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L'école tunisienne au cœur de la tourmente
Publié dans Business News le 19 - 09 - 2017

Depuis que la vidéo montrant une institutrice, en l'occurrence Mme Faiza Souissi, de l'école primaire Okba Ibn Nefaâ, Cité Bahri à Sfax, renvoyée le 15 septembre 2017, jour de la rentrée, par des parents d'élèves et autres énergumènes dans une violence à la limite de l'imaginable, a commencé à être partagée sur les réseaux sociaux, les réactions à chaud n'ont pas manqué passant de la surprise à la colère et appelant les autorités de tutelle à prendre les mesures appropriées, et le syndicat et la société civile à réagir. Les membres et amies du groupe Nissa Biledi Nissa Ou Nosf, en particulier, ont été très actifs/ves sur la toile en partageant les informations, les publications diverses, en appelant les partis à réagir et prendre position.

Aujourd'hui, lundi 18 septembre Mme Faiza Souissi s'est trouvée confrontée de nouveau à l'acharnement des parents d'élèves fanatiques revenus sur les lieux pour l'empêcher de rejoindre sa classe ce qui a nécessité l'intervention de la police pour les disperser. Le ministère de tutelle a d'une part dénoncé de tels agissements et annoncé l'ouverture d'une enquête d'autre part. Les instituteurs ont lancé ce matin un mouvement de grève en guise de soutien à leur collègue. Il apparait donc que la tension est loin d'être tombée et que les conséquences de cette affaire se feront sentir sur plusieurs niveaux comme par exemple les conditions d'enseignement dans des classes avec des écoliers dont les réactions sont imprévisibles, les risques encourus par l'enseignante...
Maintenant que l'émotion est retombée il incombe de réfléchir sur le sens à donner aux évènements du 15 septembre 2017.
Tout d'abord intéressons-nous aux faits dont nous avons pris connaissance par bribes avant qu'une image plus précise puisse se dessiner suite aux divers témoignages et en particulier de Mme Faiza Souissi elle-même.

