C'est désormais une habitude, à chaque mois de ramadan, Hassen Zargouni patron de Sigma Conseil est sous les projecteurs des « experts statisticiens » pour essuyer les critiques les plus violentes quant aux résultats de ses taux d'audience des programmes télévisés. Pour cette année 2019, le monde politique est venu s'ajouter à celui audio-visuel pour contester avec véhémence les chiffres de l'institut de sondage le plus précis de Tunisie. Rappelez-vous, c'était en 2014 à l'occasion des élections législatives et présidentielle. Les instituts de sondage se bousculaient pour fournir les médias en chiffres précis au millième près des intentions de vote des Tunisiens. Un seul a doublé tout le monde et a brillé par une très forte avance sur tout le reste, Sigma Conseil de Hassen Zargouni. Ses résultats « Sortie des urnes » diffusés à 20 heures après la fermeture des bureaux de vote ont été d'une précision à faire jalouser les plus grands instituts de sondage des plus grands pays. Heureux étaient les médias qui ont parié sur Sigma à l'époque, tels Business News, la chaîne publique Wataniya 1 et Jawhara FM. En théorie, un institut tunisien qui fait une pareille performance dans un pays non habitué à la chose et où le secteur n'est pas encore réglementé, devrait faire la fierté de tous les Tunisiens et notamment ses acteurs politiques et médiatiques. En Tunisie, on procède différemment. Comme dans beaucoup d'autres secteurs, ceux qui réussissent deviennent une cible. Non pas pour l'imiter et faire mieux que lui, mais pour le critiquer et le casser.
Sigma Conseil, son patron Hassen Zargouni et ses quelques centaines de salariés en sont là. Leurs performances antérieures et leurs chiffres étonnants actuels font qu'ils sont la cible des attaques les plus virulentes. Pour cette année 2019, et suite à la publication des premiers chiffres de l'audience ramadanesque et des intentions de vote aux prochaines élections législatives et présidentielle, même le président de la République est venu rejoindre les troupes des « nabarras ». A chaque ramadan, il y a inévitablement une télévision ou un patron de télévision qui sort dans les médias pour critiquer Hassen Zargouni et remettre en doute ses chiffres et ce bien avant la révolution. Tous y ont passé. Larbi Nasra, à l'époque, Nabil Karoui et Sami Fehri à un moment, Moez Ben Gharbia, Zitouna TV et, cette année, Attessia qui a publié un communiqué fort virulent demandant juste quelque chose d'absurde et d'une autre époque : ne plus mentionner le nom de la chaîne dans les sondages.
A regarder de près ceux qui critiquent l'institut de sondage, il y a deux constantes : les médias ou les hommes politiques qui ont des résultats inférieurs à leurs propres attentes et à l'idée fixe et haute qu'ils se font de leur propre personne ou de leur propre entreprise ou parti. Les seconds sont les concurrents mêmes de Hassen Zargouni qui remettent en doute ses chiffres et ses méthodes en usant de mots complexes et formules savantes. Et gare aux personnes ou aux médias qui « osent » défendre Sigma ou relaient les propos de M. Zargouni, ils se trouveront à leur tour la cible de ces concurrents jaloux et/ou envieux ou de ces chaînes en colère. Leur argument est toujours le même : « croyez-nous sur parole, les méthodes de Sigma sont fausses et orientées, nous avons fait des sondages dans notre arrière-boutique et ils sont bien différents de ceux de Zargouni. C'est un corrompu qui demande de l'argent pour augmenter vos taux ». Autre constante aberrante : « personne de sensé et aucune agence de pub ne le croit, il n'est plus crédible ». S'il n'est plus crédible, pourquoi alors revient-il chaque année à la Une des critiques sévères et attaques abjectes ?
