Le problème est qu'on ne crée pas des municipalités par un simple claquement de doigts. L'Etat doit mettre la main à la poche. La volonté politique ne suffit pas L'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a organisé une rencontre réunissant plusieurs chefs de partis politiques de l'opposition comme de la majorité en présence de M. Habib Essid et de quelques membres de son gouvernement. Au menu, l'épineuse question des élections locales. Au tout début de la rencontre, la question que se posait l'opinion publique était : quand allaient être organisées les élections locales ? D'emblée, le chef du gouvernement l'affirme : une de ses missions est de faire en sorte que les élections locales se déroulent avant la fin de 2016. Mais la volonté politique dans ces questions ne suffit pas. Tous les intervenants s'accordent à dire que les élections locales sont parfois plus compliquées à mettre en place que les élections nationales. En effet, des élections de ce type nécessitent une grande part de technicité. L'Isie, responsable directe de l'organisation de ces élections, n'a pas attendu les politiques pour commencer à travailler sur la question. Rétroplaning Munie d'un rétroplaning détaillé, le président de l'Isie, Chafik Sarsar, a déclaré que selon les calculs de l'instance, les élections pourraient être tenues à la fin du mois d'octobre 2016 si toutefois la loi électorale relative aux scrutins locaux était promulguée au plus tard le 4 avril de la même année. Selon le rétroplaning, qui prend en considération les jours fériés et autres procédures légales qui prennent du temps, il faudrait en gros 387 jours entre la date de dépôt du projet de la loi électorale et la proclamation finale des résultats. Le souci, c'est que pour mettre en place ces élections qui affectent directement la vie des citoyens, il faudrait faire face à des défis de taille. A la tête de ces défis, le respect de l'article 131 de la jeune constitution qui dispose que l'ensemble du territoire tunisien doit être « municipalisé ». Or, selon le directeur général des collectivités locales Mokhtar Hammami, 30% du territoire national ne dispose pas de municipalité. Tout comme l'Isie, le ministère de l'Intérieur n'a pas chômé. Mokhtar Hammami a indiqué que 4 équipes ont travaillé sans relâche depuis 2 ans pour essayer de proposer des pistes aux preneurs de décisions. Ces équipes ont parcouru le pays de long en large pour tenter de voir dans quelle mesure l'Etat peut créer des municipalités. Bilan fiscal La création de nouvelles municipalités permettra à des milliers de citoyens d'accéder à des services plus proches et plus personnalisés. Ils ne seraient plus obligés de parcourir plusieurs kilomètres pour un extrait de naissance par exemple. Mais le problème, c'est qu'on ne crée pas des municipalités par un simple claquement de doigts, comme le souhaiteraient plusieurs de nos concitoyens, qui demandent de disposer d'une municipalité à chaque fois qu'un micro leur est tendu. Pour créer de nouvelles municipalités, il faudra bien évidemment que l'Etat mette la main à la poche. Mais les régions concernées ne sont pas forcément celles qui créent le plus de richesses. Pour l'Etat, le bilan fiscal serait donc négatif dans ce cas, puisque les contribuables dans ces localités paieraient moins d'impôts que le coût des prestations. L'alternative Est-il dans ce cas opportun de créer ces municipalités ? C'est la question à laquelle a tenté de répondre les équipes de travail du ministère de l'Intérieur. Dans certains cas, le ministère de l'Intérieur prône la création de nouvelles municipalités. Ils seraient, selon le directeur général des collectivités locales, au nombre de 38. Dans d'autres cas, le ministère préfère proposer d'annexer 186 localités à des municipalités limitrophes. Dans certains autres cas, l'augmentation du nombre d'arrondissements municipaux pour rapprocher les services des citoyens. Une disposition qui concernerait 56 municipalités. Les calculs politiques Les Tunisiens attendent beaucoup de telles élections, mais la part politicienne pourrait prendre le dessus et provoquer l'ajournement de ces élections. La question est en effet parfois politique, en témoigne l'attitude de l'Isie face aux journalistes, qui les a purement et simplement invités à quitter la salle, lorsqu'est venu le tour des partis politiques de réagir. En tête des préoccupations politiciennes, le mode de scrutin. Se fera-t-il à la proportionnelle (avec les plus hauts restes) comme cela a été le cas pour les élections de l'assemblée, ou bien, comme semble le préférer le ministre de la Justice, mixte (une partie à la proportionnelle et une autre à la majorité). Le Front populaire, représenté dans la salle par le stratège Riadh Ben Fadhl, pose directement son veto. Il faut dire que dans ce cas, les grands partis pourraient tout rafler.