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L'opinion laïque et le tandem Nida-Ennahdha
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 09 - 2015


Par Hatem M'RAD*
Même si le pays se stabilise de proche en proche, malgré les défis et les quelques désordres épars, certains laïcs de droite, de gauche et du centre en Tunisie et à l'étranger, sont encore et toujours révoltés, voire choqués, par l'association Nida-Ennahdha au gouvernement, qui, faut-il le dire, n'est pas une alliance fondée sur un programme commun, mais une association gouvernementale forcée, tenant compte des rapports de force et tendant à stabiliser les défis et les dangers de la transition.
Certes, ce n'est pas la première fois que des partis opposés et contraires s'associent ou s'allient. Pour prendre un exemple récent, en Grèce, l'alliance passée il y a quelques mois entre le mouvement radical de gauche Syriza d'Alexis Tsipras (qui réunit déjà plusieurs partis de gauche, comme Al-Jibha) et le parti de droite des Grecs indépendants, était déjà contre-nature. Et certains militants de gauche grecs ont été révoltés par cette « trahison ». Cette « trahison » va même se reproduire après la nouvelle victoire aux législatives anticipées de Syriza de dimanche dernier. Mais, là en Tunisie, c'est pire. Réunir ensemble laïcs et islamistes, est-ce pensable ? Même une partie des nidaistes a crié à la trahison. Même les conservateurs et traditionalistes d'Ennahdha n'en voulaient pas. On n'imagine pas Ellouze ou Chourou, partisans de la chariâ et du califat, applaudir des deux mains cette association avec des libéraux laïques. Pourtant, à eux deux, Nida et Ennahdha représentent 70% des sièges, 154 sièges sur 217, les trois quarts du Parlement et 2.200. 000 voix sur 3.500.000 votants effectifs.
Toutefois, ces chiffres peuvent être réévalués ou réinterprétés encore à la lumière des tendances post-électorales. Curieusement, les sondages ne se sont jamais intéressés à l'opinion des déçus de ce tandem laïco-islamiste après les élections. Les démocrates de tous bords, qu'ils aient voté ou non en faveur de Nida et de Caïd Essebsi, ne sont pas tous convaincus par cette association avec le Diable. Les déçus d'Ennahdha sont plus disciplinés et contraints de taire leurs différences et de suivre les consignes du cheikh. Les déçus de Nida, quelques militants et quelques électeurs, considèrent, eux, après coup qu'ils ont été dupés par Nida et par Essebsi lors des élections. Pour eux, Essebsi a dissimulé son intention d'associer Ennahdha au gouvernement, même s'il a bien laissé entendre pendant la campagne qu'il ne l'exclut pas, car tout dépendra des résultats respectifs des uns et des autres.
Nida est un parti réformiste, laïque et libéral, ne peut pour eux s'associer avec les partisans de l'islam politique. Même les femmes, les grandes électrices de Nida et d'Essebsi, rejettent l'idée même de ce tandem. Par contre, le milieu des affaires ne s'en offusque pas, loin s'en faut. Pour eux, paix politique, paix économique et paix sociale sont inextricablement liées. Les travailleurs ne semblent pas intéressés par la question, tant qu'elle n'a pas d'impact sur l'emploi et les questions sociales.
La déception est surtout le fait des catégories instruites et conscientes : les démocrates laïques. Ces laïque ne veulent pas adorer ce qu'ils ont déjà brûlé. Ils veulent toujours avoir bonne conscience. Ils réclament une politique propre, pure, à l'image de leurs consciences individuelles, encore sous l'effet de l'effervescence révolutionnaire. Ils croient à ce qu'ils souhaitent et non pas à ce qui est. Ils veulent toujours de la morale en politique, durant la transition et même en temps de crise grave. Que les responsables politiques aient pour devoir d'être réalistes, pour que les objectifs soient réalisables, pour que le gouvernement soit effectif, ce n'est pas leur premier souci, ni ce qui détermine leurs choix. L'expérience de la Troïka est un fait, l'expérience électorale de 2014 aussi.
Il faut dire aussi que, prenant le contre-pied des démocrates laïques, plusieurs chancelleries et organisations internationales ont vivement souhaité, et recommandé même, l'association Nida-Ennahdha. Dans un rapport intitulé « The Reckoning Tunisia's Perillous Path to Democratic Stability » daté d'avril 2015, le think tank américain Carnegie Endowment for International Peace, proche du Département d'Etat américain, a recommandé, après les élections de 2014, l'option défendue par la diplomatie américaine durant le printemps arabe : l'association des forces opposées et la main tendue des laïcs aux tendances islamistes modérés. Question de stabilité, de sécurité et d'intérêt régional et stratégique. Il se trouve que l'intérêt des Occidentaux peut coïncider ici avec l'intérêt de la majorité au pouvoir et du gouvernement, qui ne cherchent pas autre chose par les temps présents.
