L'adoption ou la proposition d'une série de projets de loi jugés non constitutionnels, aux antipodes des revendications de la révolution, explique les raisons du mouvement de colère exprimé par les frontistes Le Front populaire, principale formation de l'opposition au Parlement, où son leader influent, Mongi Rahoui, assure la présidence de la commission des finances, démarre la rentrée politique en donnant des signes avant-coureurs d'une crise à l'horizon. A vrai dire, une montée en puissance face à ce qu'il appelle les forces contre-révolutionnaires. Le ton a été donné hier lors d'un séminaire de réflexion annonçant les prémices d'un franc conflit avec les deux partis coalisés au pouvoir : Ennahdha et Nida Tounes, et intitulé « le processus révolutionnaire entre réalité des dérives et possibilité d'évolution», organisé par le Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU) à l'occasion du troisième anniversaire de sa naissance, initiative de son père fondateur, le martyr Chokri Belaïd assassiné le 6 février 2013. «On se lève pour la Tunisie» Sa fameuse phrase «qu'on se lève tous pour la Tunisie» a été, à l'occasion, reprise telle une rengaine sur les lèvres des militants frontistes et leurs sympathisants, constituant ainsi un mot d'ordre d'une nouvelle révolte déclarée contre toute velléité de retour en arrière. Célébration qui intervient, cette année, dans la grisaille de la mémoire d'un certain 14 janvier qui fut relégué aux oubliettes de l'histoire, n'en restant, alors, qu'un point lumineux dans les ténèbres de la chronique politique. M. Zied Lakhdhar, secrétaire général du Ppdu a lancé, à l'ouverture des travaux, que les choses devraient changer, afin de rattraper le temps perdu. Quoique cette manifestation s'annonce préparatoire au congrès du parti attendu dans les mois à venir, son secrétaire général n'a pas caché l'intention d'aller droit à l'escalade si le gouvernement ne revient pas à la raison. Et ce séminaire, a-t-il ajouté, se veut une pause de réflexion sur les moyens de lutte contre les vieux démons rétrogrades et les pistes d'avancement vers la réalisation des objectifs de la révolution. «Cet après-midi, lance-t-il, une réunion politique doit se tenir à l'initiative du Front populaire, où les forces démocrates progressistes seront appelées à tendre la main et à s'unir pour faire avancer le processus révolutionnaire...». La coalition fait cavalier seul D'après lui, cette forte détermination à aller de l'avant ne saura se concrétiser que par deux options militantes : soit par la voie du débat à l'hémicycle, soit, s'il le faut, par la ruée vers la grande mobilisation populaire. Les raisons d'un tel mouvement s'expliquent, en fait, par l'adoption d'une série de projets de loi jugés non constitutionnels, aux antipodes des revendications de la révolution. C'est pourquoi, à entendre tous les militants intervenants parler des droits violés, de la révolution confisquée et de l'Etat volé. Ou, tout bonnement, la fin du règne de la deuxième République, du temps d'un pouvoir remis en cause. Cette image d'un Etat en faillite s'est traduite par une politique tremblante, mais aussi des décisions contreproductives. Mongi Rahoui, leader de l'opposition au Front, semble, lors de son intervention, avoir haussé le ton, menaçant de descendre dans la rue, en représailles aux troubles dans la conduite politique et aux dérives du processus révolutionnaire. Cela s'explique, selon lui, par les projets de loi adoptés pêle-mêle, à une majorité parlementaire qui n'en fait qu'à sa tête. Sans même prendre la peine de prêter oreille à un autre son de cloche. Cela étant, une coalition au pouvoir fait cavalier seul. Conséquence : autant des projets de loi forcés n'ont cessé de créer polémique dont le dernier en date porte sur la réconciliation économique. Toute initiative législative n'a pas manqué de laisser planer le doute sur des desseins malsains et des contre-vérités camouflées qui ne font que blanchir la corruption et tolérer l'impunité. Mustapha Kalaï, militant chercheur politique, a mis l'accent, dans son allocution, sur le rôle «d'avant-garde» du Front dans la mobilisation de la rue, témoignant, ici, de son opposition à la Troïka et au grand sit-in du départ au Bardo qui a fini par destituer le gouvernement Laârayedh, un des présumés impliqués dans l'assassinat de Belaïd et de Brahmi. Le Front serait encore rude et plus acharné contre les deux partis majoritaires au gouvernement Essid. Dans ce sens, M. Rahoui appelle les forces démocratiques à se réunir autour du Front pour gagner l'enjeu de l'étape : faire tomber les masques des soi-disant bâtisseurs de la deuxième République.