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La réforme la plus importante : le système éducatif
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 10 - 2015


Par Mansour MOALLA
La Tunisie, les Tunisiennes et Tunisiens, à l'aube de l'Indépendance, étaient marginalisés par le système du Protectorat.
En effet, l'effectif scolarisé, à tous les niveaux (primaire, secondaire et supérieur) ne comprenait que 259.000 élèves ou étudiants dont 226.700 dans le primaire, 31.000 dans le secondaire et seulement 2.140 dans le supérieur dont 564 Tunisiens seulement. En 2010, les effectifs globaux totalisent 2.533.965, soit 11 fois plus. Ils comprennent 1.086.600 dans le primaire, soit environ 4 fois plus et ce qui est encore plus significatif, 967.708 dans le secondaire soit plus de 30 fois plus, et enfin 346.079 dans le supérieur, soit environ 160 fois plus.
Autre aspect positif : alors que la moyenne des élèves par classe était en 1965-66 de 32 à 35 élèves dans les cycles de l'école de base et celui de l'enseignement secondaire, le nombre a été réduit en 2010-2012 à un niveau compris entre 22 et 26 élèves par classe. Cette amélioration concerne également le nombre d'élèves par enseignant qui, entre 1986 et 2011, a baissé de 30,7 à 17,5 pour le premier cycle de l'enseignement de base (primaire) et de 19,6 à 12,7 pour le 2ème cycle de l'école de base et le secondaire.
Les insuffisances et leur coût
Cet effort extraordinaire n'a pas été sans présenter quelques aspects négatifs, dont notamment un taux de redoublement du primaire et du secondaire de 16,4% en 2007-2008 et un taux d'abandon de 11,5%, soit au total 27,9% de «déchets», pour employer un terme d'usine, ce qui explique que malgré les progrès accomplis, le taux d'analphabétisme, qui était énorme en 1966 (70,1%), reste en 2009 encore trop important. A cette même année, 27,7% de la population étaient analphabètes et 33,1% avaient un degré d'instruction s'arrêtant au primaire, soit donc au total 60,2% entre analphabètes et primaires et il ne reste que 40% qui ont le niveau du secondaire (27%) ou du supérieur (13%). Autre donnée à signaler : l'effectif étudiant (362.000 en 2009) suivra encore en grande majorité des études dans les matières littéraires, juridiques, économiques et médicales (218.363), soit 60%, et seulement 141.809, soit 40% étudient dans les matières scientifiques et techniques.
Le baccalauréat reste une source de faiblesse du système : le pourcentage moyen des admis, toutes sections confondues, est de 59% des candidats, ce qui signifie qu'il y a ainsi 40% d'échec qui se chiffre à environ 50.000 élèves, ce qui peut être considéré comme un échec du système. Ces chiffres concernent l'évolution des 5 années de 2005 à 2010.
La faiblesse du «rendement interne» et les «déchets»
Au fur et à mesure de l'évolution du système, on va s'apercevoir des insuffisances principales qu'il y a lieu de corriger comme celles qu'on vient d'indiquer pour le baccalauréat qui laisse beaucoup trop de «déchets», ce qui est un gaspillage de ressources et une marginalisation des jeunes pour lesquels des montants importants ont été dépensés durant 12 à 14 ou 15 années d'études. Cette énorme faiblesse du «rendement interne» du système éducatif avait fini par être considérée comme normale tellement l'héroïsme dans ce domaine consistait dans l'aptitude du système à éliminer ceux qu'on appelait les «cancres». C'est ainsi qu'au début des années 1970, étant ministre du Plan, j'ai fait ressortir dans le IVe Plan les chiffres effrayants démontrant la gravité de la situation.
C'est durant ces années que l'on a pu constater cette grande faiblesse du «rendement interne» qui était alors considéré «normalement» comme une grande «prouesse» du système éducatif. Plus on «élimine», plus on est considéré comme sérieux.