Le 15 septembre 2017, donc, jour de la rentrée, l'institutrice qui se trouvait dans un bureau avec d'autres collègues entend la rumeur monter puis les cris. Ces collègues, craignant pour sa sécurité probablement, la retiennent et l'empêchent d'aller voir de quoi il retourne. Ce que la première vidéo partagée sur les réseaux sociaux montre clairement une foule de femmes et d'hommes, parents d'élèves et peut-être autres (sic), dans l'enceinte de l'école hurlant et vociférant de toute la puissance de leurs cordes vocales, proférant des insultes, lui jetant des quolibets pour finir par l'accusation suprême d'athéisme, lui intimant l'ordre de quitter les lieux sous des 'dégage' accompagnés du même geste qui a fini par avoir raison d'un certain dictateur un certain 14 janvier 2011. On peut observer sur cette vidéo des agents de sécurité faisant le passage pour la faire sortir de l'école au lieu de se préoccuper des fauteurs de trouble. Il faut ajouter que cette terrible scène s'est déroulée sous le regard des jeunes écoliers (dont certains ont interprété le regard...mais nous n'entrerons pas dans ce genre d'interprétations). En écoutant et ré-écoutant on s'aperçoit que les femmes, des mères probablement, sont les plus virulentes car convaincues de leur bon droit à défendre leurs enfants de l'influence néfaste de l'institutrice taxée d'athéisme.
Des déclarations et des silences lourds de sens ont suivi. Le Délégué régional de l'Education à Sfax 1 prit l'initiative de la faire muter (à sa demande), a laissé croire à des problèmes psychologiques et une incapacité de l'enseignante à communiquer...Certains ont donné pour explication de l'accusation d'athéisme la fermeture des fenêtres au moment des appels à la prière (elle enseigne le matin), d'autres son refus d'accepter les petites filles voilées en classe.
De tout cela, il n'en est évidemment rien et tout enseignant (ou enseignante) passé par une cabale orchestrée lors de l'exercice de son métier ne le sait que trop, et ceci ne date pas seulement des dernières années.
Il est apparu selon les déclarations de la victime elle-même de ce déversement de violence et de haine qu'elle n'a pas moins de 33 ou 34 ans d'ancienneté ce qui peut constituer une preuve de ses compétences. Elle enseigne le français et selon sa brève description de sa manière d'enseigner elle adopte une méthode fondée sur la communication (Communicative Approach) partant de situations concrètes sur lesquelles les élèves peuvent s'exprimer. Et dans ce cadre Mme Faiza Souissi parle de tout: de la pluie et du beau temps mais aussi du Jour de l'An, de Noël et autres fêtes, applique la mixité en classe (en dépit des instructions contraires données par les parents à leurs enfants) en conformité avec les principes de l'école tunisienne républicaine. Et comme de bien entendu ceci est loin de plaire aux bigots et autres obscurantistes qui règnent en maîtres sur les esprits en imposant aux crédules ce qu'il est bon, ou pas, de penser et de faire.
Interrogeons-nous maintenant sur le sens à donner à ces faits.
Et d'abord la réponse apportée au moment des faits survenus au sein de l'école où l'institutrice agressée a été forcée à quitter les lieux sous les insultes et les quolibets des parents (et autres) ceci dans un flagrant manquement à l'Article 9 de la loi de la fonction publique qui stipule que l'administration a l'obligation de défendre ses fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions. En outre, l'espace de l'école a été investi en pleine violation de sa 'souveraineté'.
Puis par le Délégué Régional de Sfax1 qui a menacé l'institutrice de conseil de discipline, de suspension d'activité au cas où elle n'accepterait pas de demander -pour elle-même- son transfert immédiat que certain es ont qualifié de bannissement. Comment qualifier cet abus des prérogatives qui lui sont accordées? au mieux d'incapacité et de lâcheté et au pire de complicité. En effet, en l'absence de preuve avérée de délit aucune mesure disciplinaire ne peut être prise contre un fonctionnaire.
La réponse du Délégué Régional de Sfax 1 vient révéler au grand jour l'ampleur du problème de fond où le conflit peut se résumer en une chasse aux sorcières - au sens propre du terme si l'on écoute bien les insultes des parents - préparée et organisée au préalable pour viser une institutrice de l'école publique en lui jetant l'accusation ultime d'athéisme.
Nous sommes passés de conflits générés par des situations d'abus de pouvoir et de harcèlement de certains fonctionnaires de l'éducation nationale (directeurs, proviseurs, délégués régionaux, inspecteurs...) contre des enseignant es (et nous en avons connus!) à des conflits qui trouvent leur source dans les opinions et les croyances supposées être celles des éducateurs.
Ce phénomène n'est certes pas nouveau en Tunisie. Ce conflit qui oppose les tenants de visions contraires sur le rôle de l'école tunisienne a marqué l'histoire de notre pays causant des tiraillements sans fin et qu'aucune réforme n'est parvenue à résoudre d'une manière définitive.
En revanche le comportement fortement 'radicalisé' des parents et autres énergumènes qui ont investi l'enceinte de l'école en ce jour sacré qu'est la rentrée scolaire, leur fanatisme, le déferlement de haine, leur certitude de détenir la vérité est effrayant oui effrayant et peu rassurant quant à l'avenir du 'vivre ensemble' en ce pays.
Cette affaire ne peut en aucun cas être considérée ni traitée comme un fait divers ou un cas isolé. Il est permis de penser que cette affaire constitue un pas de plus en direction d'un plaidoyer pour une école islamiste dont Mme Faiza Souissi est le malheureux avatar, en particulier dans un contexte de tentative de contrôle plus serré des jardins d'enfants et écoles privés à vocation religieuse. Mais là n'est pas l'objet de cet article. C'est le révélateur de l'ampleur des contradictions qui déchirent l'école tunisienne et à leur centre et en leur coeur un enjeu de société. En attendant que le processus et les mécanismes de la démocratie naissante en Tunisie permettent progressivement l'avènement d'une société où toutes et tous ont le droit de vivre quelles que soient leurs croyances et leurs opinions comment gérer désormais ce type de conflits au sein de l'école tunisienne?
La Constitution de 2014 qui, en dépit de ses ambiguités et ambivalences résumées dans son article 1, définit dans son article 2 le caractère civil de l'état et garantit la liberté de conscience et de croyance, reste la référence ultime. Il en découle que le' takfirisme' est interdit et passible de poursuites. Seul le recours à la loi sans tergiversations ni compromis peut limiter un tant soit peu les effets délétères des agissements hystériques et fanatiques des uns et injustes des autres.
Car la loi doit être appliquée car personne n'est au-dessus de la loi.


Nissa Biledi Nissa ou Nosf


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