidentales contre des cibles de Daesh et la détermination internationale à rayer ce groupe terroriste de la carte, la fin de l'Etat Islamique approche et la question du retour des combattants étrangers à leur pays d'origine commence à inquiéter, de plus en plus, la société civile et la classe politique tunisiennes. Comment faut-il s'y prendre avec ces anciens jihadistes ? Doit-on les accepter ou leur interdire le retour ? Toutes ces questions alimentent le débat dans les médias et créée la polémique entre les partis. La Constitution, dans son article 25, interdit d'empêcher tout citoyen de retourner dans son pays, de le déchoir de sa nationalité, de l'exiler ou de l'extrader. De ce fait, la solution d'interdire ces individus du sol tunisien est juridiquement inconcevable. Comment faut-il procéder dans ce cas ?
En réponse à cette question épineuse, on entend peu de propositions, mais un grand vacarme politique et beaucoup de paroles inutiles. Sur Mosaïque Fm, Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, a accusé Rached Ghannouchi de préparer discrètement une « loi de repentance » qui autoriserait les jihadistes repentis à revenir en Tunisie sans être inquiétés.
Le lendemain, sur la même station, Abdellatif Mekki, leader à Ennahdha, a répliqué : « Le cheikh n'a jamais soulevé la question de la repentance, seulement il a commenté que cette idée avait été utilisée dans plusieurs contextes de lutte anti-terroriste ». Puis de poursuivre, avec véhémence : « C'est lui [M. Hammami] qui doit se repentir du mensonge », accusant son adversaire de « stalinisme et d'endoctrinement à la Goebbels ».
Dans une interview accordée à France 24, Rached Ghannouchi a indiqué que la loi interdit d'exiler les Tunisiens. « Tout citoyen a le droit de retourner dans son pays et d'y être enterré à sa mort », a-t-il considéré. Jusque-là, le chef islamiste n'a rien dit d'étonnant et sa déclaration s'accorde avec les dispositions de la Constitution. Toutefois, il soutient un point de vue qui diverge de celui de ses alliés dans la coalition au pouvoir. « Je ne peux qualifier tout ceux qui combattent en Syrie de terroristes. Ceux qui luttent contre le régime de Bachar pour la liberté ne peuvent être considérés comme tels », a-t-il avancé.
Pour le chef du gouvernement, la solution est plutôt simple. Il suffit d'appliquer au pied de la lettre la nouvelle loi anti-terroriste pour résoudre l'affaire. « La loi est claire. Ceux qui ont commis des actes terroristes à l'étranger, voient leur responsabilité engagée. Evidemment, il faut les arrêter, les poursuivre et les juger en Tunisie », a-t-il déclaré, hier, sur Nessma TV.
Mais comment peut-on traiter avec ceux qui ont déjà été condamnés par des cours syriennes ? Peut-on les juger de nouveau ? En effet, la loi anti-terroriste interdit dans son article 80 la double peine. « L'action publique ne peut être déclenchée contre les auteurs des infractions terroristes et des infractions connexes s'ils justifient qu'ils ont été jugés définitivement à l'étranger, et en cas de condamnation, qu'ils ont purgé toute leur peine, qu'elle est prescrite ou qu'elle a fait l'objet de mesures de grâce », peut-on lire.
Donc, même dans le cas où la peine est dérisoire par rapport à ce que prévoit la loi tunisienne comme sanction, le jihadiste ne peut être jugé une deuxième fois. Aussi, il y a des détenus qui, selon notre confrère Zied El Hani, avaient bénéficié de la grâce du mufti syrien, Ahmed Hassoun, ceux-là aussi ne peuvent être rejugés par les tribunaux tunisiens.
Autre problème qui se pose. Comment déterminer si une personne ayant fait le voyage en Syrie est innocente ou coupable ? Se baser uniquement sur les informations livrées par le service de renseignements syrien est-il suffisant ? Habib Essid a affirmé, lors de son entretien télévisé avec Borhane Bsaïes, que le ministère de l'Intérieur dispose de suffisamment d'informations sur l'identité de ces combattants, soulignant ceci : « Dès qu'il s'agit de notre sécurité, nous sommes prêts à traiter avec tout le monde ».