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Le consensus : une fausse bonne idée !
Publié dans Business News le 28 - 03 - 2016

A chaque fois que les conflits atteignaient leur paroxysme dans une Cité grecque en pleine effervescence politique et philosophique, le besoin d'inventer des mécanismes à même de rapprocher les points de vue se faisait de plus en plus pressant.
L'étymologie du mot consensus est certes d'origine latine mais elle recouvre le principe de l'adhésion, de l'accord et de l'unanimité appliqués par les grecques comme principe de bonne gouvernance. Si en temps de paix l'idée d'un accord global et pacifique est porteuse d'espoir traduisant une maturité sociale et politique, en temps de guerre en revanche, son accomplissement nécessite le concours d'un proxène agissant comme un rouage indispensable à la création d'un consensus entre les belligérants.

Ceci étant dit, nombreux sont ceux qui vantent le « mérite » des dirigeants tunisiens, qu'ils soient d'obédience politique ou syndicale, et leur capacité à créer le consensus autour de sujet aussi important que la nouvelle Constitution, les nouvelles institutions de l'Etat, le régime politique, la composition de l'exécutif gouvernemental etc. On est allé même jusqu'à l'attribution d'un Prix Nobel à la méthode de fabrication du consensus appelée « dialogue national ».
Serge Halimi disait dans son ouvrage sur les nouveaux chiens de garde, que ceux qui cherchent le consensus brassent du vent pour détourner l'orage qui menace. Entendant par orage le véritable changement, le courage de rompre avec les veilles mauvaises habitudes et la prise de risque politique.
Combien de bonnes idées quand elles ne sont pas en adéquation avec une situation précise produisent les effets contraires et au lieu de La solution deviennent la source du problème. Plus explicitement, le consensus « al wifek » qui semble être le maître-mot qu'on entend dans la bouche de tous les responsables politiques et syndicaux n'est rien d'autre que l'arbre qui cache la forêt !

En politique, dans un pays où tout est à reconstruire sur des bases qu'on souhaite démocratiques, le consensus est un véritable obstacle à tout mouvement de progrès, à toute concurrence saine, à toute avancée de quelque nature que ce soit. L'étymologie du mot révolution comporte en soit le principe d'un changement profond, le passage d'un système à un autre, le changement de statut pour des aspirants à la citoyenneté. Or ce bouleversement nécessite à la fois de la méthode, des compétences techniques et humaines et des personnes ayant suffisamment de courage pour mener à bien tous ses changements. Avons-nous aujourd'hui en Tunisie de la méthode ? Avons-nous des compétences politiques, techniques et humaines ? Avons-nous du courage ? La réponse est invariablement négative, négative, négative et les raisons sont multiples.

