Dans une sortie médiatique quelque peu étonnante, M. Mustapha Ben Jaafar, président de l'Assemblée nationale constituante, ANC, s'est confié à Thierry Portes du journal « le figaro ». Cette interview datée du 17 octobre s'est voulue empreinte d'un certain franc-parler. M. Ben Jaafar y a traité de la rédaction de la Constitution, des multiples initiatives prises pour tenter de « calmer l'effervescence parlementaire et prévenir d'éventuelles manifestations », des propositions de la coalition au pouvoir quant à l'architecture de son projet constitutionnel…. M. Ben Jaafar a souligné qu' « une Constitution préservant le modèle tunisien de société, parmi les plus occidentalisés du monde arabo-musulman, verra le jour avant les prochaines élections législatives prévues au printemps 2013 ». Un passage consacré « à la duplicité discursive de M. Ghannouchi et au degré de confiance pouvant lui être accordée » mérite d'être rapporté. M. Ben Jaafar y déclare : « Il ne faut pas concevoir Ennahda comme un bloc homogène. Il y a des gens très ouverts et d'autres, appartenant à la frange radicale, qui cherchent à capter l'électorat salafiste. Nous faisons un pari. S'il réussit, ce serait fantastique pour le monde arabo-musulman. Imaginez qu'apparaissent d'ici quelques années des partis ayant le profil des démocrates-chrétiens européens. Une séparation du religieux et du politique serait une Révolution. Ce pari ne peut être gagné que si l'on prend des risques. Il faut de la persuasion, pour faire évoluer les idées, et finalement modifier le rapport des forces. Si on refuse toute discussion, le risque est de rejeter les partisans d'Ennahda prêts à dialoguer avec les forces de progrès dans les bras du salafisme ». Et d'ajouter suite à une question sur l'éventualité que « Ennahdha » puisse un jour « décider de séparer le religieux du politique », M. Ben Jaafar déclare : « Si ce débat d'idées, qui existe aussi au sein d'Ennahda, se poursuit, il pourrait conduire à la naissance de deux partis ». M. Ben Jaafar, allié d'Ennahdha au pouvoir, n'exclut pas une implosion de ce mouvement islamiste, apparemment miné par ses dissensions internes. Il prédit une scission du parti en un groupe radical dont les porte-drapeaux sont Chourou, Ellouze, voire Ghannouchi et un autre où seraient représentés les éléments les plus modérés, conduits par Sahbi Atig. M. BELLAKHAL