Encore une fois le chef du gouvernement est soumis à la rude épreuve du remaniement ministériel, dans un contexte sociopolitique plus que jamais critique. En effet, ce remaniement devrait permettre de renforcer le gouvernement, et d'aider dans les efforts déployés jusque-là sur les nombreux « chantiers » entamés (la guerre contre la corruption, la lutte contre l'économie informelle, …etc.) et à relever les nombreux défis auxquels la Tunisie fait face.
Les attentes du peuple et des acteurs économiques étrangers et tunisiens sont à leur tour très élevées : eu égard à la précarité de la situation financière et économique de notre pays, il serait impératif de compter sur l'aide des meilleures compétences dont la Tunisie regorge ici et à l'étranger, dans le secteur public et privé. A mon humble avis, un remaniement réussi tentera de prendre en considération les points suivants :
1- Etat des lieux La situation économique et financière est dans un état critique comme nous l'a rappelé l'agence de notation Moody's lors de sa récente dégradation de notre note souveraine (à des niveaux dangereusement bas), ce qui va avoir, entre autres, des conséquences très négatives sur le coût de toute nouvelle dette extérieure à contracter dans les mois et années à venir. De ce fait, un « mauvais choix » au niveau des ministères des Finances, du Développement, de l'Investissement, de la Coopération internationale, du Commerce, de l'Industrie, de l'Energie etc. ne fera qu'aggraver la situation et rendra la mission encore plus difficile qu'elle ne l'est déjà. Il est absolument primordial que les meilleurs choix soient faits. Nous avons besoin du maximum d'expérience et de compétence pour stabiliser de nombreuses variables cruciales telles que l'inflation (éviter la spirale inflationniste d'urgence), le niveau du dinar (éviter une dévaluation catastrophique) et relancer l'investissement et la croissance de notre économie.
2- Compétence et professionnalisme Ainsi le choix de chaque nouveau membre du gouvernement est extrêmement important. Il faut laisser de côté les pressions politiques et partisanes et donner la priorité aux meilleures compétences Tunisiennes où qu'elles soient (notamment dans le secteur public, dans l'Administration…), et qu'il faudrait du coup aller solliciter, y compris dans le secteur privé (local ou étranger qui connait une fuite considérable de nos cerveaux). En même temps, il est du devoir de ces compétences d'accepter cet engagement et de l'honorer en mettant leur expérience et savoir-faire au service de la patrie et de l'intérêt national.
Par ailleurs, le casting (si l'on se permet ce terme) devrait veiller à varier les cursus de formation des futurs prétendants (diplômés en Tunisie, en France, aux Etats Unis… etc.) en favorisant les produits de l'université tunisienne. Quant à l'expérience, il faudrait exiger un profil adapté à la tâche à accomplir. Par exemple, pour les portefeuilles de l'Investissement ou des Finances, il serait judicieux d'avoir des compétences ayant déjà fait leurs preuves dans le secteur public/privé ou à l'international, qui soient d'un grand apport aux conseils ministériels, aux grandes décisions et stratégies, aux relations avec le secteur privé et les bailleurs de fonds internationaux … etc. La maîtrise des langues est également un impératif à respecter : à l'ère de la compétitivité, il est inadmissible de trouver encore de hauts responsables (ministres, secrétaires d'Etat ou autres) incapables de communiquer en anglais ou en français !
Un autre point que nous jugeons également important dans le choix des futurs ministres : le professionnalisme. Les nouveaux ministres et secrétaires d'Etat devraient témoigner d'une attitude professionnelle dans la gestion de leurs portefeuilles ! Un ministre n'est pas un simple exécutant, mais un porteur de projet : chaque prétendant devrait ainsi présenter ne serait-ce qu'une vision préalable de son plan d'action et des objectifs généraux et spécifiques à atteindre lors de son mandat (Attirer de grandes multinationales à investir en Tunisie et créer des milliers d'emplois dans 12 mois, éradiquer la violence des stades, gérer la dette publique/extérieure, réduire le déficit budgétaire…)
A cet effet, tout ministre doit être opérationnel immédiatement. Nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir des ministres-apprentis (« Yitaalmou Lahjema Fi Ryouss Litema »). Par conséquent, tout ministre doit maîtriser son sujet et doit être exceptionnellement compétent. Sur le plan personnel, un ministre est un homme d'Etat donc il doit avoir une forte personnalité et un charisme capables de gérer toutes sortes de pression. Il doit également justifier d'une bonne expérience managériale afin de pouvoir mobiliser/ motiver et tirer vers le haut son équipe, garantissant ainsi efficience et meilleur rendement.
3- Continuité Il s'agit là du mot-clé de la réussite du prochain gouvernement ! Si nous avons parlé de ministre porteur de projet, il ne faudrait pas que ce soit interprété comme synonyme de rupture avec le peu de succès déjà réalisé, d'où la double nécessité : - de remaniement sur la base de bilan ; - de poursuivre les actions entamées dans certains ministères, à l'instar du bon travail réalisé par Fadhel Abdelkefi, notamment sa réussite dans l'organisation de la conférence 2020. Il est urgent de concevoir ainsi un bon plan de communication sur cette conférence en allant vers les acteurs potentiels de l'investissement : chefs d'entreprises locaux, IDE, fonds d'investissement ...etc.
Il est vrai que le court et moyen-terme sont importants. C'est pourquoi il faut que les choses soient extrêmement claires pour les stratégies, objectifs et résultats escomptés dans chaque ministère pour le restant de 2017 ainsi que pour 2018 et 2019. Mais il faut également mettre en place des plans, stratégies et solutions structurelles à long-terme à tous les niveaux pour que la machine continue à bien tourner après les élections de 2019 et que tout nouveau gouvernement hérite d'une machine qui tourne bien et n'a pas à redémarrer encore une fois de zéro. Le peuple et générations futures seront reconnaissants.