La mobilisation contre les terroristes, là où ils se cachent, bat son plein. Les Algériens lancent une opération de sécurisation des frontières communes avec de gros moyens humains et logistiques. Les Français, les Allemands et les Britanniques proposent un soutien concret en matière de renseignement Maintenant que l'irrémédiable s'est produit et que l'attaque terroriste qu'on redoutait contre un établissement touristique en plein Ramadan est survenue causant près de quatre-vingts victimes, entre morts et blessés, on passe à l'action et à la prévention active contre le retour des semeurs de mort. Les mesures prises par le gouvernement pour sécuriser les établissements touristiques, pousser les Tunisiens à collaborer (dans le sens noble du terme) avec les forces de sécurité pour dévoiler les plans des terroristes et apprentis-terroristes avant qu'ils ne passent à l'action et pour faire en sorte que la guerre contre le terrorisme soit intériorisée dans notre conscience et dans notre comportement quotidien comme une guerre citoyenne et un devoir sacré sont enfin là : concrètes, réalisables et porteuses d'une approche multidimensionnelle. Cette approche, faut-il le rappeler, a constitué l'ambition et l'objectif principal auxquels plusieurs franges de la société politique et civile ont appelé dès les premiers jours de 2012 quand certains de nos concitoyens sont montés dans les montagnes «pour exercer du sport et soigner leur condition physique», comme l'assurait Ali Laârayedh, ministère de l'Intérieur à l'époque. Aujourd'hui, on découvre la dimension sécuritaire de la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme en attendant que nous soient révélées les dimensions culturelle, intellectuelle et éducative de cette même stratégie. L'exemple algérien Parallèlement, nos voisins algériens passent à l'action sur le terrain forts qu'ils sont de la grande expérience qu'ils ont acquise durant les années 90 du siècle précédent à l'époque où ils affrontaient les terroristes qui ont plongé l'Algérie dans le chaos et l'inconnu. Hier, les autorités algériennes ont annoncé une série de mesures dont l'objectif est de faire face avec vigueur et fermeté aux agissements criminels des terroristes sur les frontières tuniso-algériennes et pour mettre un terme définitif aux activités des contrebandiers considérés comme les alliés naturels des terroristes jihadistes. D'un coût évalué à plusieurs milliards de dollars et mobilisant quelque 25 mille soldats et officiers spécialisés dans la lutte antiterroriste (qui seront postés sur les frontières communes avec la Tunisie), la stratégie conçue par l'Algérie a le mérite d'être pragmatique où le professionnalisme et surtout la connaissance du terrain (tunisien et libyen) vont de pair avec la solidité des renseignements recueillis dans les régions mêmes où s'activent les terroristes, les recruteurs des candidats au voyage en Syrie en vue de participer au jihad ainsi que ceux qui assurent le soutien logistique aux terroristes terrés dans les montagnes. Et si les Algériens ont décidé de dépasser le stade des déclarations de soutien actif et de compassion avec les Tunisiens (les citoyens algériens promettent haut et fort qu'ils sauveront la saison touristique en Tunisie et qu'ils supplanteront les touristes européens qui ont annulé leurs réservations dans notre pays), c'est bien parce qu'ils sont plus que jamais conscients que l'heure est grave et qu'attendre que les Américains ou les Européens nous viennent en aide n'est pas la solution la plus indiquée ou la plus intelligente en ce moment grave où nous devons compter d'abord et essentiellement sur nous-mêmes. L'expertise européenne à notre disposition Le soutien algérien actif et agissant à la Tunisie n'empêche pas, toutefois, de tirer profit de l'expertise européenne en matière de lutte contre le terrorisme, plus particulièrement urbain. Cette fois, nos amis français, allemands et britanniques sont directement concernés et ils ont accouru d'eux-mêmes pour proposer leur soutien, leur expérience et leur savoir-faire aux enquêteurs tunisiens, qui cherchent à savoir comment le terroriste de Sousse a réussi son acte lâche et horrible. Dimanche 28 juin, Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, a reçu les ambassadeurs français, allemand et britannique venus discuter de la meilleure stratégie à mettre en œuvre en vue «de renforcer la coopération, notamment en matière de renseignement et de contrôle des frontières». Et les diplomates des trois principaux pays de l'UE d'annoncer que l'expertise de Londres, Berlin et Paris est à la disposition des forces de sécurité tunisiennes. Et ce ne sont plus des promesses dans l'air comme auparavant puisque déjà, des enquêteurs allemands sont parmi nous pour participer à l'enquête annoncée par le gouvernement tunisien. «L'enquête en question pourrait révéler de grandes surprises», n'a pas manqué de relever, hier, sur Mosaïque FM, l'un des conseillers de Najem Gharsalli, ministre de l'Intérieur. En attendant que l'instruction judiciaire dévoile «ces surprises auxquelles personne ne peut penser» (comme l'indique le même conseiller), Najem Gharsalli a tenu, hier, à Sousse, à l'hôtel où s'est produit le massacre terroriste, une réunion de travail avec ses homologues français, britannique et allemand. La communication, notre talon d'Achille Pour l'analyste militaire et expert en groupes jihadistes Fayçal Cherif, «la symbolique de la réunion de travail tenue à Sousse est évidente. Enfin, les Européens se mobilisent pour nous apporter le soutien qu'on leur demande depuis des années. Ils ont trop tardé à coopérer avec nous. Toutefois, il faut reconnaître que notre division ne les a pas encouragés à cibler les partenaires avec qui ils peuvent traiter. Maintenant, ils se sentent concernés par ce qui se passe chez nous et ils se trouvent obligés de nous fourmir les renseignements dont ils disposent. Il ne faut pas oublier que leurs services de renseignements sont très efficaces et qu'ils peuvent nous aider à résoudre ce grand handicap : le renseignement qui peine toujours à décoller ou même à retrouver sa vigueur et sa crédibilité du temps de Ben Ali». Et le Pr Chérif d'ajouter : «Malheureusement, la communication reste encore le talon d'Achille, entachant le crédit que l'on pourrait accorder à la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme. En ces temps de crise et de confusion, il faut savoir choisir ses mots, mesurer ses décharations et surtout rassurer le citoyen, celui dont la collaboration est sollicitée. Notre grand problème reste l'information. Mais il faut savoir la rechercher auprès des sources crédibles dans lesquelles on a confiance».