Par Hmida BEN ROMDHANE Dans une tentative d'absorber la colère des Palestiniens et d'éviter une troisième Intifada, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, s'est résolu à interdire à ses ministres et aux membres du Knesset de programmer des visites provocatrices à l'esplanade des mosquées. Il est peu probable que cette décision aboutira aux résultats escomptés par les autorités israéliennes, c'est-à-dire la soumission des Palestiniens à l'occupation et la reconnaissance des faits accomplis. Cette nième révolte de la jeunesse palestinienne contre l'occupation et les interminables exactions qui en découlent prouvent, encore une fois, que le rêve israélien de voir les faits accomplis acceptés et la « soumission pacifique » des Palestiniens assurée, est un rêve proprement irréalisable. En effet, cela fait près d'un demi-siècle qu'Israël occupe les territoires palestiniens, multiplie les colonies, encourage et facilite l'installation des colons, à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, et dépense les milliards en armements pour que son armée oblige les Palestiniens à accepter par le fer et le feu le fait colonial. Mais face à l'obstination israélienne d'imposer la colonisation, il y a l'obstination des Palestiniens qui, génération après génération, refusent le fait colonial et réclament le droit à récupérer les territoires occupés et à ériger un Etat indépendant. De 1967 à 1992, les Palestiniens ont essayé la lutte armée pour décoloniser leurs terres et construire leur Etat. L'échec de cette stratégie s'explique par la capacité d'Israël et de ses alliés occidentaux, les Etats-Unis en particulier, à travestir la résistance armée des Palestiniens et à la présenter aux yeux du monde comme une série d' «actes terroristes» contre un peuple qui venait d'être «sauvé in extremis de l'holocauste». Le souvenir de l'holocauste et le sentiment de culpabilité de l'Occident seront systématiquement utilisés pour contrer toute pression qui tend à obliger Israël à revenir aux frontières du 4 juin 1967. De 1992, date des accords d'Oslo, et jusqu'à ce jour, les Palestiniens ont essayé la stratégie de la négociation, espérant que la communauté internationale fasse les pressions nécessaires pour qu'Israël accepte la décolonisation. 23 ans plus tard — en dépit des dizaines de conférences et de symposiums et des centaines de « réunions conjointes » — la situation coloniale est pire aujourd'hui. Tout se passe comme si plus les Palestiniens font des concessions, plus Israël redouble d'arrogance. La bonne volonté de l'Autorité palestinienne et sa prédisposition à coopérer avec Israël, allant jusqu'à faire le travail de la police pour le compte de Tel-Aviv, n'a pas empêché les autorités israéliennes de mener des guerres meurtrières, tuant et mutilant les Palestiniens et détruisant leurs maisons et leurs infrastructures vitales. Il faut dire que les Palestiniens, par leurs divisions et leur lutte intestine pour le pouvoir, ont aidé de manière significative Israël à persévérer dans son arrogance et son intransigeance. Car enfin, on est en droit de se demander qu'ont récolté les Palestiniens de cette futile rivalité pour le pouvoir entre Ramallah et Gaza qui persiste depuis 2007, sinon de donner l'occasion à Israël de se frotter les mains, de jubiler, et surtout de renforcer les gouvernants israéliens dans leur conviction qu'un peuple divisé ne peut pas imposer la décolonisation. Il a fallu 23 ans pour que l'Autorité palestinienne soit convaincue enfin que le pouvoir qu'elle exerce depuis 1996, date du retour en Cisjordanie des chefs palestiniens de leur exil, est un pouvoir factice que le militarisme agressif d'Israël a vidé dès le départ de tout contenu effectif. Avec du recul, on ne peut que mesurer l'ampleur de la futilité de cette rivalité inter-palestinienne pour un pouvoir factice et l'ampleur des dégâts politiques et diplomatiques causés à la cause palestinienne. Aujourd'hui, une nouvelle stratégie palestinienne s'impose. Peuple et dirigeants doivent s'unir pour engager de nouveau une lutte pour la décolonisation, en recourant à tous les moyens dont dispose le peuple palestinien, y compris une troisième intifada qui pourrait être la bonne. Le second axe de cette stratégie serait diplomatique et mettrait l'accent sur la dénonciation continue et sans répit du soutien massif et aveugle que les Etats-Unis ne cessent d'apporter à Israël. Pendant les soixante dernières années, Israël a engrangé 250 milliards de dollars déboursés par le contribuable américain. Et bien que ses citoyens jouissent d'un niveau de vie bien supérieur à celui de millions de citoyens américains, Israël continue de profiter de cette manne. L'année dernière, 3,1 milliards de dollars ont été déboursés au profit de Tel-Aviv, sans compter les allocations pour «la recherche et les manœuvres militaires communes». C'est cette aide militaire et financière massive et le soutien diplomatique permanent dans les arènes internationales qui doivent être dénoncés de manière tout aussi permanente jusqu'à la décolonisation des terres palestiniennes. Il ne faut rater aucune occasion pour crier haut et fort que l'aide politique, financière et militaire américaine à Israël se dresse, depuis près d'un demi-siècle comme un obstacle majeur à la paix dans la région et comme une récompense annuelle, que les Etats-Unis offrent à Israël pour sa répression féroce et ses guerres meurtrières contre un peuple désarmé, qui ne demande qu'à vivre en paix sur le terre de ses ancêtres.