Vous vous rappelez du petit Aylan, mort sur le sable en Turquie ? C'était un petit réfugié syrien qui fuyait la guerre et qui s'est noyé lors de la traversée. L'image de ce petit corps échoué, la tête dans le sable, avait ému le monde entier. Depuis le petit Aylan, il y a eu des milliers d'autres enfants « perdus ». Tout récemment, quelque 10 mille enfants d'immigrés ont été « perdus de vue » selon Europol. Ils iront alimenter les réseaux de prostitution ou d'esclavage, et franchement tout le monde s'en fout. Mais pourquoi parler de ça justement ? Parce que bientôt, comme les Allemands ou les Français, nous aurons nos propres réfugiés à nous ! Ce n'est plus un secret, une intervention militaire internationale en Libye semble être imminente. Les Libyens se retrouveront bientôt dans le même étau que les Syriens : Au sol, ils auront Daech, et dans les airs ils auront les bombes, les drones et les avions de la coalition. Par conséquent, les Libyens vont fuir cet enfer et une grande partie d'entre eux viendra se réfugier en Tunisie.
Le parallèle avec ce qui s'est passé en Syrie sera intéressant à observer. Plusieurs pays européens ont dressé des barrières de barbelés pour empêcher les réfugiés syriens « d'envahir » l'Europe. On a même vu des milliers de réfugiés parqués dans des camps et l'on s'indignait de ce traitement qui rappelait les heures sombres de la deuxième guerre mondiale. Les Danois ont innové en proposant de soulager les réfugiés de leurs objets de valeur en guise de « paiement » pour la sécurité dont ils vont bénéficier. On s'était indignés de ces traitements et on n'arrêtait pas de claironner les valeurs universelles d'entraide et de tolérance. On disait même aux occidentaux qu'il était de leur devoir d'héberger des réfugiés vu qu'ils sont en partie responsables de la destruction de la Syrie.
Mais quand il s'agira d'appliquer ces grands principes pour accueillir des réfugiés Libyens sur notre sol, qu'en sera-t-il ? Allons-nous les parquer dans des camps entourés de barbelés ? Allons-nous leur demander de payer, d'une manière ou d'une autre, leur séjour sur le sol tunisien ? Allons-nous dire que ce sont des terroristes et qu'il vaudrait mieux les éradiquer plutôt que de les accueillir, comme le disent les partis d'extrême droite en Europe ?
Il est vrai que l'on avait donné une leçon au monde en 2011 en accueillant des milliers de réfugiés venus de Libye et qui fuyaient la guerre. Mais on était portés, à ce moment là, par la ferveur de la révolution et on n'avait pas autant peur qu'aujourd'hui.On a peur de l'autre, peur de l'inconnu, peur de l'avenir. Et la peur ne peut engendrer que le renfermement et le refus de l'autre.
On peut redouter de voir, nous aussi, des images terribles. On peut redouter de voir des images de Libyens tentant de traverser la frontière en bravant le fameux fossé de séparation entre les deux pays. On peut redouter de voir le corps d'un petit garçon échouer sur la plage de Gabès ou de Zarzis. On peut surtout redouter de voir les Tunisiens ne rien appliquer des leçons qu'ils n'arrêtent pourtant pas de donner au monde : les Français devraient faire ci, les Allemands devraient faire ça…
Un bombardement occidental en Libye aura des répercussions sur la Tunisie. Des répercussions d'ordre sécuritaire, économique et même social. Un tel bombardement nous mettra face à nos contradictions et nous fera nous regarder dans un miroir. Il n'est pas sûr que l'image qu'on y verra soit belle…