Nous avons tous vu ces images insoutenables de réfugiés syriens en train de fuir, de pleurer et de mourir. Nous avons aussi vu comment les pays européens les ont reçus. Nous avons aussi entendu cette phrase assassine de la chancelière allemande, Angela Merkel, qui a remarqué que les réfugiés syriens ont préféré fuir vers la Hongrie et l'Allemagne plutôt qu'en Arabie Saoudite ou d'autres pays arabes, pourtant proches. Evidemment, cela nous touche. Quand on voit cette photo d'un père syrien serrant ses deux petites filles en pleurant à chaudes larmes après avoir accompli une périlleuse traversée, on ne peut s'empêcher d'être saisi par sa détresse.
Nous sommes responsables. Responsables par humanité, par ce lien sacré qui relie chaque être humain à son semblable, mais aussi responsables du fait que des milliers de Tunisiens, en Syrie, ont provoqué cet exode. Des chiens enragés lâchés aux trousses de familles sans défense au nom d'une religion qu'ils ont conçue et d'une idéologie qu'ils ont élevée au rang de dogme.
Nous sommes responsables car ce sont nos compatriotes qui sont partis dans ce pays pour tuer, violer, brûler et égorger. C'est notre petit pays qui a le plus gros contingent de chiens en Syrie. Ce sont des Tunisiens qui envahissent la Syrie des armes à la main du haut de leurs monticules d'ignorance et de bêtise.
Et parmi ces chiens, il en reste quelques-uns en Tunisie que combattent nos forces de sécurité. Ceux-là s'amusent également à menacer des journaux dont Business News. On ne peut que répondre : On est là, on ne changera pas et on ne bougera pas.
Le drame humain qui se passe sous nos yeux en Syrie éclipse nos petits soucis quotidiens liés à la menace terroriste en Tunisie. Il n'y a aucune comparaison avec la souffrance que vit ce peuple, dont une partie se retrouve obligée de ramper sous les barbelés serbes ou hongrois.
Par son ampleur, la douleur de ces réfugiés nous impose l'humilité et, au moins, le silence. Mais c'était sans compter sur la prise de position de notre ancien président, Moncef Marzouki. Ce dernier a invité le gouvernement tunisien, ainsi que l'ensemble des pays arabes, à accueillir les réfugiés syriens. Il a également exhorté la société civile tunisienne à aider les Syriens en rappelant que la Tunisie avait donné une leçon au monde en prenant en charge les réfugiés libyens en 2011.
Dans la foulée, Marzouki aurait pu demander l'organisation d'un autre sommet « les amis de la Syrie ». Il aurait aussi dû y consacrer un écrit à publier sur le site d'Al Jazeera comme il le faisait avant. Et par la même occasion, remettre au goût du jour la proposition qu'il avait faite à Bashar Al Assad de se réfugier en Tunisie…
La Syrie est défigurée et nous n'y sommes pas pour rien. C'est une réalité que l'on ne peut occulter tellement la souffrance des réfugiés nous éclabousse.
En Tunisie, on évoque la possibilité d'accueillir les terroristes repentis et de trouver des mécanismes de réintégration dans la société. Après avoir été incapables de les empêcher d'aller en Syrie et ailleurs pour tuer et mutiler, on se propose aujourd'hui de les accueillir sur la foi d'un repentir tout relatif. Pendant ce temps, les réfugiés continuent à fuir et trouvent de l'aide et du réconfort chez les Européens beaucoup plus que chez leurs « frères arabes ». Même le public des matchs de football en Allemagne a levé des banderoles pour souhaiter la bienvenue aux réfugiés syriens. Quand on regarde comment ces peuples se comportent, on peut prendre la mesure de tout le chemin qui nous reste à parcourir.
Quand les plages de Turquie ou de Libye rejettent des cadavres de femmes et d'enfants qui fuyaient la guerre, les vagues rejettent aussi le peu de dignité et d'humanité que nous avions.