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Accessibilité aux médicaments en Tunisie : Le droit d'accès aux soins et le droit de la concurrence à l'épreuve de l'ALECA
Publié dans Business News le 02 - 02 - 2019

Certes, la période est des plus critiques : une inflation galopante, une dépréciation continue du dinar face aux monnaies de référence dont l'Euro, une instabilité politique et administrative, une crise économique nationale et internationale, un chantier électoral présidentiel et législatif et surtout des négociations entre la Tunisie et l'Union Européenne pour la signature de l'Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA).

L'Accord d'Association entre la Tunisie et l'Union Européenne de 1995[1] dispose dans son Article 37, que la Tunisie doit « ajuster progressivement, sans préjudice des engagements pris au GATT( 1994, OMC) tous les monopoles d'Etat à caractère commercial » et ce au bout de cinq ans, soit en 2000. Parmi les monopoles ciblés, il y a la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT) qui a le monopole d'importation des médicaments. Une étude réalisée et publiée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2003 a porté sur l'accessibilité aux médicaments (Maîtrise des coûts des médicaments importés, Etude de cas : Tunisie)[2]. Laquelle étude était traduite en anglais[3] et distribuée dans plus de 130 pays. Cette étude a montré que la PCT ne faisait pas obstacle au libre-échange mais qu'elle l'organisait et constituait une garantie de solvabilité de l'Etat du fait de sa qualité d'entreprise étatique. Economiquement et techniquement la PCT assure un monopsone car la concurrence entre ses fournisseurs d'une part, et ses clients, d'autre part, était libre. Elle était l'unique acheteur de médicaments mais vendait à plusieurs vendeurs dans les secteurs public et privé (hôpitaux, polycliniques de la CNSS, grossistes, pharmacies d'officine et autres sociétés).

La « Révolution des Jasmins » en 2011, a donné raison à l'équipe ayant porté cette étude et a démontré l'importance du monopole comme dispositif garantissant l'accessibilité aux médicaments en période de stress socio-politique. Le déficit des hôpitaux et des caisses sociales a plongé la PCT dans une crise de liquidité sans précédent et a fragilisé sa solvabilité et son image de marque.

L'Accord sur les Aspects de Droit de Propriété (ADPIC/TRIPs) qui fait partie de l'Accord sur l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dispose dans son article 8 intitulé « Principes » que « les Membres pourront, lorsqu'ils élaboreront ou modifieront leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord. Des mesures appropriées, à condition qu'elles soient compatibles avec les dispositions du présent accord, pourront être nécessaires afin d'éviter l'usage abusif des droits de propriété intellectuelle par les détenteurs de droits ou le recours à des pratiques qui restreignent de manière déraisonnable le commerce ou sont préjudiciables au transfert international de technologie. »

Cet article, en particulier, est la pierre angulaire sur laquelle était bâtie l'approche pour un Etat Membre (en développement ou moins avancé) de s'engager dans la signature de l'Accord sur l'OMC. En quelques sortes, le deal était pour ces Etats « pauvres » de reconnaître les droits de propriété intellectuelle en contrepartie d'un transfert de technologie qui sera garanti par les Etats « riches ». Dix-huit ans après l'entrée en vigueur de l'Accord sur les ADPIC les pays « pauvres » ont respecté leurs engagements à s'aligner sur les standards internationaux à minima, soient : une protection des brevets pour au moins 20 ans, pour les procédés de fabrication et pour les produits comme une suite logique de ces procédés, une protection des marques de fabrique et de commerce et la protection d'une nouvelle branche des droits de propriété intellectuelle qui est représentée par l'Article 39 de l'Accord sur les ADPIC relative à la protection des données non-divulguées. Cette dernière obligation permet aux industries pharmaceutiques innovantes d'empêcher celles qui fabriquent des génériques d'utiliser les dossiers techniques (pharmaceutique, analytique et clinique) déposés auprès des autorités de santé chargées de délivrer des Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) les obligeant à faire leurs propres études de bioéquivalence. Ce qui a comme résultante un retard de commercialisation des génériques, une prolongation artificielle de la durée de protection des droits de propriété intellectuelle et une augmentation des prix des génériques pour les Etats.

La Commission Européenne, dénonce dans un rapport destiné au Conseil et Parlement Européen[4] ces pratiques qui violent le droit de la concurrence dans le secteur pharmaceutique. Ces pratiques ciblent non seulement les génériques mais aussi les biosimilaires (en quelques sortes les génériques des médicaments issus de la biotechnologie). Ces pratiques (Affaires Lundbeck, Fentanyl et Servier ; Affaires Aspen en Italie ; Affaires Pfizer/Flynn au Royaume Uni ; Affaire CD Pharma au Danemark…) ont privé les patients et la collectivité d'une baisse moyenne des prix des médicaments d'environ 50% et ont empêché les gouvernements de « réorienter ces économies réalisées vers la mise au point de nouveaux médicaments innovants » du fait des financements publics dont jouit l'innovation dans le secteur pharmaceutique. Pire encore ce même Rapport fait état d'une augmentation du prix d'environ 2000% pour certains médicaments.

