Cela aurait pu arriver à n'importe qui parmi nous, à n'importe quel âge et n'importe où. Un accident cardiaque foudroyant et voilà que les jours et les heures du malade terrassé sont comptés. Khaled T, 36 printemps, père de deux jolis bambins est, depuis février dernier, pris en charge et alité au service cardio de l'hôpital de la Rabta. Sa situation empire de jour en jour sous le regard impuissant de ses collègues et amis qui, en l'absence de parents, ont pris le devant pour tenter de sauver la vie de l'infortuné. Avisée de la gravité du cas, la Ligue tunisienne des droits de l'homme a tôt fait de mettre la main à la pâte pour secourir le souffrant, reconnu par les siens comme étant une bonne pâte. Pour qui chaque instant de la vie est un pas presque sûr vers la mort... C'est ce que nous confirme, la mort dans l'âme, le médecin traitant qui est en train de remuer ciel et terre pour maintenir en vie un bon père, réduit en carcasse immobile, bourrée de tuyauterie... La brave cardiologue nous dit que ce cas nécessite une greffe du cœur à l'étranger qui coûterait à la collectivité quelque cent cinquante mille euros. Frais ne valant rien par rapport à la valeur de la vie. Et, au cas où la Cnam en disconviendrait, nous explique notre interlocuteur, une solution provisoire pourrait lui éviter une mort certaine. Accorder au malade la possibilité d'être mis sous machine à l'étranger, lui permettant une assistance ventriculaire gauche implantable (autrement dit le soumettre à un cœur artificiel). Cette formule, moins onéreuse, pourrait accorder au malade une chance de vie allant jusqu'à deux ans. Par la suite, il serait possible d'opérer une greffe du cœur qui a, jusqu'ici, prolongé la vie du malade de vingt ans et plus. Après deux demandes de soins à l'étranger, assorties de dossiers médicaux bien ficelés, ayant rencontré une fin de non-recevoir, le toubib en état d'alerte court... vole... vers la Cnam, vendredi dernier, pour revenir à la charge et soumettre, à la bonne dame de céans, un troisième dossier, mettant en exergue et insistant sur l'évolution alarmante de la situation. Et comme la bonne dame de la Cnam a, comme nous tous, un père, une maman, des filles et des garçons, l'on espère qu'elle ne dira pas, cette fois-ci, non à l'espoir de survie d'un père qui fait pleurer ses enfants. Le dernier mot revient, nous dit-on, au ministre de tutelle, lui aussi un bon père, tuteur de plus d'un enfant. A celui qui, aujourd'hui, a le droit de mort et de vie sur un assuré, sans soutien et mal loti, les enfants de celui-ci hurlent et crient : «M. le ministre, vous êtes un père, un être humain, avant d'être ministre! Agissez en conséquence SVP! Le temps presse. Et nous sommes pressés de voir votre OK signifié!».