Monsieur le président de la République, qu'avez-vous fait du projet de loi vous proposant le mode de scrutin majoritaire binominal (un homme, une femme) à deux tours ? Monsieur le président du gouvernement, êtes-vous à l'origine du nouveau projet de loi qui maintient le mode de scrutin à la proportionnelle à un tour avec un dangereux seuil à 5% ? Cela ressemble, à s'y méprendre, à un nouvel épisode de cette guerre froide, désormais notoire, entre les deux palais. A savoir, les deux têtes de l'exécutif.
Monsieur le président de la République, lors de votre discours du 20 mars dernier, vous avez vous-même cité nos constitutionnalistes, à savoir Messieurs Amin Mahfoudh, Sadok Belaïd et Houcine Dimassi, en les chargeant de vous élaborer une nouvelle proposition de loi concernant le mode de scrutin. C'est ce à quoi ils se sont attelés et, dernièrement, plusieurs médias et quotidiens de la place en ont publié de larges extraits. Ce projet de loi, propose de modifier le mode de scrutin actuel et d'adopter un nouveau mode binominal, majoritaire et à deux tours.
Qu'est devenu ce projet de loi ? Pourquoi ce silence qui ressemble à un lâchage, voire même ce qui paraît comme un nouveau marchandage avec Ennahdha, s'il s'avère bien sûr que vous êtes à l'origine de l'autre projet de loi à la proportionnelle avec un seuil de 5% désormais sur le bureau de Monsieur Chahed ? Est-ce ainsi qu'on doit se comporter avec nos constitutionnalistes ? A moins que par cette guerre froide larvée, Monsieur Chahed vous a brûlé la politesse et a marqué un point !
Monsieur le président de la République, vous nous devez une explication ou du moins, et c'est le minimum, initier le débat sur cette brulante et importante question. L'avenir de notre pays en dépend.
Monsieur le président du gouvernement, si vous êtes à l'origine du projet de loi proposant la proportionnelle avec un seuil de 5%, vous nous devez également des explications et permettre aussi un large débat, ne se limitant pas aux seuls parlementaires. A moins que ce soit le président de la République qui vous l'a imposé sans que vous réagissiez, et là, c'est lui qui marque un point !
Monsieur Chahed, si vous avez des prétentions pour les échéances de 2019, et c'est votre droit le plus légitime, on vous dit d'avance qu'avec ce dangereux mode de scrutin à la proportionnelle vous n'irez pas loin. Vous perdrez. Car quelque soit le mode de scrutin, Ennahdha, face à la division de la famille démocrate, sera toujours première, même si elle ne représente en réalité qu'entre 16 et 24% de voix. Avec un scrutin à deux tours, au premier on choisi, au deuxième on s'allie et on élimine. C'est la seule solution pour gagner et s'assurer stabilité et bonne gouvernance. Le pays en a besoin.
Nous avons notre mot à dire en tant que société civile qui se bat depuis 2013 pour la modification de l'actuel mode de scrutin. Et le premier à nous le conseiller, n'est pas n'importe qui, puisqu'il s'agissait de Monsieur Kamel Jendoubi, premier président de l'I.S.I.E puis ministre dans le gouvernement Essid. Autant il luttait pour la mode de scrutin à la proportionnelle pour les élections de 2011, seul scrutin juste à cette époque, permettant la représentation de toutes les tendances politiques pour écrire une nouvelle Constitution, autant après, il était persuadé, et nous avec lui, que le maintien de ce mode de scrutin n'engendrerai qu'instabilité et médiocrité. Il a vu juste. Messieurs les chefs de l'exécutif, avant de passer quoique ce soit sur le mode de scrutin, ouvrez le débat avec la société civile. Nous y avons droit.
*Nabil Ben Azouz est membre du collectif citoyen Soumoud