L'Assemblée nationale constituante (ANC) a adopté, jeudi 08 décembre, les articles 7, 8, 9 et 10 du projet de loi constitutive portant organisation provisoire des pouvoirs publics. Entre tergiversions, quelques anecdotes et discussions ponctuées parfois de discours de sourds, les élus ont voté pour ou contre ou en s'abstenant sur les textes de lois proposés par la commission de l'Assemblée. La modification du texte de loi de l'article 7 a été sujette à plusieurs critiques de la part des députés. Néanmoins, la proposition qui a été donnée par la commission de l'Assemblée a été votée comme suit : 214 voix pour, 2 contre et une seule abstention. L'article 7 a animé les discussions, certains élus demandant sa suppression pure et simple, d'autres son amendement, alors que d'autres souhaitaient le garder tel quel. M. Iyed Dahmani, élu du PDP, a indiqué qu'aucune limite temporelle ou définition des « circonstances exceptionnelles » n'a été inclue dans l'article, faisant craindre « un retour de la tyrannie ». M. Nooman Fehri, élu d'Afek Tounes, a abondé dans ce sens et parlé de retour de la dictature : « Nous devons faire attention aux dangers de cet article ». M. Samir Dilou, chargé des relations extérieures du mouvement Ennahdha, a de son côté dénoncé les « formulations » de certains élus de l'opposition. Il a rappelé que dans toutes les Constitutions du monde, l'organisation des pouvoirs publics prévoit une délégation des pouvoirs législatifs. Après avoir entendu les suggestions des élus, le nouveau texte de loi qui désigne le pouvoir législatif en cas d'état d'urgence, de guerre, de catastrophes naturelles, etc.…stipule que « dans des circonstances exceptionnelles empêchant le cours normal de l'exercice des pouvoirs publics, l'ACN peut déléguer une partie ou la totalité de son pouvoir législatif au président de l'Assemblée, au président de la République et au chef du Gouvernement. Les trois présidents peuvent légiférer par décrets après concertation, applicables si et uniquement s'ils sont signés par les trois présidents. Une fois l'état d'exception passé, le président de l'Assemblée ou l'un tiers au moins devra inviter le reste des élus afin d'annoncer officiellement la fin de cette période de procuration et pour voir après les décrets publiés afin de les promulguer, les modifier ou les annuler ». Malgré le vote, quelques élus ont manifesté leur mécontentement en signalant que la décision sur ce projet de loi a pris trop de temps, chose qui se fait au détriment de l'état économique du pays et au milieu d'un contexte social assez critique. L'article 8 qui s'occupe de la présidence de la République a été très discuté et chahuté par plusieurs élus surtout par rapport à la nationalité du prochain président. Avant de proclamer le projet de loi proposé par la commission, 13 suggestions ont été exposées à cette dernière. Deux points ont été longuement discutés. Le premier, c'est l'âge minimal du président entre 40 et 50 ans, jugeant que 35 ans n'est pas un âge qui donne au candidat de la présidence le temps d'avoir déjà fait une carrière politique assez riche et expérimentée. On a aussi proposé de limiter l'âge du président à 65 ou 70 ans. Le second point qui a été celui de la discorde, c'était la nationalité du futur président. Plusieurs élus ont contesté ce critère puisqu'ils ont la double nationalité. Le fait y est, 14% des électeurs vivent à l'étranger et ont la double nationalité. D'autres députés ont critiqué cette partie du texte étant donné que les ressortissants tunisiens sont dans la majorité fils de militants et d'opposants et que ce n'est pas à eux de payer les pots cassés et l'hériter la marginalisation de l'ancien régime. La version finale de l'Art. 9 telle que adoptée par la Constituante prévoit : «L'ANC choisit le président de la République par vote secret à la majorité absolue parmi les candidats proposés, chacun, par au moins 15 membres de l'ANC, immédiatement après l'adoption de cette loi». Chaque constituant n'a le droit de présenter que la candidature d'une seule personne. Dans le cas où aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres de la Constituante en premier tour, un deuxième tour sera organisé immédiatement entre les candidats ayant obtenu le plus de voix. En cas d'égalité des voix entre les candidats, la candidature du candidat le plus âgé sera retenue. Un point qui a été contesté par certains. Or, 183 députés étaient pour ce texte de loi, 5 contre et deux se sont abstenus. Durant le débat engagé sur la teneur de cet article, plusieurs constituants ont appelé à modifier sa version initiale en remplaçant l'expression « L'Assemblée constituante choisit... » par « L'Assemblée constituante élit... », en consécration du principe de l'élection du président de la République loin de toute désignation pouvant vider ce poste de sa valeur. En signe de reconnaissance aux jeunes tunisiens qui ont joué un rôle de premier plan, depuis le déclenchement de la Révolution, le Constituant Noureddine Mrabti (UPL), Saïd Gharbous (Al Aridha) et Nadia Chaabane (PDM), ont appelé à présenter le candidat benjamin parmi les candidats ayant obtenu le même nombre de voix en 2ème tour sans porter atteint aux droits des militants les plus âgés à se présenter en tant que candidat à ce poste. Sur un autre plan, certains constituants ont protesté contre le déroulement de l'opération de vote du projet de loi, dont notamment Ameur Araiedh (Mouvement Ennahdha) et Ahmed Néjib Chebbi(PDP). L'article 10 a été adopté à la majorité de 138 voix contre 2 abstentions. Les représentants de l'opposition n'ont pas participé au vote.