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Immobilisme, cause et remèdes
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 09 - 2015


Par Hédi Ben Abbes
Il m'était donné de présenter sur ces mêmes colonnes une approche sur l'immobilisme politique qui caractérise cette période de notre histoire en parlant du désir d'Otium, du « behta » à la tunisienne, de l'impossibilité de revenir en arrière tout en étant incapable d'aller de l'avant, mais à l'époque je n'avais pas mesuré l'ampleur de la pathologie. C'était un cri du cœur comme une catharsis par laquelle on espère réveiller les consciences et secouer nos dirigeants pour les faire sortir de leur torpeur. Aujourd'hui, on constate amèrement que plus le temps passe et plus l'inquiétude se transforme en désespoir et le désespoir en fatalisme. C'est ainsi qu'une nation se délite par la rupture du contrat social. Fleurissent alors les commentaires nostalgiques sur l'ancien régime, les tous pourris, et le désintéressement à la chose politique qui est en soi une catastrophe pour une démocratie naissante. Comme pour tout autre domaine, les crises sont propices à la réflexion et peuvent même être utiles pour la remise à plat et la refonte du système. Si, par exemple, on veut sortir le secteur touristique de sa maladie chronique, maintenant qu'il est en crise profonde, c'est l'occasion propice pour le réformer de fond en comble sur des bases saines. Le rafistolage et les mesurettes démagogiques et populistes ne sont rien d'autre que du plâtre sur une jambe de bois.
Afin que l'on puisse avancer dans la réflexion et apporter notre modeste contribution dans la recherche de solutions, il est important d'identifier les causes de l'immobilisme actuel de l'exécutif et du législatif et d'envisager les solutions adéquates à cette catastrophe nationale. Il est de rigueur de ne céder ni au sentimentalisme et encore moins aux enjeux du pouvoir qui sont à la fois stériles et contre-productifs.
Tout observateur, si peu avisé soit-il, ne peut que constater la torpeur qui caractérise l'appareil de l'Etat alors que la peur pour l'avenir s'est emparée de la population et la pression du quotidien a rendu le pays ingérable. Sociologiquement, un des traits qui caractérisent la personnalité du Tunisien, c'est celui de sa recherche constante de ce qui rassure et protège, comme le dit Moncef Ouannès dans «La personnalité tunisienne», d'où cette recherche de l'homme providentiel, celui qui va délivrer le pays et le sortir de son immobilisme. Pour certains, il faudrait presque réveiller Bourguiba de sa tombe pour venir nous paterner. Pour d'autres il faudrait faire revenir Ben Ali pour qu'il tienne le pays d'une main de fer. Pour une troisième catégorie, seul Allah peut nous délivrer. Dans aucun cas le Tunisien n'envisage de se prendre en charge et ne pense à son propre rôle et sa propre contribution dans la recherche de solutions. C'est ce qui caractérise les peuples enfants qui ne savent pas encore comment passer d'un exercice personnel du pouvoir à une gestion collective qui responsabilise chaque citoyen. N'ayant pas encore atteint cet objectif de citoyenneté où les devoirs et les droits sont complètement assumés par tout un chacun. Le Tunisien se sent à présent orphelin, à la recherche d'une figure providentielle, et de ce fait, devient une proie facile aux charlatans et aux experts en communication. Il n'a aucune confiance dans les institutions et pour cause, elles ne sont pas encore réformées. Il n'a aucune confiance en lui-même pour être un acteur actif dans la construction et la consolidation des nouvelles institutions démocratiques. Comme cette figure providentielle n'a pas encore vu le jour, et que les institutions ne jouent pas encore leurs rôles, nous assistons hébétés à un immobilisme ravageur. Les raisons à cela sont multiples, politiques d'abord, institutionnelles, et culturelles.
Les raisons politiques et institutionnelles de l'immobilisme actuel résident dans la configuration des trois instances de l'Etat, le Parlement, la présidence de la République et le gouvernement, le tout sur un fond d'une nouvelle Constitution encore mal assimilée et parfois même non prise en compte.
Les résultats des élections ont donné lieu à une très large coalition dépassant les 75% des représentants du peuple issus de 4 « partis » différents au poids électoral différent. On s'attendait donc à ce que cette coalition forte comme elle est, soit en mesure d'entreprendre les réformes, certes douloureuses, mais ô combien indispensables à la sortie de crise de notre pays. Je fus parmi ceux qui ont défendu cette idée d'une forte majorité parlementaire pour soutenir le gouvernement et rendre le pays non seulement gouvernable mais aussi et surtout, réformable. Cet objectif ne peut être atteint que si un nombre de conditions soient remplies à commencer par la volonté politique d'engager le pays sur la voie des réformes, une vision, un programme et un plan d'action conduit par un exécutif à la fois compétent et ayant comme seul et unique objectif l'intérêt général. Or, ce que nous avons finalement eu, c'est presque tout le contraire.
