Par Samira DAMI Les portraits en noir et blanc des regrettés Tahar Cheriaâ, fondateur des JCC (Journées cinématographiques de Carthage), et de Ousmane Sembène, cinéaste sénégalais, l'une des figures emblématiques du cinéma africain, détenteur du Tanit d'or aux premières JCC en 1966, avec «La noire de...»; orneront l'affiche de la 26e édition des JCC qui se tiendront du 21 au 28 novembre. L'affiche a été créée et montée à partir de deux photos, celle de Tahar Cheriaâ appartient à une collection privée du réalisateur Férid Boughdir, tandis que celle d'Ousmane Sembène est l'œuvre du photographe américain John Kirch. En bons amis, tous deux portent une barbe, ont le sourire aux lèvres et la pipe à la bouche, le fondateur des JCC étant légèrement en avant-plan. Cette affiche incarne le parti pris de l'attachement aux principes fondateurs des JCC dont l'enjeu consiste à mettre en avant les cinématographies de l'Afrique et du monde arabe. Ce qui leur confère une identité unique et tout à fait singulière d'autant que les JCC représentent la première manifestation du genre dans le monde arabe et africain. L'attachement aux fondamentaux du festival, lors de cette session, est reflété à travers la création du prix Tahar Cheriaâ de la première œuvre aussi bien dans le genre fiction que documentaire, outre l'hommage au Fespaco (Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou) où seront programmés les 24 longs métrages ayant raflé la récompense suprême, soit les «Etalons d'or». Identification aux maîtres Le choix de l'affiche n'est pas fortuit, mais découle directement, selon Brahim Letaïef, directeur de cette 26e édition des JCC, «d'une étude de stratégie de com auprès d'un échantillon de cinéphiles et de non cinéphiles, dont le résultat prône le retour à l'espace arabe et africain et aux deux cinématographies». D'où l'identification appuyée de cette session des JCC aux deux militants et maîtres des cinémas arabe et africain. En fait, des maîtres à penser qui ont tant œuvré pour la promotion de ces cinématographies que ce soit à travers la réflexion, l'écrit et/ou l'image. Ainsi les beaux esprits se rencontrant, si l'on peut dire: Tahar Cheriaâ a fondé un festival favorisant une cinématographie à l'identité spécifique et un cinéma d'auteur en rupture avec le cinéma dominant et commercial. Ousmane Sembène, lui, s'est trouvé en phase avec ces partis pris d'un cinéma à la fois identitaire et d'auteur véhiculant, à l'image de son premier long-métrage «La noire de...», tiré de son roman «Voltaïque», une vision libre et personnelle du monde, un regard pénétrant sur sa société et un style particulier. Voilà qui augure que les JCC dont certains ont appelé à changer l'identité et leur spécificité, en ouvrant la compétition à d'autres cinématographies, asiatiques, européennes, américaines, etc. Mais n'oublions pas que les JCC ont été toujours ouvertes (et le demeureront — sur ces cinémas-là — à travers plusieurs sections panoramas, hommages et autres), mais les englober dans la compétition fera perdre à coup sûr aux JCC leur singularité et leur âme. D'où l'intérêt de l'attachement à la philosphie, aux partis pris et aux idéaux défendus par Cheriaâ et, par ricochet, l'intérêt et l'importance de l'affiche de la 26e édition des JCC. S.D.