Par Jawhar CHATTY «Le Nobel, un succès pour la démocratie tunisienne», titre en éditorial le journal Le Monde. Au fronton de la une de Libé et en pleine page, cette inscription aux couleurs de la Tunisie : «Prix Nobel de la paix... Tunisie, tiens bon !». Cela résume tout. Notre préférence va toutefois à la formule de Libé parce qu'elle a, nous semble-t-il, le mérite à la fois de souligner la fragilité de la jeune démocratie tunisienne et de pointer du doigt ce qu'elle a encore d'inachevé. Le prix Nobel de la paix 2015 vient consacrer la réussite de la «transition politique» en Tunisie. Un exploit en effet pour un petit pays plongé dans une région pour le moins en ébullition, le seul où souffle encore une légère brise dudit «printemps arabe». Un pays surtout livré à lui-même et qui a dû ne compter que sur lui-même face aux promesses non tenues du G7 et de tous ceux qui ont été prompts à s'enthousiasmer pour sa révolution. Mais cet exploit n'est pas une fin en soi. Il ne vaut et ne vaudra en fin de compte que par ce qu'il ouvre et ouvrira la voie à d'autres exploits : l'enracinement de la démocratie en Tunisie et la consécration de ce qui est propre à l'immuniser et à la rendre pérenne. La démocratie sans prospérité n'a en effet aucun sens. Tout comme la liberté et les droits de l'Homme n'ont aucun sens sans justice et sans progrès social, et le demeureront ainsi aussi longtemps que l'édifice démocratique restera fragile. Le pays est en récession. L'économie est déclaré en «récession technique» et pourtant la classe politique continue à s'épuiser dans des débats stériles. On terminera vraisemblablement l'année 2015 avec une croissance de -1%. De quoi ne pas pouvoir nourrir et entretenir longtemps la flamme de l''espoir suscitée par le prix Nobel de la paix. Les réformes, pourtant impérieuses, semblent faire peur plus à ceux qui sont tenus de les engager qu'à ceux qui sont supposés les subir. La transition économique est devenue un pâle mot alors même qu'une fois engagée et réussie sera la véritable grande réussite de la Tunisie post-révolution. La grande et véritable réussite de la démocratie.