Sur le plan institutionnel, la Constitution a posé le cadre de l'initiative législative qui détermine le périmètre de chacune des trois institutions. Notre Constitution a instauré un régime d'essence parlementaire avec un rééquilibrage entre l'institution présidentielle et le gouvernement. Pour réformer, il faudrait donc prioritairement s'appuyer sur le Parlement et donc les groupes parlementaires, voire une dizaine de parlementaires indépendants suffit pour soumettre à cette instance suprême des projets de réforme. L'initiative législative est aussi accordée dans une mesure moindre au président de la République et au gouvernement.
Aujourd'hui, aucune de ces trois institutions ne joue pleinement son rôle, bien au contraire, chacune justifie son immobilisme en se cachant derrière les deux autres. L'incompétence à tous les étages n'a fait qu'aggraver la situation. Le Parlement attend à tort que le gouvernement assume ses responsabilités et introduit des projets de réforme, le gouvernement attend que le parti majoritaire assume ses responsabilités et propose des projets de réforme qui ne viennent toujours pas et la présidence de la République n'a ni les moyens techniques ni les prérogatives pour être à l'origine d'un programme de réforme digne de ce nom, d'où la paralysie de l'appareil de l'Etat. Le tout sur fond de calcul électoraliste et d'indifférence au sort de la Tunisie et des Tunisiens.
Si l'on prend Nida Tounès qui est numériquement le premier « parti » vainqueur des élections, l'initiative de réforme lui incombe prioritairement si on veut jouer le jeu démocratique et assumer pleinement la responsabilité du pouvoir. Or, il se trouve que ce « parti » n'avait comme programme que l'objectif d'arriver au pouvoir et d'évincer Ennahdha quitte à les réintégrer dans un deuxième temps au sein d'une large coalition. Une fois les élections gagnées, Nida Tounès s'est trouvé face à ses propres carences et à son manque de compétence. Le poids du pouvoir les a assommés étant donné que ce « parti » n'a ni programme, ni volonté de réformer, accablé qu'il est par les divisions internes et l'absence totale de machine à idée, d'où l'immobilisme.
Quant à Ennahdha, ce « parti » ne souhaite pas prendre l'initiative de réformer étant donné qu'il n'est pas le premier « parti » et qu'il n'a pas à assumer le prix politique des éventuelles réformes alors qu'il est ultra-minoritaire au sein de l'exécutif, ce qui peut se comprendre d'un point vue purement politique. D'où l'immobilisme.
Quant aux deux autres « partis » de la coalition, UPL et Afek, eux aussi ne disposent ni de ressources techniques ni de force politique pour pouvoir assumer une telle initiative, preuve en est la seule réforme aux mains d'Afek aujourd'hui, concerne le code de l'investissement et on constate les grandes lacunes et incohérences que comporte la version actuelle de ce texte ainsi que tout le mal que ce « parti » a à produire et à faire adopter un projet aussi vital pour l'emploi en Tunisie. D'où l'immobilisme.
Résultat des courses, de l'immobilisme à tous les étages car aucune de ses composantes ne dispose de l'ensemble des compétences nécessaires et n'est disposée à assumer le prix politique en étant à l'initiative des réformes. Ce qui est déplorable dans cette situation, c'est le sort du pays et l'impossibilité de penser à la Tunisie avant de penser aux intérêts partisans et aux intérêts personnels.
Quant au gouvernement, il ne peut être seul responsable des réformes et ce pour des raisons à la fois structurelles et politiques. Structurellement, comme son nom l'indique, l'exécutif est chargé de mettre en œuvre les réformes initiées, discutées et votées par le Parlement. Il se charge quasi-exclusivement de trouver les solutions techniques à la mise en œuvre des réformes. Il doit avoir une stratégie de communication et une capacité à négocier avec les partenaires civils pour que la mise en œuvre des réformes se fasse sans trop d'obstacles. Pour cela, l'exécutif doit disposer non seulement de compétences techniques de très haut niveau, mais aussi de compétences politiques car l'adhésion du peuple et des partenaires civils à ces projets de réforme nécessite un savoir-faire politique, sans lequel l'opérationnel ne peut être efficient. Il n'y a pas de mal à souligner que sur le plan à la fois technique et politique, l'exécutif n'a pas fait preuve, jusqu'à présent, d'une compétence rassurante et c'est le moins que l'on puisse dire !
