Avec son style bien à lui, ses cheveux roux et sa voix grave et profonde, Mohamed Ali Faker, est un jeune artiste tunisien de 29 ans, qui est en train de révolutionner la scène électro tunisienne avec des concepts d'une fraîcheur remarquable. Ayant bénéficié d'une solide formation entrepreneuriale, « Daly » (pour les proches), fait aujourd'hui bouger la Tech-house tunisienne avec des évènements qui sortent de l'ordinaire, attirant derrière lui des centaines de personnes. Dans cette interview il délivre quelques-uns des secrets de sa réussite.
Un parcours qui renforce sa passion Son bac Math en poche, Mohamed Ali Faker, intègre l'ESC (Ecole Supérieure de Commerce) où, sans encombre, il obtient sa maîtrise. Le jeune homme part ensuite à Nice, en France, où il démarre un Master en entreprenariat et innovation à L'école de commerce internationale SKEMA. Pendant ses études, il se découvre. « Avec mes amis nous faisions des fêtes où j'accompagnais la guitare avec ma voix. Je fréquentais souvent les soirées estudiantines et c'est là que je fus remarqué par la directrice du bureau des arts de l'école, qui m'a aidé à trouver un groupe où j'ai pu évoluer. C'était un groupe de Rock ! ». Lorsqu'il finit ses études en 2012, « Daly » revient à Tunis où il est approché par le groupe « Popeye's ». L'expérience dure quelques mois avant d'être stoppée net. Plusieurs membres du groupe partent au Canada. Il essaye alors de monter son propre groupe mais sans succès ! « Cette année-là j'avais intégré l'équipe de la boite de communication internationale JWT. Je m'occupais d'évènementiel, ce que je fais encore aujourd'hui, d'ailleurs ». Passionné par l'univers de la musique, qu'il ne compte pas délaisser, il s'empresse d'acheter une table de mixage et tout ce qui va avec.
Le décollage « Friendly » Après des mois d'entrainement, chez lui, Mohamed Ali, décroche son premier « gig » (première date), pour jouer sa musique dans un bar plage à Hammamet. « Il y avait ma fiancée, aujourd'hui ma femme, et mes amis. Ce qui était important pour moi, c'était de voir les gens sourire et danser, s'amuser de manière saine ! Des gens qui appréciaient ma musique ». Pari gagné pour Daly, car après sa première date, de nombreuses autres ont suivi. Shooter Island, Don Papa, Yuka, Terminal 2B, les disco bars de la capitale l'appelaient constamment pour fixer des dates. Mais pour lui le tournant a été « Dar Selima à Mornag ». Une maison d'hôte avec une splendide vue sur les montagnes et un immense jardin où de nombreuses personnes l'on rejoint pour écouter ses « sets ». « Ce fut le moment où avec un couple d'amis nous avons mis sur pied le collectif « Chatah Batah », qui regroupait plusieurs Dj de la scène underground tunisienne. Le but était de s'amuser et non pas de faire de l'argent, c'est pourquoi nous ne demandions que 20 dinars de cotisation à nos invités » explique-t-il en souriant. Le jeune artiste confie aussi, qu'à la première soirée, seulement 100 personnes étaient présentes. « 3 mois plus tard, la deuxième édition en avait regroupé 300 personnes et puis nous sommes montés à 600 ! Les choses devenaient sérieuses ! De plus en plus de gens nous suivaient ».
Quand Business Model et concepts riment avec musique électronique Les soirées électroniques en Tunisie riment souvent avec : drogues et excès, comme partout dans le monde, d'ailleurs. A cette mauvaise étiquette, Mohamed Ali a trouvé la parade ! « Nous avions un groupe secret sur Facebook, où nous dirigions les gens vers nos soirées. Pour nous, il était vital de contrôler qui pouvait venir y assister. Nous véhiculions une image « clean » et « select » ! ». Daly et ses amis enchainent les soirées. Entre temps, il se marie et part en voyage de noces A son retour, bien de choses avaient malheureusement changé. « Le groupe à implosé, pour bien des raisons » nous dit-il. Chose pour lui inacceptable car l'idée de soirées commerciales, ne lui convenait pas du tout. Il se détache des autres. Avec un ami architecte et sa femme, Emna, ils créent le premier concept de soirée. « Daly and the Gang » qui regroupe plusieurs DJ proposant des soirées à thèmes comme « Tutti Frutti », par exemple. « Nous l'avons appliqué au Don Papa, (Golf de la Soukra). Tout le local a était décoré avec des caisses remplies de fruits, aux couleurs intenses ! A nos convives nous proposions d'excellents sets et beaucoup de fruits. C'était rigolo, les gens buvaient, dansaient et mangeaient : une datte, une pomme, une orange ! Ma table de mixage était fixée sur une charrette de vendeur de fruits ». Après cette expérience, M. Faker, son épouse et ses amis développent d'autres concepts aux décors de plus en plus improbables et étonnamment bien achevés. « Ça virait du Saloon mexicain à une ambiance de montagne enneigée Les gens étaient à chaque fois surpris et contents. Le Don Papa c'était un peu mon laboratoire».
Souk Lahad et GypSet Les concepts développés par l'artiste et sa « crew », drainent de plus en plus de monde et de recettes. Mohamed Ali veut en faire profiter les autres et met sur pied un Souk au Wax de Gammarth. Tous les dimanches de l'été 2017, des milliers de gens s'y sont rendus. A part la musique, la piscine et les cocktails, il y avait de nombreux artisans qui avaient installé des stands et vendaient leurs produits fait main. « Pour eux c'était l'endroit rêvé pour faire connaitre leurs produits. Lunettes, vêtements, chaussures, bracelets Il y avait de tout ! Dans la piscine, un prof de gym aquatique proposait des cours, bref un vrai souk, avec une ambiance surréaliste ! ». Avec « Souk Lahad », Daly et les gérants du Wax ont innové, pour le plus grand plaisir des jeunes artisans. Gypset est le deuxième grand projet de l'artiste. Il se veut un moyen de promouvoir le tourisme tunisien. Avec Gypset, « Aloulou » (pour la famille), veut faire voire au monde que la jeunesse tunisienne sait se faire plaisir. Au moyen de drones, l'artiste compte filmer ses performances, dans un ranch en pleine nature à Sousse, depuis le ciel et publier les enregistrements sur la plateforme vidéo mondiale : Youtube. « Ils verront notre nature, nos jeunes et écouteront notre musique ! Le projet est encore en stand-by pour le moment, mais nous comptons bien le réaliser ! ».
Avec ses évènements Mohamed Ali Faker est aujourd'hui, en train de donner une toute autre image des soirées « Tech » tunisiennes. Une image saine, fraiche, d'une jeunesse tunisienne qui sait s'amuser, qui a du goût et qui n'a pas peur d'entreprendre et d'innover.