Le Front populaire n'a point hésité à dénoncer la passivité avec laquelle est traitée l'affaire de l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi. Son porte-parole Hamma Hammami, tout en faisant porter la responsabilité à la justice, est allé jusqu'à qualifier ce silence et cette passivité de «crime d'Etat» Deux ans ont déjà passé sans que l'affaire Mohamed Brahmi, leader frontiste et ex-secrétaire général du Courant populaire, assassiné le 25 juillet 2013 devant son domicile à l'Ariana, n'ait livré ses secrets. Son procès fait encore du surplace, laissant entendre que ce dossier à la traîne demeure trop politisé. Et que des responsables de l'Etat et certains hommes politiques, accusés d'avoir tourné le dos à la vérité promise, y sont impliqués d'une manière ou d'une autre. Le Front populaire n'a point hésité à dénoncer la passivité avec laquelle ce dossier a été traité. Son porte-parole Hamma Hammami, tout en faisant porter la responsabilité à la justice, est allé jusqu'à qualifier ce silence profond de « crime d'Etat », tant que les inculpés de négligence ou de discrétion courent toujours, au même titre que les vrais criminels qui sévissent, jusqu'alors, dans l'impunité. En témoigne, argue M. Hammami, l'avis du tribunal de cassation, en vertu duquel l'essentiel dans l'affaire n'est pas de savoir seulement qui exécute, mais bien au-delà, ceux qui décident, planifient et financent. Ce qui le conduit à douter que l'actuelle coalition gouvernementale n'arrive jamais à lever le voile sur ce crime terroriste survenu un certain 25 juillet, où l'on célébrait la fête de la République. Le coup d'envoi des manifestations marquant la commémoration du deuxième anniversaire de l'assassinat du martyr Brahmi vient d'être donné. Placée sous le signe « ton sang est un gage, ta mémoire un combat », cette commémoration intervient au moment où rien n'a été fait à ce sujet. Aucune partie, politique ou judiciaire, n'a osé prendre son courage à deux mains et trancher dans le vif. Mais, la famille élargie du martyr a juré de ne pas lâcher prise jusqu'à ce que justice soit rendue. Le secrétaire général du Courant aux couleurs nationalistes, M. Zouhaïer Hamdi, a relevé que le projet de société progressiste dont le martyr avait longtemps rêvé et qui lui a coûté la vie devra continuer, au grand dam des forces rétrogrades qui voudraient le faire tomber à l'eau. Et de marteler, sur un ton assuré, « la bataille se poursuit. Sa réussite est tributaire de la volonté du peuple de vaincre la nébuleuse terroriste... Car le vrai combat réside là : «entre deux projets antagoniques dont l'un défend la vie, la liberté et la démocratie, l'autre prône l'obscurantisme, au prix du sang». D'après M. Hamdi, la commémoration sera marquée par plusieurs événements. C'est ainsi que, depuis hier, mercredi, la galerie de l'Information à l'avenue Bourguiba abrite une exposition documentaire retraçant l'épopée de la vie militante de Brahmi. Aujourd'hui et demain, deux colloques internationaux se tiendront, au centre-ville de Tunis , le premier sur « le terrorisme et les exigences de la conjoncture arabe », le second aura pour thème « l'union des forces progressistes arabes ». Deux événements majeurs auxquels seront conviés des personnalités de renom et des experts dans le domaine de lutte antiterroriste. Sans pour autant oublier l'installation, dans la capitale, d'une tente géante d'animation. Samedi, fête de la République, qui rappelle aussi l'assassinat du martyr Brahmi, aura lieu un grand rassemblement populaire au Palais des congrès à Tunis, prévu en fin d'après-midi , après le recueillement au cimetière du Jellaz, où une gerbe de fleurs sera déposée sur la tombe du martyr, en hommage à son âme et à sa mémoire. Congrès national sur la lutte contre le terrorisme Revenant sur l'affaire Brahmi, M. Hamdi était de l'avis de Hamma Hammami : on a l'impression qu'il y a une volonté politique visant à enterrer le dossier, sans faire preuve de sérieux dans le jugement des coupables, tels Ali Laârayadh et Lotfi Ben Jeddou, en leur qualité de ministres de l'Intérieur sous le règne de la Troïka. Il a fini par dire que le gouvernement Essid, dont Ennahdha fait partie intégrante, continue à faire la sourde oreille, consacrant l'impunité dans toutes ses illustrations. Mais, conclut-il, le Front est là, il y reste. De son côté, M. Mohamed Saâd, président de la Fondation Brahmi, a révélé qu'une vaste initiative civile et culturelle antiterroriste sera annoncée à l'occasion de cette deuxième commémoration. Le but étant d'unifier les rangs autour des concepts et définitions uniques et bien clairs du phénomène. Il s'avère très utile de savoir, plus que jamais, ce que c'est le terrorisme, qui est le terroriste et comment lui faire face. Cette initiative serait, selon lui, le prélude à un congrès national sur la lutte contre le terrorisme, afin de pouvoir concevoir une stratégie en la matière. Ce phénomène ne sera éradiqué qu'à la faveur d'une approche multidimensionnelle susceptible de traiter ce mal dans sa globalité. « Et ce n'est pas avec des ventres creux et des cervelles vides, ni dans le cadre de l'état d'urgence non plus, qu'on pourrait le combattre, mais plutôt avec des réformes approfondies et sérieuses touchant l'économie informelle, la fiscalité, la sécurité et bien d'autres secteurs », soutient Hamma Hammami. Ajoutant qu'il est d'accord sur la réconciliation économique au sens vrai du terme, mais pas sur la manière préconisée récemment par Béji Caïd Essebsi. Il y voit, plutôt un coup dur porté au système de la justice transitionnelle et un détournement d'attention sur les hommes d'affaires corrompus.