Au milieu de la matinée, après s'être réunis dans leur quartier général, les membres du syndicat se sont rendus au siège du ministère de la Santé pour rencontrer le ministre, afin de trouver une issue à la crise Habituellement rempli de monde, dès les premières heures de la matinée, l'hôpital Charles-Nicolle était désert hier. Ils étaient seulement une poignée d'infirmiers et d'infirmières à vouloir assurer le service malgré la décision de leurs collègues de faire grève, pressant le pas, à travers les allées ombragées, pour rejoindre le bâtiment dans lequel ils travaillent. Pour les uns, c'est une question de principe, pour les autres « ce n'est pas le moment de faire grève. La situation économique est déjà très mauvaise comme ça. Une grève de trop ne ferait qu'empirer les choses », a souligné ce surveillant travaillant dans les urgences de l'hôpital. Il s'agit de la énième grève pour le cadre paramédical qui ne compte plus le nombre de fois où ils ont fait grève au cours des dix dernières années pour obtenir la mise en place d'un statut de base pour leur profession. En effet, les techniciens supérieurs de la santé, les infirmières et les infirmiers exercent leur profession dans la fonction publique sans statut ni organigramme administratif, ce qui a fait, jusqu'ici, grincer les dents de nombreux paramédicaux travaillant dans les établissements hospitaliers publics et privés. Infirmières dans le service de dermatologie de l'hôpital Charles-Nicolle, Habiba et Fatma ont fait le tour du service et prodigué les soins classiques à leurs patients atteints de maladies dermiques. Absence de statut et conditions de travail déplorables D'après ces deux techniciennes qui ont fait le choix de ne pas participer à la grève, leurs collègues ont décidé de faire grève non pour des revendications matérielles mais pour obtenir un statut de base qui leur a été refusé pendant de nombreuses années. Sans statut de base, nous ne pouvons pas obtenir de promotions, a relevé la technicienne supérieure. Beaucoup d'infirmiers et d'infirmières ont travaillé pendant de nombreuses années sans obtenir aucune promotion. Sans statut, l'obtention d'une promotion n'est pas automatique et se fait au gré du bon vouloir des supérieurs hiérarchiques. Certains infirmiers sont partis à la retraite sans obtenir de passage de grade au cours de leurs fonctions. Cette situation a suffisamment duré. C'est pour cette raison que les cadres paramédicaux ont décidé de faire grève». Profitant d'une pause, Mohamed, infirmier dans le service de dermatologie, fait les cent pas devant le bâtiment pour destresser et engage la conversation avec ses collègues. La grève décidée par les collègues du technicien supérieur de santé serait la manifestation d'un ras-le-bol général découlant de nombreux facteurs qui se sont accumulés au cours de ces dernières années. Outre le fait que beaucoup n'arrivent plus à supporter un coût de la vie de plus en plus élevé, les conditions de travail sont dures pour la majorité des cadres paramédicaux travaillant dans les établissements hospitaliers publics et qui viennent à manquer de matériel pour effectuer les soins nécessaires à leurs patients. « 700 cadres paramédicaux sont partis à la retraite et n'ont pas été remplacés par de nouveaux cadres paramédicaux. Nous nous sommes retrouvés face à un blame de travail incroyable, a affirmé Nadia, une infirmière exerçant dans un des services de l'établissement hospitalier. Par ailleurs, les conditions de travail sont difficiles. Il m'est arrivé de ne pas trouver de couverture pour couvrir un patient. On en vient également à manquer de matériel pour effectuer des soins primaires». Au milieu de la matinée, après s'être réunis dans leur quartier général, les membres du syndicat se sont rendus au siège du ministère de la Santé pour rencontrer le ministre afin de trouver une issue à la crise. Ignorant qu'il y avait grève et atteinte de vitiligo, Jelila, venue de Mahdia pour une consultation externe au service de dermatologie, est repartie bredouille après qu'on lui a fixé un autre rendez-vous pour le mois de juillet prochain. Dans un autre établissement hospitalier, les patients hospitalisés vivent le calvaire et subissent quotidiennement les conséquences des sautes d'humeur d'infirmiers et d'infirmières qui supportent de plus en plus mal les conditions de travail de l'établissement dans lequel ils exercent. Alors qu'ils doivent recevoir régulièrement leur traitement, des patients hypertendus et diabétiques sont rarement contrôlés pendant la journée par des infirmiers et des infirmières qui parcourent les couloirs sans rien faire. Des repas insipides et des patients qui se font malmener par des infirmiers excédés et acariâtres qui les laissent faire leur toilette seul, sans leur apporter d'assistance. C'est le quotidien pénible des patients et des cadres paramédicaux dans les établissements hospitaliers publics, qui ne risque pas de s'améliorer de sitôt.