L'attaque terroriste perpétrée par le mouvement Daech, il y a dix jours à Ben Guerdène, semble constituer un véritable tournant dans les plans de ce groupe jihadiste contre la Tunisie. En effet, on notera l'ampleur des moyens mis en œuvre dans cette agression ainsi que ceux déployés dans la riposte ayant permis de faire échec à cette attaque. Parmi ces moyens déployés, un important élan de solidarité enregistré aussi bien chez les habitants de la localité du Sud qu'à travers la population de tout le pays. Jamais un élan aussi spontané n'a émergé en Tunisie. Il a culminé avec ces appels multipliés en faveur de dons à effectuer au profit du fonds de lutte contre le terrorisme.
Or, aussi louable soit-elle, cette initiative n'a pas manqué de susciter une vague de polémiques. En effet, alors que tout laissait prévoir un afflux massif sur ce fonds, surtout si l'on se fie aux échos très favorables enregistrés sur les réseaux sociaux, cette action n'a enregistré que peu d'engouement. Selon le ministre des Finances, Slim Chaker : « les Tunisiens n'ont versé que 25 mille dinars dans le Fonds de lutte contre le terrorisme ». Et au ministre de renchérir avec stupéfaction qu'il est « inadmissible et honteux que le Fonds de lutte contre le terrorisme pour le soutien des institutions sécuritaires et militaires n'ait pu rassembler que 25 mille dinars de dons ». Slim Chaker a dû admettre, toutefois, que le ministère des Finances a une part de responsabilité dans cet échec et que la communication sur le Fonds en question a été « insuffisante ». Il a annoncé, à ce titre, qu'une campagne sur le Fonds sera lancée afin d'expliquer aux citoyens tous les détails de participation.
En effet, devant le tollé général soulevé par ses propos du 14 mars 2016, Slim Chaker a tenu à apporter certaines clarifications lors de son passage, ce matin du 15 mars, sur les ondes d'Express Fm. Il précise, ainsi, que l'Etat a déjà versé environ 5 millions de dinars à la création dudit fonds pour le soutien des institutions sécuritaire et militaire. Conscient du manque, voire l'absence, de communication sur ce dossier, il a jugé utile de donner un aperçu sommaire de l'historique de ce fonds instauré le 13 novembre 2013 et initialement dédié aux indemnités accordées aux familles de martyrs des corps de sécurité (douane, police, garde nationale, armée) et aux blessés victimes du terrorisme. Suite aux attentats du Bardo et de Sousse, une révision des attributions a été effectuée à la date du 26 novembre 2015 pour que les citoyens ciblés par les attaques terroristes soient également concernés par ce fonds.
M. Chaker, a rappelé qu'il s'agit d'un soutien pour la famille comprenant un don de 40 mille dinars, un capital décès, une subvention estimée par la CNRPS en fonction du salaire perçu de son vivant et l'engagement de fournir un emploi aux membres de sa famille. Dans son intervention, M. Chaker s'est attardé sur l'ampleur de la campagne de lutte contre le terrorisme insistant sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'équiper les corps de défense en armes et en équipements. Ce Fonds prône, également, la création de maisons de jeunes et de locaux culturels. Ainsi, le ministre a expliqué que des sommes, provenant du fonds, ont été allouées aux ministères concernés : 15 mille dinars au ministère de la Culture, 20 mille dinars au ministère de l'Education, 20 mille dinars au ministère de la Femme et 7 mille dinars au ministère de la Jeunesse et des Sports.
Le ministre des Finances a révélé que toutes les allocations accordées aux victimes du terrorisme proviennent du budget de l'Etat et a profité de l'occasion pour faire appel aux Tunisiens patriotes à participer à cette collecte. Il a ensuite exposé les différents moyens de contribution : par carte bancaire, utilisable à partir du vendredi 18 mars 2016, par virement vers le compte courant postal ou bien par dépôt de chèque ou espèces au 493000, ainsi que via SMS, en collaboration avec Tunisie Télécom. Il a profité de cette occasion pour insister sur le fait que « la meilleure preuve de citoyenneté est de payer ses impôts ». Pour rétablir la confiance entre le citoyen et le département des finances, M. Chaker a promis de doter toutes les plateformes électroniques d'un compteur témoin pour informer, en toute transparence, de l'évolution du fonds de lutte contre le terrorisme.
A rappeler que les familles de citoyens ordinaires, de militaires, d'agents de sécurité et des douanes, auront droit à une compensation évaluée à 40.000 dinars, outre une allocation à vie. Les blessés, quant à eux, percevront une somme comprise entre 4.000 et 10.0000 dinars. Pour les cas nécessitant des soins intensifs, l'Etat s'engage à payer 2.000 dinars au titre de frais d'hospitalisation déductibles du montant total du dédommagement.
A mettre en exergue, tout de même, que plusieurs dons importants ont été enregistrés depuis l'attaque de Ben Guerdène. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a fait don d'un salaire d'un mois au profit de ce fonds. Le député au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Hafedh Zaouari, du parti Afek Tounes, a fait mieux en annonçant qu'il a décidé de faire don d'un an de salaire au profit du même Fonds. Une idée qui lui serait venue, selon ses dires, « lorsque le président de la république BCE a fait don de son salaire du mois de mars estimé à 25 mille dinars ». Le député a exprimé le souhait de voir tous les Tunisiens participer en masse à cette campagne nationale.
D'autre part, Habib Essid, chef du gouvernement, « a invité les membres du gouvernement et les hauts cadres de l'Etat à faire don d'un jour de travail au profit du Fonds de lutte contre le terrorisme ». « Il a également exhorté les fonctionnaires, les agents de l'Etat et les citoyens à prendre part à cette initiative pour soutenir l'effort national dans la lutte contre le fléau du terrorisme. »
Bon à rappeler, quand même, qu'un compte postal a été ouvert depuis vendredi, 11 mars 2016,sous le nom de Fonds de lutte contre le terrorisme. Ceci permettra de permettre aux Tunisiens aussi bien résidant dans le pays qu'à l'étranger d'adhérer à l'élan de solidarité avec les forces sécuritaires, militaires et douanières et de contribuer à l'effort national en matière de lutte contre le phénomène du terrorisme. A cet effet, un compte postal a été créé. Les Tunisiens pourront effectuer leur virement, à partir des dans différentes régions du pays, en utilisant le numéro suivant : 1700 0000 0000 4930 0095. Quant aux Tunisiens résidant à l'étranger, ils utiliseront les coordonnées suivantes : IBAN : TN 59 1700 0000 0000 4930 0095 CODE SWIFT : LPTNTNTT.
Plusieurs observateurs ont déploré le fait qu'une action aussi noble ait été marquée par autant de confusion et de flou. La faute, comme a fini par le reconnaître le ministre des Finances, incombant à son département qui, probablement pour l'effet de la précipitation, n'a pas mis au point une véritable stratégie de communication pour entourer l'opération de toute la transparence, la rigueur et la confiance nécessaires en de pareilles circonstances.