«fût-il bien intentionné», affirme la ministre française de la Justice Christiane Taubira : «Nous devons mener ce combat contre le terrorisme sans renoncer à nous-mêmes, conformément à l'Etat de droit. Nous ne sommes pas disposés à renoncer à nos droits et à nos libertés» La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, a tenu hier un discours à l'auditorium de l'Institut français de coopération autour du thème «Lutte contre le terrorisme et Etat de droit». Connue pour la force de ses «speechs» et pour l'usage pertinent des références littéraires, la ministre a plaidé en faveur de la préservation des droits et libertés comme l'une des armes de lutte contre les messagers de la mort. «Nous devons mener ce combat sans renoncer à nous-mêmes, conformément à l'Etat de droit. Nous ne sommes pas disposés à renoncer à nos droits et à nos libertés», a-t-elle martelé devant Abada Kéfi (président de la commission de législation générale à l'ARP), et Jalel Ghedira (président de la commission de l'organisation de l'administration et des affaires des forces armées), assis au premier rang. Pour elle, «pas question de céder à la tentation de la revanche facile». Lors de son intervention d'une bonne trentaine de minutes, la garde des Sceaux a notamment qualifié d'«imbéciles» ceux qui, en France, voudraient rétablir la peine de mort pour les terroristes. «Ces gens-là ne demandent que ça, c'est de l'imbécillité que de vouloir les menacer avec la peine de mort», dit-elle. Dans l'Etat de droit que défend Taubira, il n'y a pas de place à l'arbitraire, «fût-il bien intentionné». Ayant défendu à l'Assemblée la loi très controversée sur l'information (qui permet de collecter des métadonnées sur les citoyens), la ministre de la Justice soutient que la réponse ne peut pas être que sécuritaire. Selon elle, les inégalités, l'injustice, l'exclusion sociale sont autant de pistes qu'il faudrait explorer pour essayer de comprendre le phénomène et saisir son ampleur. A ce titre, elle rappelle à quel point le patriot act mis en place par les Etats-Unis au lendemain des attentats du World Trade Center, il y a 14 ans, a été un véritable échec et comment la division simpliste du monde entre «axe du mal» et «axe du bien» a fini par ébranler le monde dans son intégralité. Elle rappelle également un fait historique, celui vécu par la France au 19e siècle lorsque l'Etat avait fait face à des attentats anarchistes. «L'Etat à cette époque avait promulgué des lois scélérates comportant des définitions très larges du mot anarchiste, rappelle-t-elle. Ce jour-là, la France a perdu une partie d'elle-même». La loi sur l'information, elle en est consciente, est décriée par une grande partie de la société civile française comme une loi liberticide. Pour elle, c'est de bonne guerre, la société civile doit rester vigilante, engager des procès et saisir le conseil d'Etat si nécessaire, afin qu'il y ait une jurisprudence capable d'éviter que l'on touche à la vie privée des citoyens. «La surveillance est dérogatoire au droit, mais il faut être conscient qu'il y a eu des écoutes par le passé et elles étaient illégales, aujourd'hui c'est transparent et dans le cadre du respect de la loi». La visite de Christiane Taubira en Tunisie n'était évidemment pas que protocolaire. La ministre de la Justice française a signé avec son homologue tunisien un certain nombre de conventions portant sur la coopération judiciaire. L'accord de coopération de 1982 a, selon Christiane Taubira, été modifié. Jusque-là cet accord prévoyait des échanges d'informations «par voies diplomatiques», ces échanges se feront directement entre les autorités judiciaires compétentes. En outre, des accords de coopération ont été signés, notamment pour la formation de magistrats et pour l'accompagnement dans la création d'un pôle antiterroriste. Le pôle antiterroriste français a été créé en 1986. K.B.S.