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Contrebande en Tunisie : « Nous partageons les idées de Pablo Escobar ! »
Publié dans Business News le 14 - 10 - 2016

Stimulée par des prix défiant toute concurrence, la contrebande est désormais devenue inévitable en Tunisie. Dans un contexte d'insuffisance du budget public et malgré des menaces terroristes quasi permanentes, elle ne cesse de se propager. Une propagation rapide qui implique, nécessairement, de hauts dirigeants et des hommes d'affaires associés aux mafias des pays frontaliers. En effet, nos frontières sont poreuses et cette collusion tentaculaire concerne un nombre infini de marchés dont celui de l'alcool, du tabac, des hydrocarbures, des stupéfiants et, à une moindre échelle, des armes.
Toute une économie informelle ayant pignon sur rue et qui échappe au contrôle de l'Etat tout en sévissant sous ses yeux. Depuis 2011 et au fil des gouvernements successifs, l'Etat est loin d'avoir réussi à juguler le phénomène mais la prise de conscience de ce fléau et de ces méfaits est réelle. Plongée au cœur d'un cancer qui ronge l'économie du pays.

En essayant d'appréhender l'ampleur des réseaux de contrebande en Tunisie, quatre axes principaux se sont imposés. Pour saisir l'étendue de ce phénomène, il est en effet indispensable de décortiquer ses dimensions. Indispensable donc de s'intéresser à la politique douanière en Tunisie et plus précisément aux modes de fonctionnement technique de son administration. Viens ensuite l'étude de la riposte gouvernementale d'union nationale quant à la pénalisation de la contrebande, les discours officiels prononcés ainsi que l'attitude des citoyens par rapport à l'illégalité du phénomène.


« Une chose est sûre : l'argent, l'appât du gain et une certaine volonté d'imposer une autre vision du monde sont les principales motivations de tous ceux qui s'adonnent à la contrebande » c'est ce qu'a déclaré un homme d'affaires tunisien qui collabore avec des contrebandiers en Algérie et qui a bien voulu donner quelques éléments de réponse à Business News.

Il nous a déclaré : « Je pars souvent en Algérie. Le réseau auquel j'appartiens concerne la contrebande d'électroménager. Cette marchandise provient initialement de Chine, puis elle est réceptionnée en Algérie. Mon objectif c'est de la faire entrer jusqu'en Tunisie et ne payer aucune des taxes douanières légales. Ma contrebande utilise la voie terrestre et il y a celle qui arrive par voie maritime. Ce monde est vaste… la mer est une excellente cachette pour stocker des marchandises, sa récupération se fait par des hommes en scaphandres. Pour passer ma cargaison, j'ai besoin d'informations sur la présence des douaniers dans les postes frontaliers. L'aide du douanier, qui est également mon associé, est dans la communication de l'information sur les failles du système. Lui dispose de toute une armée à son service. Il m'aide en envoyant des « éclaireurs », la logistique est tentaculaire….tout se paie en cash. Donc concrètement, à la sortie de la marchandise d'Algérie vers la Tunisie, il y a collusion entre les contrebandiers et les douaniers algériens. Prenons l'exemple de l'électroménager, appareils frigorifiques et climatiseurs, mon associé qui appartient au corps douanier va faire intervenir de nombreux « marionnettistes ». Ce sont eux qui connaissent l'itinéraire de la marchandise que je vais faire passer ».

A la question : « Qui est ce douanier ? » l'homme d'affaires a répondu : « Le douanier qui fait affaire avec des contrebandiers est soit un très haut gradé soit un simple exécutant, en bas de l'échelle hiérarchique. Les douaniers qui se situent au milieu de la hiérarchie ne sont pas concernés par la collusion. Mon associé haut gradé dispose en général d'une armée de disciples armés qui s'apparentent à des paramilitaires. Ces douaniers ont leurs propres idées politiques et leurs propres convictions. Parler des mouvances politiques des douaniers qui décident de trahir leurs missions envers l'Etat n'est pas anodin ».
C'est ici qu'intervient le financement du terrorisme. Le système économique auquel répond le contrebandier est un capitalisme forcené alimenté par l'illégalité la plus totale. Au-delà d'un simple enrichissement personnel, il sert une cause comme le soutien au terrorisme.

Faisant un parallèle avec les agissements frauduleux de certains fonctionnaires du ministère du Commerce, notre homme a déclaré : « Les plus grands terroristes sont ces fonctionnaires du ministère du Commerce qui vous bloquent votre marchandise pour laisser un autre faire passer la sienne. Ces pots de vin entre hommes d'affaires tunisiens et agents du ministère m'ont fait, moi aussi, détester mon pays quelques fois. On parle ici de mafia légale à laquelle va répondre une mafia illégale qui voudra se faire justice elle-même. Ce genre de situation vous donne envie de vous venger et c'est normal, cela vous rend vindicatif. Le contrebandier est donc, dans plusieurs cas de figures, un justicier. C'est un homme invisible. Parfois, il commande tout un village ».