Les chiffres ont fait leur effet : au cours des années 1970, on a «découvert» ce qu'on ne voulait pas voir, que l'enseignement «primaire» dégageait chaque année 90.000 «déchets» du fait des renvois, des abandons et surtout des échecs au concours de 6ème année d'accès à l'enseignement secondaire. Que deviennent les 50.000 éliminés au baccalauréat et les 90.000 du primaire ? Ces éliminations étaient bizarrement considérées comme le prix de la qualité du niveau de la formation dispensée. On avait aussi constaté que le cycle secondaire enregistrait 30.000 abandons par an et que seulement 22% des effectifs terminent leurs études secondaires, 13% en obtenant le baccalauréat et 9% un diplôme technique. L'examen de l'année 1990 de l'enseignement primaire et secondaire a montré que les «abandons» et «déchets» se montent à 146.000 personnes, alors que les scolarités normales et les succès s'élèvent seulement à 106.000 personnes : en économie, on appelle cette situation la «faillite», faillite tragique si l'on considère l'aspect humain, les souffrances et le désespoir qu'elle engendre.
En ce qui concerne la Tunisie et beaucoup d'autres pays, le système éducatif peut continuer ses dégâts dont les frais financiers sont supportés par l'Etat et par la communauté nationale. En effet, les déchets et abandons ont un coût excessif qui ne semble pas inquiéter outre mesure ceux qui gèrent un tel système. Il a été calculé en effet pour l'année 1990 que le coût effectif (compte tenu des redoublements, abandons, renvois et autres déchets) d'un élève qui réussit à l'examen de sixième année pour entrer en secondaire est égal à 2,4 fois son coût s'il n'y a pas de déchets et que l'élève termine sa scolarité en 6 ans. Ce surcoût a été calculé pour un bachelier «normal» : il est égal à 4,3 fois son coût théorique (sans déchets) et enfin le coût effectif d'un maîtrisard est égal à 3,1 fois son coût théorique (sans déchets). Que de gaspillage! Ce sont ces surcoûts qui devraient disparaître ou se réduire comme tentent de le faire nombre de pays à l'avant-garde dans ce domaine comme la Finlande, le Japon et la Corée du Sud notamment.
La réforme du système
Cette réforme a fini par s'imposer, l'alerte ayant été sonnée par le ministère du Plan dès le début des années 1970. On ne peut pas imaginer l'état d'inconscience dans lequel vivait le pays à cet égard. Il est vrai qu'il s'agit de la réforme la plus difficile à réaliser, comme l'a souligné vigoureusement le texte du IVe Plan (1973-1976). Cette réforme doit avoir un double objectif majeur : contribuer au développement économique et notamment à la création d'un certain nombre d'emplois répondant aux besoins du pays et en second lieu former un homme nouveau, créateur, intégré, ambitieux et capable de mener sa propre promotion et de contribuer à celle de l'ensemble de la société. La transmission du savoir au moyen de «l'enseignement» est importante mais celle de la promotion de l'homme l'est encore plus. On n'apprend pas en effet que durant les 20 premières années qui suivent l'enfance (12 de l'école de base, 4 de l'enseignement secondaire et 4 ans d'enseignement supérieur). On apprend toute la vie et surtout dans la vie active durant plus ou moins un demi-siècle. Il est donc primordial que le futur adulte devenu agent actif économiquement et socialement puisse durant ces vingt années «d'apprentissage», apprendre à «apprendre», c'est-à-dire réfléchir, décider et agir. S'il en est ainsi, il peut compléter son savoir, ce qu'il ne peut de toute évidence acquérir en totalité au cours de la vie active. Encore faut-il qu'il ait été éduqué durant sa scolarité pour pouvoir apprendre à acquérir et enrichir le savoir sans avoir de «professeur».
C'est du reste l'idée centrale qu'ont développée les systèmes éducatifs d'avant-garde comme celui, entre autres, de la Finlande, dont on reparlera, qui assignent au professeur une telle mission en incitant l'élève à apprendre par lui-même : ce maître devient un guide et un conseiller pour ne pas étouffer l'élève et lui laisser le soin de découvrir le savoir et ses capacités d'assimilation.