De fait, après les élections de 2014, le changement de situation a entraîné un changement d'optique. L'action politique, on le sait, ne peut être linéaire, elle est même le contraire. Elle cherche à régler les conflits et faire des compromis. Lorsque la nature des conflits et des compromis change, la politique doit s'y adapter à son tour, au risque de devenir elle-même paralysante et incompréhensible. Ce n'est ni une optique de droite, ni une optique de gauche, ni même une optique islamiste. Ennahdha elle-même cherche à se métamorphoser au regard de la nouvelle donne politique. L'arrogance majoritaire sous la troïka n'est plus de mise. Minoritaire, elle doit désormais survivre pour pouvoir se reconstituer. Ennahdha est toujours une force, mais une force qui ne gouverne pas tout à fait, institutionnellement parlant, malgré son association au gouvernement. Même s'il a son mot à dire.
Cette association, issue des résultats des dernières élections législatives, illustre les nouveaux rapports de force. La question qui se pose alors vraiment, et qui nous intéresse ici, est la suivante: est-ce que Nida Tounès aurait pu faire autrement ? Evaluer la réalité électorale est une chose, avoir bonne conscience en est une autre. On aimerait bien que les laïcs disent clairement, autrement que par des diatribes incompréhensibles ou par des rejets puérils, comment Nida Tounès aurait pu gouverner la Tunisie actuelle sans cette association et, surtout, comment, eux, les laïcs, intellectuels progressistes ou démocrates contestataires, auraient fait sur le plan pratique et politique s'ils étaient à la place de Nida et s'ils avaient des responsabilités?
Soyons honnête. Al-Jibha (Front Populaire), 4e parti représentant une quinzaine de députés, et premier parti de gauche en Tunisie, avait à l'époque, on s'en souvient, fait défection après avoir été membre du Front du salut national avec les autres forces laïques. Elle avait son propre agenda politique. Sa stratégie du « Non », que tout le monde ne cesse de condamner jusqu'à ce jour, a qu'on le veuille ou pas, payé quelque peu. C'est elle qui lui a permis de progresser depuis sa constitution en 2012 et de devenir le 4e parti parlementaire (presque 3e parti ex-aequo avec l'UPL), en tout cas, le premier parti de gauche du pays. D'autant plus qu'Al-Massar a été laminé aux législatives, qu'Ettakatol n'a pu fonder un véritable courant social-démocrate dans le pays et que le CPR, de centre-gauche, était lié à des pratiques douteuses (salafistes, Ligues, Qatar).
C'est encore la défection d'Al-Jibha qui a poussé Nida dans les bras de l'UPL, nouveau parti apparu soudainement autour d'un richissime sulfureux, ne représentant aucun courant historique ou culturel dans le pays. Jibha ne voulait pas officiellement s'associer avec trois partis libéraux (Afek, Nida, UPL) et un parti islamiste défendant avec ostentation la finance islamique et suspecté dans l'assassinat de Nagdh, Belaid et Brahmi. Sa base ne l'aurait pas compris. En pratique, le « Non » d'Al-Jibha lui laissait les coudées franches. C'est de bonne guerre. Al-Jibha est aujourd'hui fière d'incarner à elle seule l'opposition, à juste titre d'ailleurs (comme pour la manifestation sur la loi de réconciliation). Ce qui explique son effervescence tous azimuts et même son agressivité verbale. Il vaut mieux comprendre que condamner à la légère.
Ensuite, Nida ne pouvait pas s'allier avec le CPR, qui a obtenu 4 sièges. Marzouki, séditieux en fin de « règne », est devenu plus impopulaire que Ghannouchi le rusé, qui avait, lui, la force de s'autolimiter dans cette conjoncture de tous les dangers. Mais, personne n'est dupe sur la capacité manœuvrière de Ghannouchi, toujours influent derrière les rideaux. Al-Moubadra (3 sièges), après avoir trop hésité, a refusé de rejoindre Nida. Il était gourmand, alors qu'il n'avait pas les moyens de négocier. Le Courant démocratique (3 sièges) n'en voulait pas non plus. Les autres partis avaient tous un siège chacun, ne pouvaient être d'aucune utilité au gouvernement.
Faute d'appui auprès des laïcs, de gauche surtout, et ne pouvant pas céder le pouvoir ou refuser de gouverner après que les électeurs lui ont surtout fait confiance, Nida s'est rabattu essentiellement sur Ennahdha, 2e parti du pays, représentant environ 32% des électeurs. C'est mathématique. Ennahdha ne demandait pas tant, il est vrai, pour se refaire une santé, voire pour procéder patiemment à sa conversion démocratique officielle, ordre du jour d'un prochain congrès, qui s'annonce décisif. Outre qu'il recherchait à tout prix l'impunité.
L'association avec Ennahdha est pour l'instant utile, elle a contribué à calmer le pays, alors que l'association précédente de celle-ci dans la troïka, avec les partis de gauche, a agité le pays. Bien sûr, Ennahdha cherche à être sur tous les fronts, gêner en douce les laïcs et Nida, dans les mosquées, sur la question jihadiste ou sur les nominations aux postes clés et rester en même temps associée au gouvernement et à « l'ami » Essebsi. Bien sûr, Nida cherche par cette association à gagner des points en faveur de la stabilité, de la sécurité, de la croissance économique et des investissements. Les deux partis semblent bien « d'accord sur leurs arrière-pensées », comme disait de Gaulle. Mais pour l'instant, au vu de la configuration des forces politiques et des défis, ils semblent condamnés au mariage de raison.
*(Professeur de science politique. Université de Carthage)


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