Par Abdelhamid GMATI La libération des diplomates tunisiens kidnappés en Libye, au lieu d'être saluée comme il se doit, a donné lieu, au contraire, à un flot de commentaires plutôt négatifs. C'est qu'elle a été concomitante à la libération du présumé terroriste libyen Walid Kleib, emprisonné en Tunisie depuis le mois de mai. La question qui fuse est de savoir si le gouvernement tunisien a cédé au chantage des ravisseurs, le groupe islamiste Fajr Libya, dont une délégation gouvernementale non reconnue a eu des pourparlers avec les responsables tunisiens. «Non», affirment à l'unisson Habib Essid, chef du gouvernement, et Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères. Certes, la décision a été prise par la Cour d'appel de Tunis «après examen de la demande d'extradition formulée par les autorités libyennes conformément à un accord conclu entre la Tunisie et la Libye sur l'extradition des criminels ». Mais les faits sont têtus et le soupçon subsiste. D'autant que les gouvernements tunisiens, sous la Troïka, ont libéré et extradé le Libyen Baghdadi Mahmoudi puis deux terroristes libyens impliqués dans l'attentat de Rouhia, en contrepartie de deux diplomates tunisiens séquestrés. Il aurait été plus efficient d'avouer qu'on ne pouvait rien faire d'autre et que, de toute façon, on ne pouvait rien retenir contre Walid Kleib puisqu'il n'avait rien commis en Tunisie, et qu'on ne peut le juger pour des faits commis à l'étranger. Mais l'erreur originelle est d'avoir ouvert un consulat à Tripoli, contrôlé par le gouvernement non reconnu de Fajr Libya. Erreur reconnue indirectement par le ministre des Affaires étrangères qui a décidé de fermer ledit consulat. Le gouvernement, critiqué pour chacune de ses décisions et pour chacune de ses déclarations, donne l'impression de ne pas agir mais de réagir. Il ne maîtrise pas les événements mais les subit et réagit par à-coups. Ayant obtenu satisfaction à son chantage, Fajr Libya a pavoisé et a exercé des menaces si l'on n'interdisait pas la diffusion d'une émission humoristique, «Tayara» de la chaîne «Attassiâa»; et elle a eu satisfaction puisqu'une décision d'un tribunal a été émise interdisant cette émission. Du coup, l'organisation libyenne a re-pavoisé et a félicité le gouvernement tunisien pour son «obéissance». La chaîne, elle, a maintenu la diffusion de son émission, arguant que l'interdiction ne s'adresse pas à elle mais à la société de production. Le gouvernement ne cesse de clamer que les caisses de l'Etat sont vides, que l'économie va très mal et que les caisses de sécurité sociale sont plus que déficitaires. Cela ne l'a pas empêché d'adopter, mercredi dernier, un projet de loi permettant aux membres de l'ancienne Assemblée nationale constituante (ANC) de bénéficier du régime de retraite applicable aux députés tel que défini par la loi du 8 mars 1985. Cela va certainement «alléger» le fardeau des caisses. Populisme quand tu nous tiens ! La secrétaire d'Etat chargée du dossier des martyrs et blessés de la révolution, Majdouline Cherni, a annoncé, hier matin, que 84 millions de dinars ont été alloués par l'Etat au profit des familles des martyrs et blessés de la révolution sous forme d'indemnisations, de logements sociaux, de cartes de transport et de soins gratuits. Toutefois, elle a mis le doigt sur le problème du nombre de dossiers qui a atteint les 7.500 et qui ne cesse d'augmenter. Elle a précisé que « jusqu'à aujourd'hui, soit plus de quatre ans après le 14 janvier 2011, des dossiers continuent à affluer chez la commission qui en est chargée, alors qu'ils n'ont aucune relation avec la révolution qui a pourtant fait des martyrs et des blessés». Alors ? Pourquoi avoir déboursé cette somme ? Il y a quelques jours, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, avait annoncé qu'il abaisserait son salaire et renoncerait à des avantages auxquels il pourra avoir droit en fin de mandat. Les anciens présidents post-révolution, Moncef Marzouki et Fouad Mebazâa, en bénéficient. Rappelons que selon Adnène Mansar, conseiller à la présidence de l'époque, le président en exercice bénéficie de 30.000 DT de salaire brut en plus des 15.000 DT de prime de logement, combinés à d'autres avantages. Précisons que Mebazâa a expliqué qu'il perçoit actuellement 10.000 dinars nets par mois à la retraite (15.000 dinars bruts qui comprennent les salaires du personnel mis à sa disposition). Après seulement un mois d'exercice, il continue cependant de bénéficier, à vie, d'une retraite présidentielle. Enfin, rappelons que pour être éligible à ce régime de retraite, le président devra obligatoirement avoir exercé pendant au moins une mandature complète et il devra renoncer à cette rente s'il perçoit un salaire d'une autre activité professionnelle rémunérée. Tout cela est quelque peu incohérent. Le principal parti au pouvoir, Nida Tounès, et le gouvernement de « coopération » font tout pour ne pas paraître hégémoniques. Ceci explique-t-il cela ?