L'exécutif n'est pas censé être à l'origine des projets de réforme dans un régime parlementaire. Combien même, avec le soutien de leurs « partis » respectifs, les ministres peuvent proposer des projets de réforme, encore faut-il qu'on dispose d'une structure, donc de personnes, capables d'avoir des compétences transversales sous la houlette d'un chef de gouvernement pour harmoniser et faire converger tous les projets de réforme au service d'une vision et d'une orientation claires. L'exécutif actuel ne semble donc pas avoir les ressources structurelles pour conduire les réformes nécessaires pour notre pays. D'où l'immobilisme.
La présidence de la République, l'autre tête de l'exécutif, n'est pas mieux dotée que le gouvernement sur la plan structurel et politique. Structurellement, la présidence ne dispose pas d'équipe technique à même de proposer des projets de réforme. Non seulement la Constitution n'autorise au président de la République qu'un champ restreint pour l'initiative législative, mais aussi, la présidence ne peut se substituer ni au gouvernement et encore moins au Parlement, autrement on reviendrait à un régime présidentiel exclusif, autrement dit à la dictature. D'où l'immobilisme.
Résultat : la pression de la gestion courante des affaires publiques, les difficultés économiques, les problèmes de sécurité et la pression sociale empêchent l'exécutif d'être à l'origine des réformes. Les parlementaires ne sont pas en train de jouer leur rôle pour les raisons invoquées ci-dessus et la présidence de la République à qui revient l'obligation de proposer une vision, une orientation et un cap pour le pays n'est pas en mesure, à ce jour, de faire des propositions et encore moins d'initier des réformes. D'où la paralysie de l'appareil de l'Etat.
Ce constat ne réjouit personne et tous les Tunisiens amoureux de ce pays et soucieux de son avenir ne peuvent que déplorer cet état de fait indépendamment des personnes qui sont aujourd'hui aux manettes du pouvoir. Ce que tout un chacun souhaite, c'est la réussite de l'ensemble des institutions, car elle est synonyme de réussite de la Tunisie et de tous les Tunisiens. Malheureusement, il n'y aucun signe, même pas l'ombre d'un début d'une lueur qui laisse à penser que non seulement il y a une prise de conscience de la gravité de la situation du pays mais aussi la volonté de tout faire pour remédier à cela. Que peut-on dans ces conditions proposer comme solutions pour mettre en route la machine des réformes et engager la population dans une dynamique positive et gagner la confiance de nos bailleurs de fonds ?
Tout d'abord, il faut que l'on commence à apprendre à respecter les institutions dans le cadre de la nouvelle Constitution. Il faudrait redonner au Parlement le rôle qui lui incombe, celui d'être le corps législatif par excellence. Pour ce faire les « partis » politiques doivent jouer pleinement leur rôle. Compte tenu du blocage structurel et politique qui entrave chaque parti, l'initiative de réforme doit venir d'une autre instance informelle et notamment l'Instance de Coordination entre les 4 partis à laquelle a failli se joindre un cinquième, on l'a échappé belle ! Cette Coordination est le cadre idoine pour être une force d'initiatives et de propositions.
La Coordination doit assumer ses responsabilités d'autant plus qu'elle est à l'abri des dissensions compte tenu du nombre limité des représentants de chaque composante et du cadre informel de leur réunion loin des pressions que subissent les parlementaires et les membres de l'exécutif. Les propositions émanant de cette instance engagent toutes les parties prenantes. La responsabilité politique qui fait tant peur aux « partis » sera alors collective et donc plus facile à assumer. Il n'est pas question de faire en sorte que cette Coordination supplante le Parlement. Elle doit tout simplement agir comme une boîte à idées et proposer aux groupes parlementaires qui s'y rattachent des projets qui seront par la suite introduits et défendus par ces mêmes groupes au sein des commissions. Pour ce faire, les membres de la Coordination doivent être soutenus par les instances des partis et les compétences qu'ils recèlent, si compétences il y a, pour produire des projets et venir les présenter à la Coordination en vue d'être adoptés. Ainsi, à défaut de le faire individuellement, les 4 « partis » feront collectivement la démonstration qu'ils sont des « partis » de gouvernement et non des coquilles vides sans matière grise et sans force politique.
La solidarité entre les « partis » de la coalition est une condition sine qua non à la réussite de cette entreprise. Cette solidarité ne peut exister qu'une fois on a mis l'intérêt du pays avant l'intérêt des « partis », et qu'une fois on a enlevé de la tête des dirigeants de ses « partis » l'idée qu'à défaut de défendre un bilan on va défendre un territoire électoral. La volonté de quadriller le pays électoralement par les nominations car on a rien à proposer au pays est une très mauvaise stratégie qui témoigne du mal que ronge notre société à tous les niveaux, à savoir le court terme, ne jamais voir plus loin que le bout de son nez, la recherche constante d'un intérêt immédiat, quitte à hypothéquer l'avenir. Sauf que quand on a le destin de toute une population entre les mains, une telle attitude est criminelle, c'est une haute trahison car elle fait le lit du terrorisme et de l'obscurantisme.
