Par Brahim OUESLATI Le 11 septembre de chaque année, le monde entier vit sous la crainte d'attentats terroristes. Cette date coïncide, en effet, avec l'anniversaire de l'attaque la plus meurtrière de l'histoire qui a frappé, en 2001, au cœur, la plus grande puissance mondiale, les Etats-Unis d'Amérique. Quatre avions détournés par 19 terroristes, qui se trouvaient à bord, ont visé des bâtiments symboliques du pays, les tours jumelles du World Trade Center (WTC) à Manhattan (New York) et le Pentagone, siège du Département de la Défense à Washignton. Les deux tours, symboles de la puissance économique du pays, ont été complètement anéanties. Le bilan est très lourd. Il s'est soldé par près de 3.000 victimes et plus de 6.000 blessés. L'Amérique a mal Les Etats-Unis ont connu des précédents depuis l'attentat contre leur ambassade à Beyrouth en avril 1983, qui avait coûté la vie à une soixantaine de personnes. Leurs ambassades ont été les cibles d'attaques meurtrières. Au mois d'août 1998, deux attentats simultanés à la voiture piégée contre l'ambassade US à Nairobi, au Kenya, faisant au moins 213 personnes dont 12 Américains, et un deuxième contre l'ambassade américaine à Dar Essalem, en Tanzanie, qui a fait 11 victimes et blessé 85 personnes. A Benghazi le 11 septembre 2012, l'ambassadeur américain a trouvé la mort dans une attaque contre le consulat général américain. Trois jours après, soit le 14 septembre, l'ambassade américaine à Tunis a été attaquée par une foule de gens qui ont détruit et brûlé meubles, voitures et autres effets. L'attaque s'est soldée par la mort de quatre assaillants. Mais ce sont les attentats du 11 septembre 2001 qui ont provoqué un traumatisme effroyable chez les Américains. Car, au-delà d'un très lourd bilan, ils ont été gagnés par un sentiment d'humiliation imprégnée d'impuissance face à la force de frappe des terroristes. « Le pays a toujours mal », selon le président américain Barack Obama. Une phrase qui résume le sentiment de tout un peuple. Les attentats du 11 Septembre ont, également, sonné comme une onde de choc dans le monde entier et aucun Etat ne se sent, désormais, plus à l'abri du fléau terroriste. Ces déclarations qui augmentent l'angoisse La Tunisie, qui a réussi tant bien que mal sa transition, n'est pas du reste. Elle vit, aujourd'hui, sous la menace terroriste. Elle fait face depuis plus de quatre ans à une progression inquiétante de la nébuleuse jihadiste, responsable de la mort des deux dirigeants politiques, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, et de plusieurs dizaines de soldats et de policiers. Les attentats meurtriers du Bardo, le 18 mars, et de Sousse, le 26 juin, qui ont fait une soixantaine de victimes parmi les touristes, ont démontré la vulnérabilité de notre système sécuritaire, et mis la pression sur les forces sécuritaires et sur l'armée, lesquelles, avec plus de 70 martyrs, ont déjà payé un lourd tribut. Les informations distillées par des responsables sécuritaires sur la découverte de plans d'attaques terroristes et l'éventualité d'attentats terroristes sont de nature à semer le trouble et à créer une phobie chez les Tunisiens. Le secrétaire d'Etat à la sûreté, Rafik Chelli, a révélé que certains bâtiments publics, dont le siège du ministère de l'Intérieur et des prisons à l'intérieur du pays, seraient l'objet de menaces terroristes. Tout comme l'interdiction de la circulation sur l'avenue Habib-Bourguiba pour des raisons de sécurité et le refus d'autoriser les marches contre le projet de loi relatif à la réconciliation économique, prévues samedi 12 septembre, en raison de fortes menaces terroristes. Ces déclarations relayées et commentées par les médias ajoutent à la crainte des citoyens et augmentent le sentiment d'insécurité. Même si la vigilance est de mise et que les mesures de sécurité sont renforcées, la peur gagne de plus en plus les Tunisiens. La confiance, la clé du vivre-ensemble Cette angoisse est perceptible partout. Elle se trouve augmentée par les rumeurs colportées dans les réseaux sociaux, avec un mélange de manipulations émotionnelles aggravant la peur et la panique du terrorisme qui pourrait frapper n'importe quand, n'importe où et n'importe qui. Les révélations de responsables syndicaux sécuritaires à propos de la libération par la justice d'individus soupçonnés d'être impliqués dans des actes terroristes ne feraient que semer le doute dans les esprits. Ainsi que cette guerre larvée entre policiers et magistrats, attisée par des déclarations, souvent intempestives, de part et d'autre. Tout cela en l'absence de réactions et d'interventions des autorités de tutelle pour apaiser la situation. Il n'est pas plus grave, dans un pays fragilisé à tous les niveaux, que la perte de confiance dans les institutions, la justice, la police, l'armée, l'administration... Ce sentiment de doute répercuté par une certaine élite politique et qui gagne une frange des Tunisiens ne fait qu'affaiblir l'Etat. Tout comme cette atmosphère d'insurrection qui se profile à l'horizon et cet esprit de défiance de la loi et de remise en cause de son autorité. La confiance est la plus importante « clé du vivre-ensemble » dans un pays en phase d'apprentissage démocratique.