Le congrès national des intellectuels contre le terrorisme qui devra se tenir demain au Palais des congrès, a cristallisé depuis le début les aspirations et déterminations des intellectuels tunisiens, mais pas seulement. Tous les producteurs de sens, universitaires, journalistes, acteurs de la société civile, ont été interpellés et appelés à s'unir en un seul front pour combattre le terrorisme. Les travaux préparatifs de cette manifestation qui se veut à la fois champ d'étude et force de propositions pratiques, ont commencé depuis près d'un mois. Et, depuis le lancement, notre journal y a pris part, d'abord par la publication d'avant-papiers annonçant l'événement et par une contribution thématique qui s'est attachée à étudier le discours religieux et la formation des prédicateurs dans notre pays, et ce, en vue de l'élaboration du manifeste final qui sera lu demain. L'initiative des intellectuels mobilisés contre le terrorisme a été lancée par le trio Habib Kazdaghli, Raja Ben Slama, Abdelhamid Larguèche, soutenus par un parterre d'intellectuels et personnalités publiques comme Hamadi Redissi, Dalenda Larguèche, Habib Malekh et bien d'autres. Les intellectuels s'auto-évaluent «Nous nous sommes interpellés, nous autres intellectuels, producteurs d'idées, agitateurs, déclare à La Presse le doyen de la faculté de la Manouba, Habib Kazdaghli, et avons constaté qu'à chaque fois qu'il y a crise et attentats qui endeuillent le pays, les intellectuels font quelques déclarations ici et là, mais restent en deçà de l'événement», a-t-il regretté. « Nous avons senti qu'il y a un déficit de notre part et qu'il faut agir de manière concrète et organisée». C'était hier avant la tenue de la conférence de presse au siège du syndicat des journalistes. «Après Le Bardo et Sousse, a-t-il encore analysé, il faut mettre en place une stratégie relayée en deux temps, le court et le moyen termes. Nous considérons que ce congrès des intellectuels sera une étape d'un grand projet et de cette stratégie». Parmi les autres annonces faites à La Presse, qui concernent cette fois-ci le domaine de la recherche, nous apprenons qu'à la rentrée seront lancées à la faculté de la Manouba, deux nouveaux Mastères, le premier concerne le champ religieux «Etude comparée des religions» le deuxième se penchera sur l'étude du genre. «Parce qu'on parle d'égalité homme-femme couramment mais dans la réalité, on en est bien loin», conclut le doyen. La femme tunisienne a protégé le pays Le choix de la date du 12 août, la veille de la fête nationale de la femme, est lourd de sens. Le combat de la femme tunisienne à travers la société civile et les institutions a été relevé et mis à l'honneur par plusieurs intervenants. Raja Ben Slama a expliqué, au cours de son intervention, le positionnement des forces vives et intellectuelles en cette étape décisive de l'histoire du pays : «Nous avions l'habitude d'intervenir individuellement dans la vie publique. Cette fois nous avons senti la nécessité de nous réunir dans un corps non pas syndical ou professionnel mais politique et intellectuel». L'universitaire Raja Ben Slama ajoute qu'un manifeste a été fait à partir d'un travail collectif d'une trentaine de personnes. Le slogan adopté du rapport est « une éthique de l'action et de la responsabilité». Il sera présenté dans quatre langues : arabe, français, anglais et italien. Nous devons nous poser la question et essayer de comprendre, enchaîne l'intellectuelle, «comment est produite la culture du terrorisme et où sont nichés dans les institutions et les départements publics les noyaux qui continuent à produire la culture du terrorisme et à l'encourager»? Le terrorisme est un phénomène global, alimenté par une idéologie, en mesure de mobiliser et d'instrumentaliser à son avantage le web et la force de l'image, définit Abdelhamid Larguèche en réaction à quelques questions, pour ajouter que les intellectuels ont toujours été présents sur la scène publique, puisque «tout le lexique politique a été proposé par les intellectuels, comme la plupart des initiatives. Que les politiques adoptent les démarches et écartent leurs auteurs, c'est une autre paire de manchès», a-t-il accusé en souriant. L'universitaire a salué au passage l'apport concret des associations féminines qui sont partie prenante de ce mouvement national en train de prendre forme. Pour le dire clairement, entonna-t-il, «il ne faut pas aller par quatre chemins, ce sont les femmes qui ont défendu le pays ces quatre dernières années». C'est un sursaut et une prise de conscience de la part de têtes pensantes tunisiennes à travers un mouvement qu'elles veulent national mais également régional. Des invités des pays voisins seront présents demain au Palais des congrès. Egalement, les membres de l'exécutif, les partis politiques, les députés ont tous été conviés. Les intellectuels entendent élaborer une stratégie, la faire valider par le congrès et la soumettre ensuite aux décideurs. Parce que oui «au commencement était le verbe», un domaine où ils excellent et leur champ de prédilection, mais une grande figure intellectuelle dénommée Goethe a dit aussi : «Au commencement était l'action». Il faut dire au final, pour leur rendre justice, que si on avait écouté les intellectuels depuis 2011 et 2012, on n'en serait pas là aujourd'hui.