L'homme d'affaires reprend : « Lors de mes voyages successifs en Algérie j'ai vu et vécu des choses qui me donnent aujourd'hui l'impression que je suis supérieur aux autres, voir indestructible. Le fait d'avoir basculé momentanément ‘'du côté obscur'' m'a rendu fort et téméraire, sans scrupules également. Nous appartenons à une confrérie secrète, une organisation qui peut s'apparenter à de la franc-maçonnerie. Vous connaissez la série Narcos ? Et bien, la série est réelle ! Nous ne sommes pas en Colombie mais les idées de Pablo Escobar nous les partageons. Lors de mon dernier voyage en Algérie et durant les négociations avec un contrebandier algérien les choses ont mal tourné, mon collaborateur s'était alors retrouvé avec la pointe d'un pistolet sur la tempe à cause de négociations houleuses. Le contrebandier ne cessait de lui répéter dans un berbère algérien : « Dirli el swared oual endirlek Haba » (NDLR : donne-moi le cash ou je te mets une balle dans la tête). On ne rigole pas avec ces gens-là, la mort est toujours toute proche. On se sait jamais si les choses vont dérailler, il y a un côté hasardeux et aléatoire, une balle perdue est vite partie. Il faut réagir calmement et pouvoir être stoïque. Vous savez, ces gens détestent leurs pays, ils répètent souvent : « Lebled Mgawda » [ndlr : le pays est foutu]. Sur ce point, nous sommes d'accord ».

Sur la contrebande des carburants, notre source nous a déclaré : « C'est à Tlemcen, ville algérienne située à 76 km de la ville frontalière marocaine de Ouejda, que se fait l'approvisionnement en carburant par des camions qui font le plein d'essence puis le vident, et ainsi de suite avec des allers- retours qui se font 4 à 5 fois par jour. Au poste frontalier algérien, il y a un bunker militaire doté d'une artillerie lourde…. Les parcours sont infinis, mon témoignage est une goutte d'eau dans la mer. Croyez-le ! Des banques tournées vers l'international et qui ont leur siège à Tunis sont impliquées ».


Du côté de la légalité et pour faire respecter l'Etat de droit, Adel Ben Hassen, le DG de la Douane en Tunisie agit et affronte la situation. Le 4 mai 2016, il a déclaré, dans une interview accordée à nos confrères de Webmanagercenter que « la lutte contre la corruption au sein de la douane est traitée avec le plus grand sérieux », avouant avec la plus grande sincérité que « La contrebande et le commerce parallèle ont indéniablement des relations étroites avec le banditisme transnational et le terrorisme ». Après ces révélations, le DG de la Douane a fait état de sa volonté de faire de la douane tunisienne un exemple à suivre en réinstaurant, au sein de l'administration publique, la suprématie de la loi. Déclarant la guerre aux pratiques illicites, et appelant à briser l'omerta qui règne en maitre, Adel Ben Hassen a impulsé une révolution au sein de la douane. En coopération avec le ministre de la Défense, Farhat Horchani, des dispositifs pour contrer le terrorisme et la contrebande et verrouiller les frontières ont été mis en place. Scanners, caméras de surveillance, radars, blindés, 4x4 ultra rapides, couverture aérienne de l'armée de l'air…l'implication intensive du génie militaire ne tardera pas à porter ses fruits.

Le chef du gouvernement d'union nationale, Youssef Chahed, a quant à lui, déclaré le 26 août 2016, lors de la séance de vote de confiance à l'ARP, que la lutte contre le terrorisme et la contrebande est un impératif d'intérêt général et une priorité absolue. C'est ainsi que la guerre fût déclarée contre les corrompus et ceux qui alimentent le commerce parallèle en Tunisie et que les saisies de contrebande se sont intensifiées sur tout le territoire de la République et plus seulement aux frontières. L'opération qui a eu lieu mercredi 12 octobre 2016 illustre bien l'effectivité de la politique menée. Zied Laâdhari, ministre de l'Industrie et du Commerce, a ainsi annoncé la saisiede 66 mille paquets de cigarettes de contrebande de marques diverses et variées, 100 kilos de maassel saisis et une somme de 1 million de dinars à la rue des Salines au centre-ville. Le même jour dans la zone militaire tampon, 25 armes, 12 camionnettes, deux voitures et à leurs bords 98.000 litres de carburant qui ont été saisis… Les saisies sont quotidiennes et la règle communément admise est que pour chaque marchandise interceptée, 8 fois l'équivalent de cette marchandise échappe à la vigilance des services douaniers. De quoi donner une idée de l'ampleur du trafic et son impact financier.

La réaction de la société civile par rapport à la contrebande est mitigée. Dans un contexte de crise économique accrue, il est normal que le citoyen soit attiré par des prix plus bas sachant que, pour le tabac par exemple, le prix ne cesse d'augmenter. Pour être plus clair, acheter un paquet de Marlboro à 3 dinars au lieu de 6 est intéressant pour une grande partie des citoyens fumeurs. Ce même citoyen est à la fois la cible ultime des contrebandiers mais aussi le principal acteur qui permettra de lutter contre lui. Pour soutenir les efforts déployés par les autorités légales, le Tunisien est appelé à contribuer activement en dénonçant ce genre de pratiques. Le travail de justicier entamé par le président de l'Instance nationale de la lutte contre la corruption (INLUCC), Chawki Tabib, est éloquent. Pour la première fois, un numéro vert est mis à la disposition des citoyens pour signaler tous les types de corruption: le 80 10 22 22.

La lutte contre la contrebande est donc indissociable de la lutte contre la corruption sachant que la concomitance entre contrebande et terrorisme n'est plus à prouver. L'étude de ce sujet est donc multidisciplinaire, ce qui en ressort est que les réseaux de contrebande depuis 2011 ont renforcé les mafias tunisiennes. Les revenus issus de ce circuit informel, s'ils sont récupérés, pourraient grandement contribuer à renflouer les caisses de l'Etat et ainsi permettre de ne pas reporter l'augmentation de la masse salariale.


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