L'Union patriotique libre est un parti établi quelques mois après la révolution en Tunisie mais qui se débat encore pour se positionner sur l'échiquier politique national. Après avoir gagné une certaine notoriété grâce à son président Slim Riahi et à sa personnalité controversée, l'UPL est aujourd'hui sur des montagnes russes. Un parcours fort mouvementé pour un parti qui peine à trouver une identité politique. Toujours en quête de positionnement, l'UPL tente de surfer sur la vague de l'actualité. Le parti a saisi, aujourd'hui, la polémique qui s'est déclenchée à la suite des accusations lancées à l'encontre du parti Ennahdha et l'affiliation de son président à une organisation « classée terroriste » par quatre pays du Golfe. Ainsi, l'UPL a pris la défense de Rached Ghannouchi, considérant que les accusations lancées à son encontre étaient « infondées et dénuées de tout sens ». Le parti de Slim Riahi n'a pas hésité à faire l'éloge du chef du parti islamiste à travers l'énumération de ses qualités en le qualifiant « d'homme pacifique et consensuel qui fait primer l'intérêt suprême de l'Etat ». Il a, même, tenu à rappeler la rencontre de Paris, qui avait réuni Béji Caïd Essebsi avec Rached Ghannouchi et qui fût le point de départ de l'actuelle alliance entre Ennahdha et Nidaa Tounes. Une manière vicieuse d'insinuer le rôle d'intermédiaire joué par le chef de l'UPL à cette époque.
Faut-t-il encore rappeler que le même Slim Riahi avait tiré à boulets rouges sur le parti d'Ennahdha au moment où il faisait partie du Front du Salut et du Progrès. « Le projet d'Ennahdha est obscurantiste basé sur les principes religieux et le double discours », indiquait-il en substance tout en précisant qu'il préfère traiter avec Ennahdha du « Califat » qu'avec un parti au double langage. Il avait, également, lancé des accusations directes contre Ennahdha comme étant «responsable des actions terroristes enregistrées dans le pays » allant jusqu'à révéler qu'il y a plus de 13 mille associations de bienfaisance qui « pratiquent le terrorisme social qui est à l'origine du terrorisme tout court et qu'il faut combattre, car il s'agit-là d'une manière de jouer sur la fibre de la pauvreté des gens », selon ses propres termes.
Toujours est-il, sa position, aussi, tranchée en faveur du parti islamiste, ne pouvait avoir lieu, si on omettait les dernières discussions autour du retour du parti à l'Accord de Carthage qu'il a déjà quitté de son propre gré. En effet, une rencontre a eu lieu entre les trois chefs des partis majoritaires à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour examiner l'éventuel retour de l'UPL au cercle de l'Accord. Sauf qu'une telle décision ne peut-être prise sans l'aval du président de la République, puisqu'il est l'auteur de cette initiative et que tout doit passer par lui à ce sujet. D'ailleurs, Slim Riahi a rencontré le chef de l'Etat pour aborder la question et aucune décision officielle n'a été prise à l'issue de leur entrevue.
C'est dire, aussi, que Slim Riahi n'a pas été très bienveillant envers le pouvoir en place, bien qu'il ait été au sein du gouvernement à la suite des élections de 2014. Son exclusion du gouvernement d'Union nationale l'a, fortement, affecté et l'a poussé à quitter l'Accord de Carthage. Outre ses critiques virulentes envers le gouvernement de Youssef Chahed et son équipe, qu'il considérait comme incompétente. Selon lui, on avait cherché à ramener des personnalités de gauche dans l'objectif de faire vider les plateaux de télévision de leur esprit critique et de rapprocher ces voix du pouvoir et des cercles du pouvoir.
M. Riahi ne s'en est pas arrêté là. Il s'en est pris au président de la République, l'appelant carrément à organiser une élection présidentielle anticipée. D'après lui, le document de Carthage et le gouvernement d'union nationale sont une supercherie politique. « On a fait croire qu'il s'agissait d'un gouvernement d'union nationale alors qu'en réalité c'est un gouvernement qui touche une caste précise de politiciens à leur tête Béji Caïd Essebsi. Ce dernier ne s'est pas uniquement suffi de la présidence de la République, il a également rajouté le gouvernement, ce qui est contraire aux principes du régime parlementaire. Le président fait carrément une mainmise sur le pouvoir ! », selon ses propres termes.
Toutefois, il est bon de rappeler que les choses n'étaient pas faciles pour le président de l'UPL, notamment, après son dernier épisode avec la justice. Le gel de ses avoirs, pour des suspicions autour de l'origine de sa fortune et pour blanchiment d'argent a fait couler beaucoup d'encre et l'a placé au centre de la scène médiatique, notamment, au milieu de la guerre menée contre la corruption. Slim Riahi a enchaîné, par la suite, les plaintes et les poursuites judiciaires pour des chèques impayés. Il a été, même, condamné à la prison par contumace. Une pression énorme pesait sur lui, si bien qu'il a été amené à quitter le Club Africain, le "parti" sportif qui l'a épaulé et contribué, entre autres, à son succès électoral en 2014. En effet, il ne pouvait plus payer les joueurs.
En tout état de cause, il reste indéniable que le come-back du parti l'UPL et de son président sur la scène politique nationale, suscite plusieurs interrogations. Plusieurs observateurs vont même jusqu'à affirmer que l'UPL pourrait bien faire partie du gouvernement d'union nationale et de l'équipe de Youssef Chahed. Cette hypothèse est, pour le moins, étrange. Il est, en effet, difficile d'imaginer le gouvernement, qui s'est distingué par sa guerre farouche contre la corruption, comptant dans ses rangs un parti dont le patron est impliqué dans des affaires financières douteuses.