Depuis que Ramadan a lieu en été, de plus en plus de Tunisiens se dirigent vers les plages pour la rupture du jeûne. Autrefois, pareille chose était inacceptable. De nos jours, de nombreuses familles se réunissent autour d'une table dans un restaurant pour partager le repas de Ramadan. Reportage à La Goulette, station balnéaire populaire très prisée par les Tunisiens. La Goulette, un jour de Ramadan. Il est 19h00, l'avenue Franklin-Roosvelt, située entre celle de la République et l'avenue Bourguiba, est jonchée de tables prises d'assaut par des jeûneurs venus pour l'Iftar. 19h30, il n'y a plus de place et les retardataires doivent patienter. La clientèle hétéroclite n'est pas constituée de personnes seules. Des familles entières sont réunies autour d'une table pour partager ensemble le repas de l'Iftar. Un phénomène nouveau et qui prend de plus en plus de l'ampleur ces dernières années. Briser la routine «De temps en temps, j'invite ma famille dans ce restaurant de La Goulette pour rompre le jeûne. Ça nous fait une sortie ensemble d'autant plus que le climat est propice. En plus, les prix sont abordables. Après le repas, nous irons dans un café près de la plage pour siroter un thé», raconte Adnen, accompagné de sa femme, ses deux filles, sa mère, son frère, sa belle-sœur et son neveu. Dans une autre table installée sur la chaussée, Alia, son mari et ses deux enfants sont contents de briser la routine et, surtout, de «quitter les fourneaux», précise-t-elle. «J'en ai assez de cuisiner tous les jours, ensuite de faire la vaisselle. Pour moi, aujourd'hui, c'est jour de repos, je me fais servir», admet-elle. Outre l'accueil convivial, ce sont les prix attractifs pratiqués par les restaurateurs qui motivent les gens. Sauf que « le choix n'est pas très varié », selon Alia. En effet, les restaurants proposent un « menu Ramadan », composé d'une soupe, un brick, une petite salade et un poisson (daurade ou loup) à 10, 12 ou 15 dt. Certains autres restaurants, qui disposent de plus de choix, pratiquent des prix supérieurs allant de 25 dt à plus. Ramadan en période estivale est une aubaine pour les restaurateurs qui enregistrent des records d'affluence. «Dans notre restaurant, nous servons plus de 500 plats au moment de l'Iftar», indique le gérant, ajoutant qu'il réalise un bon chiffre d'affaires grâce au nombre de plats servis et surtout aux boissons qui sont en extra. Le prix d'une bouteille d'eau d'un litre peut atteindre plus de 4 dt. Les serveurs, une dizaine, s'empressent pour servir tout le monde en même temps, ce qui n'est pas évident. «Nous servons d'abord la soupe qui est déjà prête, puis la salade et, enfin, le reste, brick et plat principal. Notre clientèle est satisfaite à la fois de la qualité du repas et du service», se réjouit Ali, un des serveurs. L'Iftar, les pieds dans l'eau Cap sur la plage, des familles apportent leur repas, louent tables et chaises, et font leur Iftar les pieds dans l'eau. «Ma sœur, son mari et ses deux enfants, ma belle-sœur, son mari et son enfant, ma mère et ma belle-mère, mon mari et mes deux enfants, venons souvent à la plage de La Goulette pour l'Iftar. Chacune de nous apporte son repas que nous partageons entre nous. C'est vraiment l'idéal, puisqu'on peut se baigner, puis après la rupture du jeûne passer la soirée», explique Saïda. A l'instar de Saïda et de sa famille, plusieurs Tunisiens fuient les restaurants parce que, selon eux, le choix est limité et puis l'hygiène est douteuse. «Le choix dépend du prix pratiqué, quant à l'hygiène, nous sommes très stricts, nous n'allons pas mettre en péril la santé de notre clientèle, cela y va de la réputation de notre restaurant», confie Adel, restaurateur. Le soir venu, les terrasses des cafés en front de mer sont inondées d'estivants. Difficile de trouver une place. Les gens affluent de partout. «Le pont Radès-La Goulette, ouvert à la circulation depuis 2009, permet un accès rapide de la banlieue sud à la banlieue nord et notamment à La Goulette qui est la localité la plus proche», fait remarquer Mondher, habitant de La Goulette. En effet, cela crée une véritable synergie tant économique que sociale et culturelle. Les veillées nocturnes sous les airs mélodiques d'Oum Kalthoum sont interminables. Elles font le bonheur des estivants après une longue journée de jeûne.