Le régime politique : le régime parlementaire consacré dans la nouvelle Constitution n'ayant pas tenue compte de la composition sociologique, culturelle et donc électorale du pays, conduit inéluctablement au blocage du système par l'impossibilité de dégager une majorité à même de prendre ses responsabilités et donner une impulsion pour le pays d'où le recours au « consensus ». Or un consensus implique nécessairement le rapprochement de points de vue parfois diamétralement opposés par l'effacement de signes distinctifs pouvant faire obstacle à ce consensus. C'est bien le mode de scrutin choisi pour des raisons de pur calcul électoraliste qui consacre dans les faits l'obligation de trouver un consensus. La proportionnelle choisie (la méthode du quotient) empêche l'émergence de formation politique majoritaire capable d'assumer ses responsabilités et proposer un programme de gouvernement, d'où le recours au « consensus mou » qui n'est rien d'autre que l'immobilisme et l'irresponsabilité.
Le nivellement par le bas : en politique, le consensus est antinomique au courage, à la responsabilité, à la compétition, à la volonté de réformer et à la capacité d'en assumer les conséquences, voire, à en payer le prix si nécessaire. L'outil réducteur de toutes les aspérités ô combien nécessaires en temps de changement profond du système, c'est le « rabot ». A force de raboter tout ce qui peut faire obstacle au consensus on arrive à l'immobilisme qui n'est rien d'autre que le degré zéro de la politique.
Si on prend le cas d'Ennahdha et de Nidaa, les deux principales formations qui gouvernent aujourd'hui le pays, elles sont dans l'obligation, l'une comme l'autre, d'effacer tout signe distinctif qui risque de faire obstacle au consensus et à force d'effacer on arrive à éliminer même les éléments les plus élémentaires à toute action de gouvernement. Plus aucune idéologie et même plus de programme politique, économique ou social qui risquent de créer des dissensions. Au final, on arrive au plus petit des dénominateurs communs, le consensus sur le pouvoir pour le pouvoir et non pour la réforme et le changement. C'est ainsi que la machine des réformes s'immobilise faute de programme et de volonté politique.
Le consensus devient alors une méthode qui assure le nivellement par le bas qui touche aussi les personnes. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. A force de chercher des personnalités « consensuelles », autrement dit sans aspérités, sans charisme, sans volonté de réforme, on fait baisser les critères de recrutement jusqu'à ce qu'on arrive au point zéro qui est celui du consensus autour de personnes qui ne risquent à aucun moment de gêner les desseins partisans des deux formations vainqueurs des élections. Il faut donc des personnes « consensuelles » prêtes à exécuter des ordres venant des véritables détenteurs du pouvoir et incapables d'agir au risque de rompre le fragile consensus. Résultat, un parlement sans réelle pouvoir puisqu'il est sous la tutelle des appareils des partis, un gouvernement censé avoir quasiment tous les pouvoirs se trouve dépourvu de moyens politiques pour agir et un pays qui part à la dérive sans que personne ni rien ne puisse y mettre un terme.
Le délitement de l'Etat : la recherche du consensus paralyse ainsi tous les rouages de l'Etat par l'absence de marqueurs de responsabilité et de délimitations des pouvoirs. L'Etat perd ainsi son emprise sur les institutions d'où la prolifération de toutes sortes de banditisme et de lobbies qui engendrent l'inexorable dérive du pays vers un chaos, certes non voulu, mais hélas inévitable. La paralysie de l'Etat est due à la primauté des partis. Il est évident que rien ne peut se faire en dehors du bon vouloir des partis au pouvoir. Chacun a ses raisons propres qui expliquent et justifient son immobilisme. Ennahdha prépare son congrès et ne veut courir aucun risque politique. Nidaa est en miette et cherche à retrouver un semblant de cohérence. Pendant ce temps-là le pays perd un temps précieux qu'il sera difficile de rattraper. Cette paralysie est due au système électoral choisi. Il est impératif d'envisager sa réforme. Voici quelques pistes non exhaustives des mesures urgentes à prendre :
Etant donné que le blocage est politique, il va falloir trouver des solutions politiques pour sortir le pays de l'impasse où il se trouve.
A commencer par l'introduction d'une réforme constitutionnelle en faveur d'un rééquilibrage entre les pouvoirs : le législatif et les deux exécutifs.
Changer le mode de scrutin en faveur d'un scrutin majoritaire à deux tours qui limiterait l'effritement de l'électorat et favoriserait l'émergence de formations politiques capables de gouverner et d'assumer les charges du pouvoir.
A court terme et s'agissant de la crise économique et sociale actuelle, l'opinion publique doit exercer sa pression sur les partis au pouvoir pour qu'ils cessent de favoriser leurs agendas partisans au détriment du pays. Au vue de ces agendas rien ne peut se faire dans le pays avant l'année prochaine (2017) ce qui va aggraver la situation économique et sociale du pays.
De la même manière que les deux grandes formations politiques au pouvoir se sont entendues pour partager le pouvoir, elles doivent assumer leur responsabilité en accélérant l'introduction des réformes vitales pour le pays et faire en sorte que la coordination des 4 partis puisse jouer un rôle autre que consultatif, voire de figuration.
Elaboration d'un programme économique et social de sortie de crise articulé autour des grands équilibres économiques et les priorités sociales.
Dire la vérité au peuple et le mettre aussi devant ses responsabilités.
Monter une équipe gouvernementale sur des critères de compétences politiques et techniques chargée d'exécuter ce programme sans se soucier des échéances électorales puisqu'elle ne doit en aucun cas y prendre part.
Veiller à ce que chaque corporation puisse limiter son action à son domaine de prédilection à savoir, le gouvernement gouverne, les syndicats font du syndicalisme, les partis politiques s'occupent de politique partisane et fabrique des programmes, la société civile veille au grain pour faire progresser les acquis en termes de libertés individuelles et collectives. En d'autres termes, abandonner l'idée du consensus qui brouille les limites entre ces forces et provoque un mélange des genres qui n'est rien d'autre que l'expression de l'Etat de non droit, de l'irresponsabilité et de l'immobilisme ravageur.
Réconcilier le Tunisien avec l'Etat par la transparence dans la gestion des affaires publiques et par la prise de conscience de l'équilibre entre les droits et les devoirs sans lesquels on ne peut aspirer à devenir des citoyens à part entière.


* Hédi Ben Abbes est universitaire et dirigeant d'entreprise


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