Pour connaitre la vérité et en savoir davantage, la solution est toute simple : aller voir sur place comment travaille Sigma en s'armant de toute sa mauvaise foi et d'un long questionnaire à charge. Les portes sont ouvertes et nos journalistes l'ont fait depuis le début des années 2000. C'est un minimum qu'un média puisse faire avant de relayer les chiffres d'un institut de sondage. C'est le cas de Business News, mais aussi du quotidien arabophone prestigieux Le Maghreb qui lui commande depuis des années son baromètre politique mensuel. Le hic est que Hassen Zargouni a toujours refusé de répondre aux polémiques avec une phrase unique : mon travail parle pour moi et finira par s'imposer de lui-même, seule la qualité et la science comptent. Pour 2019, il a mis sa « tête de mule » de côté et a accepté hier l'invitation de Boubaker Akacha sur Mosaïque FM pour répondre à toutes les critiques et s'expliquer sur tous les points. Le journaliste, de la radio numéro 1 en Tunisie, lui a ramené sur le plateau deux députés appartenant à des partis figurant actuellement parmi ceux qui le critiquent le plus, en raison justement, de leur mauvais classement. Il s'agit de Ghazi Chaouachi d'Attayar et Marouen Felfel, actuel député Tahya Tounes et ex Nidaa. Inutile de trop s'arrêter sur les contradictions des uns et des autres et la cohérence. Le parti de M. Chaouachi qui remet en doute les chiffres de Sigma et pointe du doigt leur manipulation ou l'origine des fonds finançant les sondages politiques est le même qui a invité, il y a quelque temps, Hassen Zargouni dans une table ronde pour parler du même sujet. Quant à Nidaa, pendant très longtemps, ils n'avaient d'yeux que pour Zargouni ! Mieux encore, le même Boubaker Akacha qui a invité à midi M. Zargouni est dirigeant à la chaîne Attessia qui a publié l'après-midi le fameux communiqué incendiaire remettant en doute les chiffres de Sigma et sa crédibilité.
Pour ceux qui financent le sondage politique, M. Zargouni les renvoie vers Le Maghreb commanditaire de cet éternel baromètre controversé. Pour sa crédibilité, il renvoie vers les élections de 2014. Pour ses méthodes, il se cache derrière la science et les méthodes scientifiques qu'il emploie. « Ma porte est ouverte, je vous ai invité à plusieurs reprises pour évaluer les méthodes de travail nos équipes, j'aime la transparence, j'aime la science ! », a indiqué Hassen Zargouni. Pour les différences des chiffres entre ses concurrents et lui, il précise qu'il utilise le panel des électeurs fourni par l'Isie. Il ne parle donc que des électeurs et non de l'ensemble des Tunisiens. Son panel est choisi en fonction de la carte électorale et du dispatching des électeurs et non pêle-mêle. L'absence d'un cadre législatif et le blocage du projet de loi régissant les sondages, proposé par Attayar et Nidaa ? « Je l'appuie de toutes mes forces, j'y adhère totalement. Si les chiffres des uns et des autres sont mauvais ou en chute, ce sont les Tunisiens qu'il faudrait aller voir, pas moi ! ». Il répète à qui veut bien l'entendre de venir voir « l'usine » de jeunes ingénieurs et constater leurs méthodes de travail. Il indique que le très sévère chroniqueur célèbre Haythem Mekki est venu rester toute une matinée pour voir de lui-même comment Sigma travaille. Sous-entendu : c'est ce que doivent faire tous les hommes politiques et patrons de télévision avant de le critiquer. Tout le monde ne se donne pas cette peine, tel Maher Zid, repris par plusieurs dirigeants et anciens ministres du parti Irada qui a affirmé que Hassen Zargouni n'a pas les diplômes requis, la preuve est qu'il a appelé son école qui lui aurait dit qu'il n'en est pas issu. Il aurait pourtant suffi d'aller à son bureau et voir l'ensemble de ses diplômes accrochés au mur. Cela suffira-t-il à faire taire les critiques ? Non, cela dure depuis des années, les critiques se poursuivront chaque année avec, juste, les acteurs qui changent (à l'exception des concurrents envieux et aigris) en fonction de leur propre classement et de l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes. Il est évident qu'il vaut mieux se dire que le thermomètre est défectueux plutôt que l'on a de la fièvre.