La solution n'est plus uniquement sécuritaire, elle est aussi d'ordre politique, social, économique et même cultuel. « Terrorisme entre l'international et le local : stratégies de confrontation et de prévention », tel est le thème d'une conférence internationale que le Centre d'études et de recherches économiques et sociales (Ceres) a organisée à son siège à Tunis. Récurrent, ce phénomène a, toujours, donné du grain à moudre, sans que l'on puisse en venir à bout. En l'absence d'un Etat stratège et puissant, la menace terroriste s'est propagée dans tous les pays. Un danger sans frontières, en quelque sorte. «Nourri de l'argent sale, ce phénomène nous a imposé un certain mode de vie qui nous est étranger», souligne le colonel-major Mokhtar Ben Nasr, président de la commission nationale de lutte contre le terrorisme, au début de son allocution. Sauf que nos forces armées, en coordination avec la police, sont parvenues ces dernières années à déloger l'ennemi de son fief montagneux. Mais, a-t-on réussi à l'éradiquer localement et internationalement? Non, absolument pas, répond M. Ben Nasr, arguant que le terrorisme a pris le maquis, trouvant refuge sous d'autres cieux. Et de justifier sa thèse du fait que les frappes terroristes se sont multipliées à l'échelle mondiale de mai à juin 2019, enregistrant quelque 367 attentats perpétrés par le groupe terroriste dit « Daech ». Soit, 136 opérations en Irak, 109 en Syrie, 24 au Sinaï en Egypte, 6 en Libye et 9 au Pakistan. En outre, quelle attitude adopter vis-à-vis des jihadistes tunisiens de retour des zones de conflits ? Et là, des stratégies de confrontation même à l'échelle mondiale s'imposent. Ainsi, rien ne devrait être laissé au hasard. Toujours est-il que la question du financement du terrorisme demeure d'actualité malgré la mise en place d'une stratégie arabe commune de lutte à laquelle s'ajoute la nôtre à l'échelle locale. Au terme de son allocution, M. Nasr a déclaré qu'il faut adopter un traitement global du phénomène. La solution n'est plus uniquement sécuritaire, elle est aussi d'ordre politique, social, économique et même cultuel, dira-t-il. « Arrêtons de dire, à chaque fois, que le terrorisme nous vient d'ailleurs », s'insurge-t-il. «Cela dit si l'hydre terroriste est bien réelle, ce n'est pas une fatalité», a-t-il conclu. Quatre projets de lutte en quatre ans D'ailleurs, cette conférence s'inscrit dans le cadre d'un projet de recherche fédéré, en signe de réaction à la prolifération de ce mal de société, fait savoir Mme Salma Charfi Kaddour, directrice générale de la recherche scientifique qui est venue représenter le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, M. Slim Khalbous. Intervenant dans ce sens, elle a relevé que ce projet, réalisé en collaboration avec ladite commission nationale de lutte contre le terrorisme présidée par M. Nasr, la présidence de la République et les ministères de la Défense et de l'Intérieur, comprend quatre sous-projets : un programme d'action antiterrorisme en ingénierie, détection et supervision des lieux sensibles, plateforme biométrique multimodale de prévention et projet de lutte à caractère social. Notons que ce projet fédéré en quatre axes majeurs a été financé par le ministère de l'Enseignement supérieur pour une enveloppe de 4,2 millions de dinars, sur quatre ans. «Cette stratégie de recherche multidisciplinaire pour porter ses fruits nécessite du temps», nous confie-t-elle. Terrorisme et religion Le terrorisme est-t-il enraciné dans la civilisation arabe ?, s'interroge M. Mohamed Bouhlel, chef d'unité de lutte antiterrorisme au sein du Ceres. Autrement dit, ce phénomène a-t-il des racines culturelles, en étroite liaison avec la religion ? L'intervenant le considère comme la résultante des sociétés contemporaines, voire l'effet de la modernité. Cela dit, analyse-t-il, à quel point la culture dans son aspect religieux avait, alors, impacté la conscience humaine et l'a poussée à adopter des comportements extrémistes ? Pour répondre, M. Bouhlel est parti de quatre théories dont la première invoque la religion comme cause principale de la violence, tandis que la seconde critique une telle manière de penser, la considérant comme attentatoire à la sainte religion. Ces théories, poursuit-il, étaient à l‘origine antagoniques à l'Islam, en particulier. Alors qu'il s'agissait plutôt d'un faux prétexte qui prête à des interprétations aussi fausses. D'où, déduit-il, il importe de renouveler et de revisiter la vision du monde, en s'appuyant sur le facteur social. Dans le même prolongement, le Pr. Abdellatif Hanachi s'est focalisé sur le salafisme blasphématoire (takfiriste) d'un point de vue sociologique. Kamel Ferchichi