La réalisation de ce double objectif est évidemment difficile. Le principal obstacle a toujours résidé dans la difficulté de faire coopérer le monde de l'éducation et celui de l'économie. Comme l'a dit le texte du IVe Plan (page 23) : «la synchronisation entre les flux de production du système éducatif et les besoins du système économique est une des questions les plus difficiles qui puissent exister dans la conduite d'une planification efficace du développement économique. La planification de la croissance économique devient aléatoire au-delà d'un horizon à moyen terme, étant donné la rapidité des progrès technologiques et la versatilité des phénomènes économiques. La planification de l'éducation ne peut donner des résultats probants qu'à long terme ! On peut cependant rapprocher au maximum les deux secteurs éducation et économie, inviter l'une à accepter de se soucier des besoins du développement économique et à adapter ses programmes en conséquence et la seconde à mieux étudier et préciser ses besoins dans tous les secteurs en potentiel humain et les catégories de formation qui lui sont indispensables pour évoluer et progresser.
L'appel lancé par le IVe plan à ce sujet n'a pas eu de suite malheureusement, ayant moi-même quitté le gouvernement en 1974, et les responsables de l'Education se considérant comme «souverains» à cette époque et n'acceptant guère cette intrusion de l'Economie et du Plan dans leurs «attributions». Mais la graine était semée.
Elle parviendra à «germer» et à produire au début des années 1980 et à l'occasion de l'établissement du VIe plan (1982-1986), moi-même étant revenu en tant que ministre du Plan et des Finances à un gouvernement de «salut public» en avril 1980 à la suite du «coup de Gafsa», la Tunisie étant devenue un «trou» comme le dira Bourguiba lui-même. On a pu ainsi, profitant de la conjoncture, entreprendre une action de «salut public» pour sauver un système éducatif qui s'enfonçait dans l'inefficacité.
Le «système» était alors divisé en deux départements ministériels, celui de l'Instruction publique couvrant les cycles primaire et secondaire et celui de l'enseignement supérieur s'occupant des universités et autres institutions appartenant à ce secteur. Les deux départements semblaient s'ignorer et se critiquer mutuellement, le premier, celui de l'Instruction publique, reprochant au second, celui de l'enseignement supérieur, de lui livrer des maîtres «mal formés» et le second répondant que la qualité des bacheliers qui lui étaient fournis est loin d'être satisfaisante étant incapables de suivre avec succès l'enseignement supérieur. On a réussi néanmoins à créer une commission, ce genre d'organisme fait d'ordinaire pour «enterrer» le problème, qui fera aboutir avec l'appui de chef du gouvernement de l'époque, Mzali, qui a été ministre de l'Education, une réforme importante, la création de l'école de base.
L'école de base : une grande innovation
Cette école répondait donc à une nécessité fondamentale : ne pas éliminer du circuit éducatif des dizaines de milliers d'enfants à un âge précoce, à la fin de l'enseignement primaire et du fait de l'examen d'entrée au collège établi à la fin de la sixième année de scolarité. Ces dizaines de milliers n'avaient pas encore, à la fin du «primaire», atteint le minimum de connaissances leur permettant d'entrer dans la vie, «ainsi désarmés» ils allaient vite oublier ce peu qu'ils ont acquis et être marginalisés. Aussi fallait-il ne pas interrompre leur formation à ce stade et à cet âge (12-13 ans) et leur permettre de compléter leur apprentissage afin de rendre irréversible qu'ils ont appris et ne pas retomber dans l'analphabétisme.
L'école de base est censée être le minimum qu'un jeune doit acquérir quel que soit son devenir. On a donc intégré dans le système de l'école de base les trois premières années de ce qui était le premier cycle de l'enseignement secondaire. Celle-ci va donc comprendre 9 années de formation jusqu'à l'âge de 15-16 ans, âge de l'ancien «brevet élémentaire».
On espère qu'ainsi mieux armé, le jeune pourra affronter la vie et ne pas être livré au chômage et à la marginalisation même dans le cas où il ne peut pas continuer ses études après les 9 années de l'école de base.
