Najem Gharsalli, ministre de l'Intérieur, annonce l'arrestation de terroristes. Rafik Chelli, secrétaire d'Etat à la Sécurité, révèle le nombre des candidats jihadistes empêchés de se rendre en Syrie. Personne ne sait pour le moment ce que le gouvernement a décidé pour arrêter le phénomène ou au moins récupérer ceux qui peuvent encore l'être Au moment où Najem Gharsalli, ministre de l'Intérieur, présentait, mardi dernier, les priorités de son département pour les 100 premiers jours du gouvernement Essid expirant le 16 mai et révélait que 880 terroristes ont été arrêtés depuis le 6 février 2015, son secrétaire d'Etat à la Sécurité intérieure multipliait les apparitions audiovisuelles et les déclarations à la presse écrite pour dire que les autorités ont réussi jusqu'ici à interdire 12.000 candidats au jihad à rejoindre la Syrie ou les autres régions où s'activent les terroristes jihadistes. Les chiffres donnés par Rafik Chelli ont suscité l'attention des spécialistes et même des citoyens ordinaires qui se posent les questions suivantes : Quels sont les critères sur lesquels on s'est basé pour empêcher ces 12 mille citoyens - voyageurs de quitter le pays et qu'est-ce qu'on envisage de faire pour qu'ils ne reviennent pas à la charge à l'avenir? Ces deux questions, ajoutées à d'autres encore plus pertinentes, sont légitimes d'autant plus que Rafik Chelli s'est contenté de citer le chiffre sans donner de détails ni même préciser les pays vers lesquels les interdits de voyage se dirigeaient. Et il a fallu attendre les éclaircissements apportés par certains responsables au ministère de l'Intérieur pour comprendre que «la pratique d'interdiction est précédée d'investigations policières sur l'identité des candidats au voyage et sur leurs intentions et les activités qu'ils vont exercer une fois arrivés aux pays de destination, principalement la Turquie, point de passage vers la Syrie». Sauf que ces mêmes sources refusent de préciser si ces investigations obéissent à une autorisation judiciaire préalable ou si elles relèvent de ce qu'on appelle dans les milieux sécuritaires l'action préventive. Nous avons confiance en nos forces de sécurité Comment les spécialistes suivent l'évolution de la lutte anti-jihadiste, évaluent-ils les chiffres cités par Rafik Chelli et que proposent-ils pour que les interdits de voyages soient récupérés ou au moins mis sous surveillance continue? «Le chiffre révélé par le secrétaire d'Etat est plausible puisque déjà en novembre 2014, on nous parlait de 10 mille interdits de voyage. Il est normal que ce chiffre évolue depuis. Moi, personnellement, j'ai confiance en les forces de sécurité de mon pays. Je suis convaincu que ces décisions sont fondées sur des investigations policières sérieuses. Il est essentiel de préserver nos jeunes contre la culture de la mort et de la haine. Il faut également les empêcher de commettre des crimes dans d'autres pays. Il y va de l'image de la Tunisie qui a trop souffert de ces pratiques soutenues malheureusement par des gens n'ayant aucun sens de l'Etat», commente Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études militaires, sécuritaires et stratégiques. «Quant aux droits l'hommistes de la 25e heure qui veulent nous engager dans une fausse polémique, ajoute-t-elle, ils se trompent comme toujours de cause à défendre et leurs arguments n'arrivent plus à convaincre même les parents ou les proches des terroristes ou des candidats au jihadisme». Et s'il y avait des innocents ? «Ceux qui ont été interdits de voyage choisissent généralement la Turquie qui n'exige pas de visa, contrairement à ce que pense Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, avant que les services du ministère ne rectifient le tir. Le chiffre de 12 mille candidats est très important. Toutefois, l'on se demande : «Peut-il y avoir parmi ces voyageurs interdits de passer les frontières au moins un millier de personnes voulant rejoindre la Turquie pour affaires, ou pour poursuivre leurs études?», réplique Naceur Héni, analyste spécialisé dans l'étude des groupes jihadistes islamiques. «Personne, relève-t-il, ne peut mettre en cause la compétence ou l'expertise des forces de sécurité. Il reste tout de même que les mesures de prévention doivent être accompagnées de garanties juridiques. Il est inacceptable que des gens accomplissent toutes les formalités de voyage et soient surpris à l'aéroport d'interdiction de prendre l'avion à la dernière minute, sans être avisés auparavant. Le plus dur, c'est qu'ils ne reçoivent aucun document leur explicitant le pourquoi de la décision dont ils sont l'objet». Naceur Héni appelle à la mise au point d'une loi qui organise la liberté de déplacement des citoyens et le contrôle des personnes soupçonnées de terrorisme. «En tout état de cause, il est inadmissible qu'un citoyen soit interdit de voyage sur une simple décision administrative. Pire encore, il ne peut pas s'opposer juridiquement à cette décision puisqu'elle ne lui est pas notifiée par écrit. Dans les pays démocratiques, à l'instar des USA, même les organisations classées terroristes ont recouru à la justice et ont réussi dans certains cas à lever la classification qui leur a été infligée injustement», ajoute-t-il. Maintenant, qu'est-ce que le gouvernement prépare pour les citoyens maintenus sur le sol national (beaucoup ont été autorisés à partir, après vérification) ? «A ma connaissance, fait remarquer notre expert, le secrétaire d'Etat à la sécurité a souligné qu'ils seront mis sous surveillance sécuritaire, ni plus. Pourquoi ne pas engager un dialogue avec eux pour sauver au moins ceux qui peuvent l'être? Je suis convaincu que l'approche de lutte contre le terrorisme est toujours purement sécuritaire».