L'Accord sur les ADPIC a essayé d'établir un équilibre entre les droits des titulaires de droit de propriété intellectuelle d'un côté et ceux des Etats Membres et des tiers pour éviter les abus de droit. Les droits de ces derniers sont garantis par les flexibilités (exceptions au droit) prévues à :
* Article 6 intitulé « Epuisement » (c'est-à-dire consommation des droits comme par suite à une première vente de leurs produits),
* Article 29 intitulé « Conditions imposées aux déposants de demandes de brevets » ( il s'agit de l'obligation pour le titulaire des droits de propriété intellectuelle de divulguer son innovation, chose qu'ils ne font pas grâce à des techniques de fragmentations de l'innovation, à des techniques de dépôt de brevets multiples et interconnectés qui sont dites « techniques en toile d'araignée» et à des techniques de rédaction des revendications et de brevets),
* Article 30 intitulé « Exceptions aux droits conférés » autorisant les Etats Membres de garantir les droits des tiers (génériqueurs) de manière justifiée. Ces exceptions sont plus connues sous le terme de l'Exception Bolar qui prévient les prolongements artificiels de la durée de protection des brevets en autorisant les candidats génériqueurs à lancer leurs procédures administratives et leurs productions en vue d'obtenir les AMM nécessaires quelques mois avant l'échéance du brevet, mais ne peuvent commercialiser qu'à la fin du brevet.
* Article 31 intitulé « Autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit » qui spécifie les conditions d'utilisation des licences obligatoires (en faveur des tiers) et les licences d'office (en faveur des Etats Membres si les prix des médicaments sont anormalement élevés, à la demande du Ministre de la Santé et autorisées par le Ministre de l'Industrie).
*
Ces flexibilités existent toutes dans la loi tunisienne n°2000-84 du 24 Août 2000 relative aux brevets d'invention et elles ont été confirmées et appuyées dans l'Accord ADPIC de Doha en 2001[5].
Mais le plus étonnant, c'est que la plupart des Etats Membres « pauvres » renoncent à utiliser ces flexibilités pour garantir l'accès aux médicaments ou pour lutter contre des abus de droits de propriété intellectuelle à cause de la pression diplomatique des pays « riches » dont sont issues les firmes multinationales et des lobbies politico-économiques. En revanche, les industries pharmaceutiques innovantes n'hésitent pas à utiliser la moindre opportunité pour garantir leurs droits.

L'erreur à ne pas commettre serait de lier l'octroi d'AMM aux brevets. Une erreur qui serait fatale économiquement et socialement car elle risque de faire exploser encore plus les dépenses pharmaceutiques, déjà excessives et grevant le budget de la CNAM. L'AMM et les brevets sont deux éléments totalement différents sans lien automatique. Les autorités de santé doivent exercer leurs prérogatives de protéger la santé publique et servir l'intérêt général et ne doivent pas être immiscées dans des différends qui ne les concernent pas, mais qui concernent uniquement les titulaires des droits de propriété intellectuelle qui doivent assumer seuls la défense de leurs intérêts en cas transgression de leurs droits, qui doit être portée devant les tribunaux qui seuls trancheront.

Je reste confiant quant à la pertinence des décisions qui seront prises par Monsieur le Ministre de la Santé à qui je souhaite tout le succès dans sa mission ardue et beaucoup de courage. Cette confiance est motivée par son passé de médecin-chirurgien qui a fait de la santé publique sa vocation et par son passé de syndicaliste de longue date qui a défendu l'accessibilité aux soins et les intérêts des faibles et des oubliés. Les jours à venir me donneront raison ou tort.

*Pharmacien Clinicien, Pharmaco-économiste, Chercheur en Droit, Consultant et Evaluateur en Bonne Gouvernance et Lutte Contre la Corruption auprès de l'OMS, Membre du Conseil de l'INLUCC
[1] https://cdn1-eeas.fpfis.tech.ec.europa.eu/cdn/farfuture/qKE-HlMC5maWeN49uZffqTuazFt1ItTIJUc45FaqCLc/mtime:1476105565/sites/eeas/files/398845_accord_assoc_int_0.pdf
[2] http://apps.who.int/medicinedocs/pdf/s4922f/s4922f.pdf
[3] http://apps.who.int/medicinedocs/documents/s4922e/s4922e.pdf
[4] http://ec.europa.eu/competition/sectors/pharmaceuticals/report2019/execsumm_fr.pdf
[5] http://apps.who.int/medicinedocs/fr/d/Js4903f/


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