Je découvrirai plus tard en m'intéressant continuellement au système éducatif, clef de tous les progrès, que nous avons adopté l'idée de l'école de base quelques années avant la Finlande, en 1982, et l'application du système en même temps en 1989-90. Cette novation sera reprise par d'autres pays qui avaient donné la même priorité au système éducatif dont notamment le Japon et la Corée du Sud. Il semble donc acquis que l'école de base est le premier socle de tout système éducatif rationnel, soucieux de réduire les défauts du système antérieur de «l'école primaire». Je lis, en effet, dans un document publié en 2011 par le ministre du Développement régional et de la Planification que «l'introduction de la réforme de l'enseignement de base... avait porté ses fruits et l'on assiste à une baisse soutenue du taux de redoublement qui passe de 25% en 1985-1986 (avant l'école de base) à moins du tiers, soit 6,8% ainsi que le taux d'abandon qui est descendu de 6,4% en 1985-1986 à 1,6% «actuellement». Ce progrès contraste avec l'évolution du cycle secondaire de 4 ans qui suit l'école de base et qui a connu une évolution «normale», c'est-à-dire qui ne progresse guère, le taux de redoublement y étant demeuré «stable», de 15 à 20%, et le taux d'abandon s'étant aussi « stabilisé » à 10%. On dira plus loin quelle a été la réforme proposée pour le cycle secondaire qui se situe après l'école de base.
Il reste que la comparaison avec la Finlande montre que des perfectionnements notables doivent intervenir dans le système de l'école de base et sa pratique pour lui conférer plus d'efficacité.
Le système tunisien de l'école de base est resté une juxtaposition de l'ancien cycle primaire de 6 ans et des trois premières années de l'ancien cycle de l'enseignement secondaire. Alors que dans le système Finlandais, il s'agit d'un nouveau système intégré et continu de 9 ans où il n'y a pas d'examen de passage, où le redoublement, proscrit par la loi, devant être très exceptionnel et accepté par la famille. Ce système permettait à l'école de base en Finlande de garder 99,7% de ses élèves jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire de 16 ans. Les élèves suivent le même enseignement et les mêmes cours de 7 à 16 ans et se retrouvent en classe par classe de la même tranche d'âge sur 9 ans. Il n'y a pas d'examen de passage. Les élèves «faibles» sont pris en charge par le professeur pédagogique, pilier du système qui parvient à faire progresser les élèves faibles et leur éviter le redoublement ou l'abandon : une lutte efficace contre «les déchets» au coût excessif. Il n'y a d'examen final qu'après les 9 ans de l'école de base. Il est délivré à l'élève un certificat après accomplissement du cycle de 9 ans de l'école de base qui lui permet d'accéder au lycée pour entreprendre l'enseignement du cycle secondaire. Il y a 4.000 écoles de base en Finlande pour une population de l'ordre de 5 millions d'habitants. Elles sont gérées par les communes, au plus près de la population, communes qui sont au nombre de 450.
Au cœur de l'école de base en Finlande : l'élève et le professeur
L'idée qu'un élève heureux, épanoui, libre de se développer à son rythme pourra acquérir plus aisément les savoirs fondamentaux, est devenue une réalité même si elle pouvait apparaître comme une utopie. La création d'un environnement chaleureux et accueillant supprime la différence entre l'école et la maison. L'élève est partout chez lui. La taille modeste des établissements (300 à 400 élèves) de l'école de base y contribue. Il règne une grande familiarité au sens élevé du terme avec un grand respect mutuel. La punition est exceptionnelle. Il règne une autodiscipline remarquable.
Des élèves heureux et épanouis deviennent ainsi des élèves actifs et impliqués. Le professeur n'est pas là pour tout faire, il organise et aide les élèves à apprendre en utilisant les moyens disponibles depuis les livres jusqu'aux ordinateurs et à la télévision. De 7 à 13 ans, le cursus est le même pour tous. A partir de 13 ans, il y a des matières optionnelles avec un choix très varié, du sport, au dessin, à la musique... Jusqu'à 9 ans, les enfants ne sont pas «notés». Ils sont «évalués» pour la première fois à cet âge de façon non chiffrée puis plus rien jusqu'à 11 ans. L'acquisition des savoirs fondamentaux peut ainsi se faire sans le stress des notes et des contrôles et sans la stigmatisation des élèves qui sont plus lents. Chacun va pouvoir progresser à son rythme sans intérioriser le sentiment de déficience, voire de «nullité» qui produira tant d'échecs ultérieurs. Cette image de soi dégradée fait que pour beaucoup d'élèves, les premiers pas sur le chemin de la connaissance sont générateurs d'angoisse et de souffrance. Les notes chiffrées n'apparaissent qu'à l'âge de 13 ans. Ces notes vont de 4 à 10, les zéro et les 1, 2 et 3 sont écartés parce que trop bas. A 4, l'élève doit recommencer la matière concernée. De 5 à 9, différents niveaux de perfection, perfection symbolisée par le chiffre 10.
