En pénétrant dans la rue Ibn-Khaldoun, nous sommes saisis par le spectacle affligeant et ahurissant qui s'offre à nos yeux. Cette rue, qui, jadis, symbolisait par excellence la culture avec deux salles de cinéma, l'ABC et le Mondial, la maison de la culture Ibn-Khaldoun et la galerie d'art Juliette Nahum, est aujourd'hui envahie par les gargotes, les rôtisseries et les commerces de fast-food qui ont poussé comme des champignons. Ils sont plus d'une dizaine, 14 en tout, les uns accolés aux autres des deux côtés de la rue, sur une distance de 100 mètres au plus, sans compter les cafés et les marchands de fruits secs. Les trottoirs n'appartiennent plus aux piétons, puisqu'ils sont envahis par des tables et des chaises sales et crasseuses, les papiers tachés d'huile, les gobelets en plastique et les détritus fétides et malodorants. Laideur, noirceur, poussière, salissures et saletés caractérisent désormais cette artère devenue la rue de la bouffe ou plutôt de la malbouffe. Et cela sous les regards passifs et le silence radio des responsables de la municipalité de Tunis. Jusqu'à quand tolérera-t-on cette situation déplorable et ce spectacle désolant d'une rue jadis prestigieuse qui a commencé sa descente aux enfers depuis le début des années 80, quand la galerie Nahum, qui avait accueilli des centaines d'expositions d'artistes tunisiens et étrangers, a été hélas transformée en rôtisserie. On se rappelle non sans nostalgie l'effervescence culturelle que généraient, dans les années 70, cette galerie ainsi que les cinémas et la maison de la culture alentour qui végètent actuellement. Car l'ambiance festive de cette rue, qui attirait tous les jours des centaines de spectateurs et de visiteurs avides de culture, a cédé la place à une atmosphère triste et morose où domine la nourriture terrestre ou la nourriture tout court au détriment de la nourriture spirituelle . Rendons son lustre à cette rue Autrefois, cette rue était le point de rencontre d'artistes, de cinéastes, d'hommes de théâtre, d'écrivains, de poètes, d'intellectuels et d'amateurs d'arts et de culture et de cinéphiles. L'artère grouillait de tout ce beau monde-là, notamment lors la programmation de nouveaux films tunisiens et étrangers, et de grandes manifestations telles que les Journées cinématographiques de Carthage. Quand donc la municipalité de Tunis s'attellera-t-elle à rendre à cette rue son lustre et son prestige d'antan en appliquant la loi ? Car comment la municipalité ferme-t-elle les yeux sur une telle concentration de commerces de même type, sans aucun respect de la distance légale nécessaire ? A moins qu'il n'y ait anguille sous roche. La rue Ibn-Khaldoun attend toujours d'être réaménagée comme l'ont été, à l'orée des années 2000, l'avenue Bourguiba et la rue de Marseille, désormais rue piétonne, ou alors ce projet est-il, définitivement, enterré ? Espérons que non, car il est inadmissible que cette artère, qui porte le nom du père de la sociologie qui est l'un des sociologues les plus illustres de tous les temps, soit abandonnée à ce sort navrant et inacceptable. M. le Maire de Tunis, ressuscitez et sauvez, donc, la rue Ibn-Khaldoun !