Dans le cours des événements qui fâchent, ayant défrayé la chronique politique, le Front populaire, trois ans déjà dans l'opposition, se manifeste, aujourd'hui, plus que jamais, déterminé à faire changer le mode de gouvernance dans le pays. C'est ce qui ressort des récentes déclarations de son porte-parole, Hamma Hammami, une des figures de proue de cette coalition gauchiste, lors d'une conférence de presse tenue hier matin à Tunis, dans la foulée des festivités marquant le 3e anniversaire de sa création, à l'initiative de son père fondateur, le martyr Chokri Belaïd, dont l'assassinat fait encore du surplace depuis le 6 février 2013. La célébration de cette année a été placée sous le signe « Fidélité aux martyrs et attachement à la découverte de la vérité ». Vue d'emblée comme une pause du combattant, la conférence d'hier s'est livrée à une évaluation à mi-parcours du bilan du Front au terme de ces trois ans d'omniprésence sur la scène nationale. Des années charnières de transition démocratique déjà qualifiées de difficiles. Et le porte-parole d'ajouter que cet anniversaire vient à point nommé pour rappeler que les leaders frontistes n'ont pas changé de bord, gardant les mêmes attitudes et positions à l'égard d'un règne post-révolution en deçà des attentes. D'autant plus, a-t-il souligné, qu'ils ont encore les yeux ouverts sur ce qui pourrait arriver, à cause d'une formation gouvernementale « hybride et rétrograde » incapable de gérer les affaires courantes de l'Etat. Ce statu quo persistant sur fond de tiraillements et mutisme à n'en plus finir a laissé traîner les choses, au risque de conduire le pays droit au mur. Ce qui veut dire que rien n'a été réalisé, jusqu'alors, pour le bonheur de ce peuple, évoque-t-il. Alors que le Front, d'après lui, n'a pas manqué, à chaque fois, de dénoncer toutes sortes de dérives et pointer du doigt les abus de pouvoir, du temps de la Troïka à celui de l'actuelle coalition conduite par deux partis, à deux vitesses, à savoir Nida et Ennahdha. Son rôle, estime-t-il, n'est plus de démontrer dans la reconfiguration de la carte politique dans le pays : forte présence au sit-in du Départ au Bardo, la chute du gouvernement de la Troïka, le refus de la constitution du 1er juin 2013 et l'adoption de celle du janvier 2014. Sa position face à l'état d'urgence, à la réconciliation économique et financière et à la lutte antiterroriste est aussi claire : on pèse le pour et le contre, commente-t-il. « Nos trois ans d'édification difficilement passés n'ont pourtant pas caché nos actions d'appui, nos vives réactions prises dans l'immédiat, mais aussi la justesse des choix pour lesquels nous avons opté fermement», défend-il. Mais, une chose est sûre, de son point de vue, le Front qui était, au départ, en proie au doute, a pu sortir de l'ornière, grâce à son militantisme et ses sacrifices, mais aussi à la faveur de l'union de ses composantes. « Le Front y est, il existe encore, ayant à son actif une expérience digne et salutaire dans les différentes phases transitoires que connaît le pays au lendemain du 14 janvier », se félicite-t-il. Le conférencier a souligné que bien que le Front ait subi, aux côtés des forces démocrates progressistes, un échec cuisant lors des dernières élections, cela ne l'a pas empêché d'être le leader de l'opposition et la troisième voie sur l'échiquier politique. Par ailleurs, le porte-parole vient d'annoncer que le Front populaire s'apprête à tenir, dans les plus brefs délais, sa troisième conférence nationale, dès que ses rendez-vous régionaux prendront fin. « Nous allons aborder l'étape suivante avec beaucoup plus d'assurance et de conscience, mettant en avant une vision politique commune sur les défis majeurs de l'avenir. Nous avons, d'ailleurs, entamé nos discussions portant sur l'aspect structurel et organisationnel du Front», affirme-t-il. L'objectif est de lui permettre de prendre de l'ampleur, afin de renforcer son impact à une large échelle. Surtout que le calendrier du gouvernement Essid et les prévisions de l'Isie tablent sur la possibilité d'organiser les élections municipales d'ici la fin 2016. D'où l'importance pour le Front de s'y préparer convenablement, comme l'a relevé son porte-parole. Du reste, dans son communiqué rendu public mercredi 7 octobre à l'occasion de la commémoration de sa fondation, le Front s'est étalé, dans un discours mobilisateur à l'adresse de ses sympathisants, sur la responsabilité qu'il devrait assumer afin de concrétiser les revendications de la révolution populaire. Et il se pose, ainsi, comme « garant du salut du pays et la réalisation des objectifs de la révolution ». C'est là un semblant de campagne électorale prématurée en prélude aux prochaines élections locales.