Au nom des organisations soussignées, nous souhaitons apporter notre soutien au rapport de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE), présidée par la députée Bochra Belhaj Hmida, publié le 12 juin 2018 ; il préconise, entre autres, l'abolition de la peine de mort pour tous les crimes. La Tunisie connait un moratoire de fait ; elle n'a exécuté aucun condamné à mort depuis 1991. Depuis 2012, le pays vote de manière régulière en faveur de la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies en faveur d'un moratoire universel sur l'application de la peine de mort. Néanmoins, les magistrats continuent de prononcer des condamnations à mort (au moins 11 personnes en 2015, 44 en 2016 et 25 en 2017), notamment pour terrorisme depuis que la peine de mort a été rétablie pour crimes terroristes en 2015. Plus de 77 condamnés à mort se trouveraient actuellement en détention.
Nous souhaitons rappeler, entre autres, que : * la peine de mort viole le droit à la vie, protégé dans la Constitution de 2014 ; * la peine de mort est cruelle, inhumaine et dégradante : une punition qui interdit tout espoir est en réalité une torture ; les condamnés à mort vivent dans la peur constante d'être tués, et cette terreur perpétuelle dure bien souvent vingt ou trente ans, notamment dans les pays en moratoire ; * la peine de mort n'est pas juste : elle est une vengeance qui perpétue le cycle de violences et de souffrances, là où la justice vise au contraire à organiser la réparation de la situation ; * la peine de mort n'est pas dissuasive et ne rend pas la société plus sûre (bien au contraire) ; les pays qui utilisent la peine de mort ont des taux de criminalité plus forts que ceux des pays abolitionnistes ; * la peine de mort est discriminatoire : partout dans le monde, la peine de mort est particulièrement utilisée contre des personnes appartenant à une minorité stigmatisée (migrants, homosexuels, groupes ethniques ou religieux, personnes souffrant de troubles mentaux…) ; * la peine de mort vise en priorité les personnes pauvres, illettrées et dans l'incapacité de se défendre ; les accusés encourant la peine de mort, qui viennent de milieu très pauvres et sont peu éduqués, doivent faire face à deux problèmes : la capacité financière à se défendre et la capacité intellectuelle à comprendre les enjeux de leur procès – ainsi que le fonctionnement de la Justice – et à y répondre par le comportement et la défense adéquats ; * la peine de mort crée de nouvelles victimes : sans soulager les victimes du crime premier, les condamnations à mort étendent la souffrance et le traumatisme aux familles des condamnés à mort.
Le rapport de la COLIBE s'inscrit dans une tendance universelle en faveur de l'abolition de la peine capitale. Il recommande l'abolition définitive de la peine de mort pour tous les crimes, en conformité avec les engagements internationaux de la Tunisie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel sur l'application de la peine de mort, en faveur de laquelle la Tunisie vote depuis 2012. La Commission a également rappelé que la Constitution tunisienne protégeait le droit à la vie (article 22), et que la peine de mort était en inadéquation avec les évolutions de la société tunisienne.
Nous saluons en premier lieu la création de cette Commission, ainsi que la liberté qui lui a été accordée dans ses travaux, qui ont permis d'aboutir à un rapport et des recommandations en faveur de l'abolition de la peine capitale. Nous souhaitons désormais vous inviter à suivre les préconisations présentes dans ce rapport, afin d'inscrire plus fortement la Tunisie dans la dynamique globale vers l'abolition de la peine capitale. Nous appelons donc les autorités tunisiennes à : * Valider le rapport de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité et prendre toutes les mesures visant à abolir définitivement la peine de mort ; notamment la réduction du nombre de crimes passibles de la peine capitale, la commutation de toutes les condamnations à mort, la mise en place d'un moratoire sur les condamnations à mort et l'officialisation du moratoire de fait sur les exécutions ; * Garantir les droits des personnes passibles de la peine de mort à tous les stades de la procédure ; * Garantir les droits des personnes détenues condamnées à mort * Maintenir le vote favorable sur la résolution moratoire qui se déroulera en décembre 2018 ; * Ratifier le deuxième protocole du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en vue d'abolir définitivement cette pratique inique ; * Abolir définitivement la peine de mort
Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM) - Chokri Latif Ensemble contre la peine de mort (ECPM) - Raphael Chenuil-Hazan