Si l'initiative des projets de réforme revient aux « partis » de la coalition et donc aux parlementaires, on peut ainsi restituer à l'institution suprême du pays les pouvoirs qui lui incombent et les responsabilités qui s'y rattachent.
Si la Coordination n'est pas en mesure d'initier les projets de réforme, plusieurs commissions interdisciplinaires indépendantes peuvent être mises en place avec un collège d'experts et un comité de coordination pour veiller à la cohérence des projets au service du même objectif. Cet objectif est à définir au préalable par les partis au pouvoir sous le haut patronage du président de la République.
Quant au gouvernement, lui aussi doit trouver les mécanismes nécessaires à un fonctionnement responsable. Force est de constater que l'équipe actuelle, indépendamment de ses qualités intrinsèques, n'a pas fait preuve d'une quelconque efficacité. Elle manque d'encadrement, de coordination et de leadership. C'est faire preuve de maturité et de patriotisme que de reconnaître la nécessité de revoir aussi bien les méthodes de travail que les contenus de la politique à mener et donc trouver les personnes adéquates au sein des « partis » vainqueurs des élections pour conduire les affaires du pays. La formule actuelle est obsolète et va nous conduire dans le mur. Le seul critère qui vaille est celui de la compétence à la fois technique et politique.
Quant à la présidence de la République, elle doit veiller au respect des institutions et faire les arbitrages et les recadrages nécessaires en cas de dérive par rapport au projet, pour le pays. Or, justement, la Tunisie est en manque de projet, raison pour laquelle le seul projet alternatif qui gagne du terrain jour après jour est celui des ennemis de la Tunisie et des ennemis de la démocratie. Comment peut-on dans ces conditions, reprocher à une jeunesse en mal d'idéal, de projet, de perspective, de référentiel fiable, d'aller se jeter dans les bras du premier charlatan venu qui leur promet des lendemains qui chantent et le meilleur qu'un être puisse espérer, soit sur terre, soit dans l'au-delà ?
Changer le discours politique : dans un pays où la confiance est une denrée rare, où la mauvaise foi est de rigueur, où on est passé de l'impunité d'une minorité (sous la dictature) à l'impunité d'une majorité, où tout le monde « ykhadim fi mokhou !», le devoir d'exemplarité doit impérativement venir des responsables politiques et de l'élite de ce pays. Cette exemplarité se traduit en priorité par le rétablissement de la vérité. Il faut dire la vérité au peuple. La vérité sur l'état réel de l'économie et des finances du pays et sa sécurité, donc un devoir de transparence. La vérité sur le peuple lui-même et son manque de civisme. La nécessité de changer de paradigme et remplacer le logiciel du populisme par celui de la responsabilité. Il me vient à l'esprit le programme électoral de David Cameron, Premier ministre britannique, lors de la campagne électorale de 2010 quand il a pris tout le monde à contre-pied en disant aux Britanniques que s'il est élu, il faudra qu'ils se serrent la ceinture, qu'il n'y aura pas d'augmentation de salaire, que la couverture sociale sera réduite et que l'âge de départ à la retraite sera augmenté. Un discours à l'antipode du populisme qui est de rigueur dans notre jeune démocratie. Dans le même temps, David Cameron a présenté le programme de réforme qu'il mettrait en place s'il était élu. Il fut élu avec une petite majorité de 10 sièges et a conduit un programme de réforme très austère qui, en cinq ans, a ramené l'inflation à un taux zéro, le plein-emploi et une croissance de 3% pendant que le reste de l'Europe, à part l'Allemagne, était en récession.
Cet exemple concret nous enseigne sur la nécessité de dire la vérité et de mettre tout le monde devant ces responsabilités. C'est ainsi que la confiance se construit entre un dirigeant et son peuple et ainsi qu'on engage le peuple dans une dynamique positive et que l'on mesure sa maturité. Dans notre pays, le discours politique doit changer en faveur d'une plus grande franchise quitte à en payer le prix politique à court terme.
Une machine à idée et à réformer (Coordination des « partis » ou commissions indépendantes). Un nouveau gouvernement de compétences techniques et politiques. Une nouvelle méthode de travail. Un chef de gouvernement doté de compétences transversales. Un discours de vérité. Une volonté de réformer le pays quel que soit le prix politique à payer. Une stratégie de communication. Telle est la recette à méditer et à retravailler pour sortir le pays de l'immobilisme actuel et gagner la confiance du peuple et celle de nos partenaires étrangers.
(Universitaire et dirigeant d'entreprise)


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