En dépit de lacunes qui persistent encore, la Tunisie demeure pionnière en matière de droits accordés aux femmes dans le monde arabe. Les femmes tunisiennes jouissent d'un statut avantageux dans la société ainsi que d'un ensemble de libertés qui sont, pour d'autres pays, des privilèges. Active dans la vie politique, la femme tunisienne a marqué cette année électorale par sa présence, aux côtés des candidats de sexe masculin, à la course au Palais de Carthage. Avec le reste du monde, la Tunisie célèbre le 8 mars de chaque année, la journée internationale de la femme et le 13 août, la fête nationale de la femme ainsi que la commémoration de l'anniversaire du Code du Statut personnel promulgué en 1956. Un Code moderniste, lors de sa promulgation, qui dispose entre autres, des lois interdisant la polygamie, institue un processus légal pour les divorces, respecte la volonté de la femme dans le choix de son époux et exige son consentement.
Au fil des années, le processus de l'émancipation de la femme tunisienne a progressé et ses acquis se sont multipliés. Les femmes ont obtenu le droit de représenter leurs enfants devant la justice ainsi que la possibilité d'octroyer leur nationalité à leurs enfants. De nos jours, la femme tunisienne a le droit de se marier à un non musulman. Elle peut, par ailleurs, déclarer désormais la naissance de ses enfants. L'initiative de l'égalité successorale s'ajoute, de surcroît, à ces avancées bien que son approbation tarde à venir.
Dans la vie politique, les femmes ont acquis le droit de vote en Tunisie en 1957, soit un an après l'Indépendance. Deux ans après, les femmes ont pu intégrer la vie partisane et se présenter aux postes du pouvoir aux échelles locale, régionale et nationale et au sein du gouvernement et du Parlement.
Les quotas des femmes aux listes électorales ont été instaurés en 1999. Toutefois, cela n'est devenu légalement obligatoire qu'en 2011. En 2014, Kalthoum Kennou fut, aux côtés de Emna Mansour Karoui, parmi les premières femmes tunisienne à se présenter à l'élection présidentielle depuis la proclamation de la République.
Bien que Mme Kennou et Mme Karoui ne se soient pas portées candidates à la présidentielle de 2019 (elles se sont candidates aux législatives), d'autres candidates ont tenté leur chance à la magistrature suprême. Les plus notables étant Abir Moussi, Selma Elloumi Rekik, Leïla Hammami, candidate pour la seconde fois ainsi que Lamia Khemiri.
Pour la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, la présidence de la République ainsi que le Parlement sont ses objectifs étant donné qu'elle est candidate aux élections législatives et présidentielle. Surnommée « la lionne », par ceux qui l'admirent, pour son discours virulent à l'encontre des islamistes, Mme Moussi, avocate de 44 ans, n'essaie pas de cacher son passé benaliste ni son référentiel destourien alors que la plupart des hommes et femmes politiques tentent de nier leur implication dans le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) ainsi que tout lien avec l'ancien chef de l'Etat. Désignée secrétaire générale adjointe du RCD en 2010, le déclenchement de la Révolution un an après ne l'a pas poussée à renoncer à ses convictions. Elle intègre le Mouvement destourien fondé en 2013 par l'ancien premier ministre, Hamed Karoui. En 2016, le Mouvement change de nom et devient le PDL à la tête duquel Abir Moussi sera élue. Abir Moussi et son parti, ayant obtenu, tous les deux, 12% des intentions de vote selon les derniers sondages d'opinion, visent à mettre en place une nouvelle Constitution. Mme Moussi propose également de substituer le régime parlementaire par un régime présidentiel interdisant le tourisme parlementaire où tout député qui s'est retiré de son parti initial verra son mandat interrompu.
La présidente du parti Al Amal, fondé en juillet 2019, et ancienne nidaiste, Selma Elloumi Rekik a également déposé sa candidature à la présidentielle. Avec un diplôme de management de l'Institut supérieur de gestion de Tunis (ISG) et son intégration de l'entreprise familiale, le groupe Elloumi entreprenant dans l'agroalimentaire, la femme d'affaires âgée de 63 ans, avait rejoint Nidaa Tounes dès sa création. Membre du comité exécutif de Nidaa Tounes dont elle prend la présidence en mai 2019 pour démissionner un mois après, Mme Elloumi a été élue députée du parti à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) sur la circonscription de Nabeul 1 en 2014. Elle a été nommée ministre du Tourisme et de l'Artisanat dans le gouvernement de Habib Essid en 2015 et puis maintenue au même poste dans le gouvernement de Youssef Chahed en 2016. En novembre 2018, Selma Elloumi a été nommée directrice du cabinet présidentiel succédant à l'actuel secrétaire général de Tahya Tounes, Selim Azzabi. Suite à la reconnaissance de Hafedh Caïd Essebsi en tant que représentant légal de Nidaa Tounes après la dislocation du parti, Mme Elloumi est désignée à la tête du parti Amal Tounes, anciennement connu sous le nom du Mouvement démocratique pour la réforme et la construction avant que l'accord ne soit rompu entre sa secrétaire générale, Emna Mansour Karoui et Mme Elloumi.
Il s'agit de la deuxième candidature à la présidentielle pour Leïla Hammami qui s'est déjà présentée en 2014 avec dix parrainages parlementaires dont la majorité appartiendrait à Ennahdha selon ses dires. Néanmoins, sa candidature a été rejetée par l'Isie, un refus dénoncé par Mme Hammami qui a lancé un appel à l'époque afin de « renverser » cette instance. Leïla Hammami se présente comme étant indépendante, professeure universitaire, chercheure et conseillère d'organisations internationale en Grande Bretagne. En 2014, elle avait évoqué une tentative d'assassinat la visant à cause, disait-elle, de sa détention de dossiers de corruption impliquant la Banque africaine de développement (BAD).
Quant à Lamia Khemiri, elle est secrétaire générale du parti de l'ancien chef de l'Etat et candidat à la présidentielle, Moncef Marzouki, Harak. Mme Khemiri, avocate de profession, avait succédé à Dorra Ismaïl au secrétariat général du parti. Même si elle s'est présentée en tant qu'indépendante, la candidature de Lamia Khemiri dénote de son insatisfaction de la candidature de Moncef Marzouki, candidat de Tounes Okhra, initiative réunissant, entre autres, Harak, le mouvement Wafa de Abderraouf Ayadi ainsi qu'un nombre d'indépendants.
Malgré la présence de la gent féminine qui ambitionne d'assumer la plus haute responsabilité dans le pays, la sous-représentativité de la femme tunisienne au pouvoir perdure toujours. Ainsi, faut-il réaffirmer son rôle, consolider ses acquis et lui accorder plus d'opportunités dans la vie politique. Tout cela sans occulter, indubitablement, les réformes qui doivent être apportées en vue d'optimiser les conditions de travail et de vie des femmes défavorisées dans les régions rurales, marginalisées ou sinistrées. Des femmes sans lesquelles, la Tunisie n'aurait pas été ce qu'elle est devenue aujourd'hui...