Kalachnikovs, revolvers, fusils mitrailleurs ou de chasse: toutes les armes circulent quasi librement du côté de Chaâmbi, sur la frontière tuniso-algérienne, où, selon des médias algériens, les contrebandiers auraient signé un accord avec les services de sécurité de part et d'autre de la frontière commune des deux pays, au point que certains de ces contrebandiers évoquent leur maîtrise des lieux: «C'est nous qui gouvernons et faisons la loi», a déclaré un baron de la contrebande en Algérie à un journaliste d'El Watan (édition du 26 février) ayant enquêté discrètement sur le trafic frontalier, en particulier en ce qui concerne les armes à feu. Dans un article publié, en effet, vendredi 26 février dernier, sur les colonnes d'El Watan d'Algérie, le journaliste Bouzid Ichalalen parle d'un secteur rigoureusement structuré, avec «des guetteurs et des bergers rémunérés pour le service rendu et qui sont prêts à donner l'alerte par téléphone. Et d'ajouter: «Aucun gendarme, aucun garde-frontière, aucun militaire ne peut résister aux barons qui gèrent les frontières», car, dit-il, «tous les responsables sont complices et reçoivent leur part du gâteau». Entre Tebessa en Algérie et Kasserine en Tunisie, la contrebande est un phénomène régulier qui trouve sa justification dans la marginalisation des ces régions frontalières par les deux pays, d'autant plus que dans la contrebande, l'on gagne beaucoup «entre 10 et 20 mille dinars algériens par jour». Le pari et les risques semblent, dès lors, bien tentants pour les contrebandiers qui circulent en Mercedes et en 4X4 de grandes marques, car ces véhicules constituent, selon le journaliste, les maillons d'une infatigable chaîne devant les pompes à carburant et l'outil de transport des marchandises à livrer. Il y en a de tout et les passeurs sont capables de tout livrer, même un tank», et personne ne pourra les arrêter, rapporte-t-il dans son article. En dépit des multiples systèmes de surveillance, des tranchées creusées par les Algériens sur des tronçons de la frontière pour faire barrage aux contrebandiers, le trafic continue de prospérer de part et d'autre de la frontière, d'autant plus que les contrebandiers sont bien avertis sur les mouvements des troupes militaires ou sécuritaires qui ont fini par admettre leur incapacité de «tout contrôler», surtout que la frontière est jalonnée sur plusieurs kilomètres de végétation parfois luxuriante et par un relief escarpé, et que les contrebandiers ont réussi à dompter en utilisant des baudets pour le transport du carburant à titre d'exemple. Certains reconnaissent qu'ils font passer la marchandise par les filières illégales et la rejoignent par la suite par la voie légale passeport en main, surtout que de nombreux citoyens ont érigé des logements juste à côté des frontières, de quoi encore faciliter les échanges. Et justement en parlant d'échange, des contrebandiers ont déclaré qu'ils ont conclu entre eux des accords stipulant que c'est celui qui se fait attraper par les forces de sécurité qui paie la facture. Un accord qui semble tenir dans la pratique, surtout que les trafiquants font tout pour éviter les mésaventures. Entre Algériens, Tunisiens et Libyens, c'est la loi et la monnaie sonnante et trébuchante qui prévaut et c'est ce qui pousse souvent la plupart de ceux qui se livrent à ce risque à s'armer de fusils mitrailleurs capables de dissuader les gendarmes ou les forces armées. Les contrebandiers n'hésitent pas a déverser souvent derrière eux des bidons remplis de carburant pour freiner les poursuites sécuritaires engagées contre eux. Ils y échappent le plus souvent. Dans un tel cas de figure, il semble bien difficile de contrôler les frontières, à moins d'un miracle ou d'un revirement des pratiques sécuritaires, douanières et armées, car la complexité des systèmes utilisés par les contrebandiers dans leurs mouvements rend presque impossible, du moins dérisoire, toute lutte contre le phénomène. Seul donc un développement des régions frontalières peut minimiser les actions de contrebande et le renforcement de la conviction chez les citoyens de renoncer à la vocation de vivre éternellement dans la peur et l'incertitude.