A l'actualité cette semaine, le cinquième anniversaire de la révolution. Quels ont été les faits majeurs de la semaine à l'occasion de l'anniversaire d'une révolution censée rétablir la dignité aux citoyens ? Premier fait majeur qui a fait la une des médias, la crise à Nidaa Tounes avec un lot de gels d'adhésions et de démissions de valeureux militants grâce auxquels la Tunisie a pu se débarrasser de la troïka et éjecter Moncef Marzouki de Carthage. Un si beau projet qui part à vau-l'eau à cause des ego démesurés, de l'empressement et de l'aveuglement des uns et des autres. Tous coupables !
Deuxième fait majeur de la semaine, la décision d'Habib Essid, mercredi 13 janvier 2016, de créer une commission pour trouver des solutions au phénomène de la contrebande et du commerce parallèle. Pour mémoire, en février 2015, le même Habib Essid, quand il quémandait le vote de confiance aux parlementaires en leur présentant le programme de son gouvernement, leur promettait que la lutte contre le commerce parallèle serait une de ses priorités. Quand on sait que 50% du PIB du pays provient de ce commerce, on ne pouvait pas s'attendre à moins, disions-nous à l'époque. Concrètement et depuis, c'est-à-dire depuis près d'un an, il y eut un conseil ministériel restreint (en septembre) pour examiner une stratégie et cette commission du 13 janvier que présidera Slim Chaker, ministre des Finances. C'est connu, et cela va devenir une règle, quand un politique veut noyer un projet, il lui crée une commission. Habib Essid ne déroge pas à la règle. Quand il met un an pour créer une commission pour trouver une solution à l'une des priorités de son gouvernement, c'est qu'on peut dire qu'il a jeté l'éponge ! En théorie, il avait la solution avant même de se présenter à l'ARP pour présenter son gouvernement et ses priorités. On pensait naïvement qu'il a été désigné à la Kasbah parce qu'il avait déjà la solution dans sa besace. Eh ben non ! La pratique chez Essid est bien différente de la théorie.
Ce n'est donc pas étonnant, quand on a un pareil chef du gouvernement, de voir des jeunes se suicider, dans la même ligne que Mohamed Bouazizi, ce jeune vendeur ambulant qui s'est immolé par le feu un certain 17 décembre 2010 et a déclenché, par son acte désespéré, le processus révolutionnaire du 14 janvier 2011.
Cinq ans après, et c'est là le troisième fait majeur de la semaine, l'actualité nous fait part du suicide à Kasserine d'un jeune demandeur d'emploi suite à la parole non respectée d'un haut fonctionnaire. Comment s'étonner qu'un haut fonctionnaire ne tienne pas parole si le chef du gouvernement, lui-même, s'inscrit dans cette lignée ?
L'acte désespéré du jeune Kasserinois a suscité une grosse colère dans la région. Le week-end a été particulièrement « chaud » dans la région (en dépit de la neige) et tout indique que les choses ne vont pas se calmer de sitôt. Pourquoi ? Parce que la colère couvait déjà depuis plusieurs jours chez les Kasserinois qui voient d'un très mauvais œil que « leur » Najem Gharsalli ait été éjecté du ministère de l'Intérieur. « On avait Lotfi Ben Jeddou et on en était fiers, témoigne un Kasserinois. On l'a éjecté et on l'a remplacé par Najem Gharsalli et on n'en était pas moins fiers. Pourquoi renvoyer le seul Kasserinois du gouvernement ? Pourquoi cette ‘'hogra'' ? Pourquoi n'avons-nous pas droit, nous aussi à l'instar des autres régions, à un enfant de la ville à la tête d'un ministère de souveraineté ? ».
Quand bien même ces justifications ne seraient pas tout à fait sensées, la colère des Kasserinois est bien réelle. Les habitants de la ville se sentent de plus en plus rejetés et vivent de plus en plus mal leur précarité. Le cas de Kasserine et le ressenti des Kasserinois est loin d'être isolé. Nombreuses sont les régions où les habitants font part des mêmes revendications et ressentent le même rejet par le pouvoir central à Tunis. Leurs priorités n'en sont pas pour « ceux de Tunis ».
Que lisent et que regardent nos concitoyens de l'intérieur du pays dans les médias ? Habib Essid donne l'impression d'être déconnecté du pays et de vivre sur un autre continent. C'est exactement ce qu'il a dit des journalistes la semaine dernière, oubliant dans la foulée de se regarder dans un miroir et de commencer par balayer devant sa propre porte.
Les dirigeants du parti au pouvoir s'entredéchirent et l'ambiance n'est pas vraiment meilleure chez Ennahdha ou dans l'opposition. Patrons et ouvriers se tirent dessus à boulets rouges à travers leur UGTT et Utica et on se querelle même à l'Instance chargée de ramener la dignité et de révéler la vérité où l'on ne respecte même plus les décisions judiciaires.
Nos imams font la prière pour invoquer une pluie déjà prévue par les météorologues et certains en profitent pour se moquer de leurs croyances qu'ils qualifient de charlatanisme. En parallèle, les scandales liés à la corruption se banalisent, alors que l'inflation demeure galopante. La saleté jonchant nos rues n'est plus provisoire, elle fait désormais partie du paysage, tout comme l'incivilité. Il est tout à fait normal, avec ce topo, que la colère gronde et que le risque d'une explosion devienne de plus en plus sérieux. L'autre fait majeur de la semaine est le cinquième anniversaire de la révolution. Et on ne peut vraiment pas dire que ce cinquième anniversaire ait été fêté dans la joie au vu de tout ce qui précède. Tout ça pour ça ?
Nous sommes le 18 janvier et nous fêtons aujourd'hui le 64ème anniversaire du déclenchement de l'insurrection populaire en vue de l'indépendance. En ce jour de 1952, Habib Bourguiba et 150 autres néo-destouriens ont été arrêtés par le colon français, ce qui a déclenché le processus et ramené, quatre ans plus tard, l'indépendance.
Soixante ans après l'indépendance, cinq ans après la révolution de 2011, on attend encore l'étincelle d'une révolution culturelle en vue d'atteindre l'indépendance des esprits colonisés par la médiocrité débordante et les querelles intestines infinies.