Elle est française, mère de deux jeunes enfants et dit se sentir « prise au piège avec un homme qui est capable de la tuer ». C'est l'histoire d'Annabelle (ceci n'est pas son vrai nom) qui vit depuis deux ans un véritable calvaire avec un mari tunisien qui menace de la tuer en refusant de la laisser partir et de lui confier la garde de ses enfants. Annabelle fait l'objet aujourd'hui d'un mandat d'amener à cause de la deuxième plainte pour adultère déposée contre elle par son mari. Elle est affaiblie et fragile lorsqu'elle a accepté de répondre à nos questions au téléphone. Annabelle a récemment été victime d'un AVC (accident vasculaire cérébral). A 40 ans, elle multiplie les AVC depuis 4 ans. Elle a dû être plusieurs fois hospitalisée et même rapatriée d'urgence en France, son pays d'origine, à cause d'un état de santé jugé trop fragile par les médecins. La jeune mère a peur de perdre ses enfants, mais aussi sa maison et son argent. Son mari, un Tunisien avec lequel elle a eu deux enfants, refuse de lui accorder le divorce qu'elle demande depuis deux ans. Sept procédures de divorce qui se sont toutes soldées par un échec. Aujourd'hui, son mari « consent enfin à lui accorder sa liberté », mais le prix à payer pour l'obtenir est cher. Renoncer à la maison dans laquelle elle vit avec ses enfants, à la moitié de son salaire et, surtout, abandonner ses deux enfants, encore en âge d'aller à l'école. Son mari menace de « la tuer » si elle refuse ses conditions. Annabelle a même été empêchée de faire voyager ses enfants en France et de quitter le territoire, pendant deux ans, après que son mari a volé leurs passeports. Il l'accuse de « vouloir convertir ses enfants au catholicisme ».
Annabelle a quitté la France il y a quinze ans pour rejoindre l'homme qu'elle aimait. Elle déchanta rapidement et dût s'accommoder, pendant des années de violences psychologiques et même physiques répétées afin de s'adapter à sa nouvelle vie. Malgré l'arrivée de deux enfants, la situation de la jeune mère ne s'améliore pas. Son mari ira jusqu'à exercer un chantage émotionnel sur elle et sur ses enfants et même un harcèlement continu. Elle a d'ailleurs porté plainte pour harcèlement et affirme être suivie par son mari qui la surveille dans sa voiture et dans sa maison, n'hésitant pas à installer des caméras dans le domicile où elle vit avec ses enfants. Elle a aussi porté plainte pour violence physique après avoir été brûlée par son mari qui lui a versé dessus du café brulant. Une agression perpétrée devant ses enfants.
Seule en Tunisie, sans sa famille pour la soutenir, Annabelle dût subir, pendant des années, les violences de son mai avant d'avoir le courage d'aller jusqu'au bout de sa démarche entamée il y a deux ans. Dans son calvaire, elle dit faire face à « une justice partiale rangée du côté du mari ». Une impunité dont il jouit non seulement « grâce » à sa nationalité mais aussi de ses connaissances et proximité avec certains avocats. Selon elle, les forces de l'ordre appliquent d'ailleurs des décisions de façon arbitraire quand cela arrange la partie adverse. Elle dénonce des manigances qui seraient, selon elle, derrière les nombreux manquements enregistrés dans son dossier.
Aujourd'hui en instance de divorce, le mari d'Annabelle ne cesse de proférer des menaces contre elle. Il menace aussi leurs deux enfants leur disant qu'il « tuera leur mère » et n'hésite pas à la traiter de tous les noms devant eux. « Mauvaise mère, trainée, pas une bonne musulmane, femme aux mœurs légère… ». Des insultes qui mettent les enfants dans des situations critiques et un état de stress permanent. Son mari va jusqu'à la menacer devant son lieu de travail dans le but de ternir sa réputation.
Pour ne rien arranger, et afin d'entraver ses procédures de divorce, Annabelle est aujourd'hui accusée d'adultère. Pour la deuxième fois. La première plainte remonte à août 2018 et a été déposée lorsqu'elle a lancé un dossier de divorce et s'est soldée par un non-lieu. La deuxième, plus récente, a donné lieu à un mandat d'arrêt contre la jeune femme. A cause de cette plainte, 7 policiers se sont introduits chez elle, dans son domicile, sans aucun mandat et « se sont mis à fouiller toute la maison ». Ils étaient accompagnés de son mari et ce dernier l'a frappée devant les policiers, sans que personne ne proteste ou essaye de l'en empêcher.
Laurent Caizergues, conseiller consulaire pour la zone « Tunisie-Libye », décrit la situation de la jeune femme comme étant « un véritable cauchemar ». « Je pensais à tort que la Tunisie protégeait les femmes. Mais cette histoire jette une toute autre lumière […] Dans cette société si particulière en région méditerranéenne qu'est la Tunisie, il me semblait pourtant que la femme et la mère méritaient respect et protection ».
Alors que la justice tunisienne offre une panoplie de lois protégeant les femmes, l'application de ces lois reste arbitraire. Dans les couples mixtes, les cas de divorce donnent lieu, dans bien des cas, à de véritables casse-tête en matière de garde d'enfants surtout lorsque l'un des parents désire les ramener dans son pays d'origine. Le cas d'Annabelle rappelle celui, datant de l'année dernière, d'une mère Belge qui a été privée de sa fille pendant 3 ans suite à un divorce avec un Tunisien. Une mère qui, aujourd'hui encore, se bat encore pour obtenir la garde de ses enfants. Si Annabelle a pu obtenir la garde de ses enfants, avec un droit de visite accordé au père, elle craint aujourd'hui encore que les pressions et les menaces ne portent préjudice à ces jeunes enfants et surtout, que le divorce ne puisse être négocié sans les lourdes conditions de son mari… Une affaire à suivre…