Le sens psychologique va donc jusqu'aux gestes symboliques comme le fait d'écarter le zéro symbole trop évident d'échec total.
Le professeur est aussi au centre du système finlandais avec un réel prestige et un recrutement exigeant. Les class «teachers», équivalents des instituteurs pour les niveaux 1 à 6 de l'école de base, doivent avoir le diplôme de fin d'études secondaires et les «subject teachers» spécialisés dans une discipline pour les niveaux 7 à 9 doivent avoir le Master dans leur discipline et surtout deux ans d'études à la faculté d'éducation, ce qui est très important. Ils disposent d'une liberté pédagogique totale. Ces professeurs ne se limitent pas à la seule transmission des connaissances : ils sont en outre chargés de la surveillance des couloirs et de la cour, participent aux conseils de classe, aux groupes de travail par discipline, aux tâches disciplinaires, aux relations avec la famille...
Le système finlandais de l'école de base montre la meilleure manière de réduire le coût financier du système éducatif en concentrant les moyens disponibles sur la formation de l'élève et du citoyen de demain et en évitant toutes les dépenses qui n'ont pas de lien avec cet objectif majeur. C'est ainsi par exemple qu'il n'y a pas de corps d'inspection dont l'existence est contraire à l'essentiel du système éducatif : la liberté, l'autodétermination et la responsabilité. Il n'y a pas non plus de frais d'entretien : l'école, ses couloirs et ses locaux sont nettoyés par les élèves et les professeurs : il n'y a donc pas de service d'entretien. L'école est comme la maison. Elle est entretenue par ses propres occupants. On poursuit ainsi tous ces frais où l'abus et la facilité peuvent s'introduire et alourdir les coûts. C'est probablement pourquoi l'enseignement en Finlande est gratuit y compris les livres et le repas chaud. Cette gratuité peut être réduite ou supprimée demain, l'école de base et l'ensemble du système éducatif étant bien implantés et bien acceptés. Du reste, la réduction quasi-totale des redoublements, renvois et abandons a largement contribué à la réduction du coût du système éducatif. Le problème ne réside pas dans le montant de la dépense publique mais dans la manière d'utiliser les fonds, de bien les utiliser, de ne pas les gaspiller dans les «déchets».
La première tâche d'un responsable de l'Education en Tunisie est de calculer le montant des dépenses imputables aux «déchets» et ce, d'autant plus que l'on assiste depuis le règne du successeur de Bourguiba et depuis aussi la révolution à une dépréciation du système éducatif et à un «Commerce parallèle» qui ne peut qu'accentuer la baisse de niveau, l'absence de civisme, la détérioration du sens de la responsabilité et la perte de la considération et du respect dont bénéficiaient les maîtres éducateurs. Il n'y a plus d'éducation. Il y a une « vente » du savoir devenue une marchandise.
Comment, en effet, ne pas être indigné par ce qui se passe avec l'enseignement «parallèle» institué par les heures supplémentaires qui rendent trop coûteux, surtout pour les familles modestes, un système légalement gratuit pour lequel l'Etat dépense des montants considérables. Plus grave encore, ces familles ne pouvant supporter de telles dépenses sont «puni», leurs enfants exposés aux «mauvaises notes» pour les contraindre à «payer». Et même les plus modestes entre eux finissent par le faire pour avoir la paix. Je le sais parce que j'ai aidé de telles familles à ne pas exposer leurs enfants à la dictature de l'argent. Dans le même sens, le régime déchu du dictateur, par souci de propagande et de recherche de la popularité à bon compte, a cru possible d'introduire, sans précaution suffisante, la moyenne scolaire dans la notation du baccalauréat à hauteur de 25% de son montant, ce qui a poussé à la course à la moyenne, à l'aggravation des heures supplémentaires, à la «marchandisation» du système éducatif. On est loin de «l'esprit» et de l'objectif de l'école de base tel qu'il fonctionne en Finlande et ailleurs (Japon, Corée du Sud) et tel qu'il aurait dû fonctionner en Tunisie.


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