Par le Colonel (r ) Habib AZZABI Voilà quatre ans que nos unités sont en campagne sans ressources humaines suffisantes. Pour remplir sa mission, le militaire doit maintenir un certain niveau de formation, d'instruction et de bien-être (permission, congé, etc.). Nous souhaitons que le soldat ne puisse aller à la guerre avec l'éventualité de se faire tuer sans qu'il ne soit assuré que sa famille, quand il est marié, ne mourra pas de faim et n'est pas susceptible, après la mort du chef de famille, de se trouver dans la rue avec peu de ressources et des enfants non scolarisés, ce qui serait le pire des châtiments. Outre sa formation et son expérience militaires, en plus de son patriotisme et avec un moral élevé, il est prêt à assumer son devoir et faire le maximum pour réussir sa mission sacrée. C'est une lapalissade. Voyons maintenant, dans notre armée, quelques-uns des paramètres de cette réussite qui sont demandés : A) Moral, bien-être et logement : Tant qu'il (ou elle) est célibataire et qu'il vit à la caserne ou ses dépendances (foyers, cercles, mess et logements annexes pour célibataires )la situation est acceptable. Une fois marié et qu'il a plus de responsabilités, tout change. Le militaire a besoin d'un logement pour les siens, soit dans sa garnison d'affectation avec une location à prix réduit, soit dans le cas où il est propriétaire dans sa région natale, où sa famille vit, pendant qu'il assume son devoir auprès de son unité. Cette dernière situation est plus intéressante pour la stabilité scolaire des enfants. La situation deviendra encore plus ardue quand notre armée s'organisera, je l'espère, avec des unités territoriales implantées dans les zones « chaudes » (secteurs de prédilection des terroristes ) de notre territoire national, à savoir : le Kef/Jendouba, Gafsa/Kasserine, et Dhiba/Ben Guerdane. L'OLM (Office des logements militaires) n'en fait pas assez pour satisfaire les besoins en logements militaires pour les personnels mariés des différentes catégories (hommes de troupe, sous-officiers et officiers) et surtout les hommes de troupe. Une étude, comparée avec le taux national, sur les militaires proches de l'âge de la retraite et propriétaires de leur habitation serait très instructive. Le département de la Défense est en mesure, comme il l'a fait auparavant, de trouver dans ses domaines ou d'acheter et de revendre à ses personnels des terrains pour la construction d'habitations à des prix abordables, d'une part. D'autre part, pour ce qui est de la construction de ces logements, plusieurs solutions sont possibles : soit avec un promoteur immobilier compétitif qui prendrait en charge soit des ensembles soit des quartiers, soit par la Direction du génie militaire, ce qui réduirait les prix dans les deux cas. Toutes ces solutions ont été déjà mises en œuvre pour les cadres officiers et sous-officiers il y a plusieurs décennies, et ce, pour les cités de Khaznadar/Bardo. Il y a quelques années un projet de ce genre a été élaboré mais il n'a pas eu de suite. Pour ce qui est du payement de ces logements, une combinaison de prêts à intérêts réduits ne dépassant pas le quart des salaires répondrait à cet effort (BH , Caisse Mutuelle Militaire, Coopérative de construction, accords bancaires en commun, etc.). Aussi, le fait d'être propriétaire de son propre logement, présenterait un autre avantage. Il permettrait éventuellement une stabilité de la famille surtout dans la scolarité des enfants et dans l'emploi du conjoint(e) ce qui, pour le commandement, faciliterait, dans certains cas, les affectations. B) La santé pour le militaire et sa famille : Faut-il rappeler que cet avantage est statutaire pour les militaires. Les soins — les médicaments inclus — sont gratuits. Aujourd'hui, faute d'hôpitaux militaires suffisants; il n'y en a que trois dans toute la Tunisie (Tunis, Gabès et Bizerte)ne disposant pas tous des différentes spécialités et des salles de chirurgie nécessaires , la tendance est d'envoyer à Tunis les grands malades d'où une surcharge et des rendez- vous des spécialistes de plus en plus éloignés, ce qui n'arrange ni le service (absentéisme) ni le malade. L'APC octroyé, comme à leurs collègues de la santé publique, aux médecins militaires agrégés (5 ans) et professeurs, deux après-midi par semaine, et non admis par les personnels militaires de tous grades parce que l'engagement dans l'Armée est un choix volontaire, qui a connu, selon l'expérience, beaucoup de dérapages et d'abus, dont : - Une mauvaise gestion financière : le prix de la visite ou de l'acte chirurgical étant directement payé au médecin, donc pas d'impôts, et l'hôpital n'en retirant aucun bénéfice financier; - Les médecins APCistes ont tendance à encourager la visite des patients durant ces deux séances, donc payantes, plutôt que durant les consultations normales qui sont, pour nous militaires, non payantes; - Les médecins APCistes ainsi que le personnel paramédical d'accompagnement auront tendance à quitter leur poste avant 15 heures, certains le font déjà, pour aller faire des consultations externes, et cela bien sûr au détriment des personnels militaires. - L'utilisation des équipements et du consommable militaire sans contrôle. C'est dire la nécessité de supprimer cette mesure et de la remplacer par une indemnité à définir. Il est clair d'autre part, que la liste des médicaments «hors nomenclature» et fréquemment réduite et insuffisante est un autre déficit financier pour les militaires autant d'active que retraités. C) La prime opérationnelle : Dans toutes les armées du monde, les militaires en opérations jouissent, outre leur salaire, d'une prime dite »opérationnelle » allant de 25 à 50% de leur salaire de base. Ceci marque la différence avec les « planqués » qui ne bougent pas beaucoup de leur garnison et ne changent pas d'affectation. L'avancement doit aussi tenir compte de ce sacrifice et il serait anormal que les « planqués » qui passent une grande partie de leur carrière dans la même garnison avancent dans les grades au même rythme que les combattants, et ce, quelles que soient les compétences des premiers. Bien sûr cette prime encourageante doit être étudiée de très près pour éviter et les mauvaises applications et les injustices. Dans tous les médias, sur les plateaux de TV et dans les déclarations politiques, il est avancé que nos forces de sécurité et, particulièrement l'armée, doivent être dotées de tous les moyens nécessaires (classiques et sophistiqués) pour combattre le terrorisme. Certes, s'il nous faut de nouveaux équipements et un plus grand budget pour la formation et l'entraînement des unités, il n'en faut pas moins commencer par prendre en considération les trois recommandations citées plus haut dans cet article. D'autres armées ont mis sur place un CSFA (Conseil Social des Forces Armées) ou une CCM (Commission de la Condition Militaire). Composé de militaires élus de toutes les catégories –hommes de troupe, sous officiers et officiers – des trois armées ( Terre, Air, Mer), ce conseil a pour mission de présenter une fois par an au moins et directement au président de la République , Commandant suprême des forces armées, un rapport sur la situation sociale des militaires. Certes la composition et les attributions de ce conseil seront bien déterminées. N'est- ce pas une approche juste, équitable et démocratique pour le président de bien connaître l'état social de ses troupes. En conclusion, rien ne pourra être entrepris (investissements et reprise économique) dans notre pays si le terrorisme n'est pas éliminé, si la stabilité n'est pas établie et si la sécurité n'est pas assurée.