On a beau évoquer les progrès technologiques accomplis durant ces dernières décennies, l'intelligence artificielle, la digitalisation, la guerre des datas, les découvertes scientifiques, la future conquête de la planète Mars mais voilà qu'un virus est venu remettre l'homo sapiens à sa juste valeur, celle d'un tellurien incapable de faire face à la menace du Covid-19. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, les chercheurs se sont orientés beaucoup plus vers la découverte des armes de destruction massives et se sont livrés à une course effrénée à l'armement que vers la lutte contre les maladies et les épidémies qui ont frappé et frappent encore l'humanité. «Notre amour sans doute était toujours là, mais, simplement, il était inutilisable, lourd à porter, inerte en nous, stérile comme le crime ou la condamnation», écrivait le grand Albert Camus dans son roman La Peste, publié en 1947. Il n'y a pas mieux pour décrire plus de 70 ans après, un monde désenchanté où l'humanité se déshumanise de plus en plus. Depuis le mois de décembre dernier, date de l'avènement de ce virus maudit qui ne fait que rendre plus hermétiques les frontières, les chercheurs ne parviennent toujours pas à mettre au point le remède tant attendu. Les épidémiologistes se livrent aujourd'hui à une course contre la montre pour venir à bout du coronavirus et tout le monde retient son souffle devant la propagation fulgurante de la pandémie et le nombre des victimes qui ne cessent de suivre une courbe ascendante. Consternante réalité que de voir l'humanité, qui est passée à la vitesse supérieure dans le domaine de la robotisation, trébucher d'une manière aussi lamentable et s'agenouiller devant le Covid-19. Les rayons se vident des produits alimentaires dans les grandes surfaces, les regards se croisent furtivement, et les rues se vident très tôt des habitants. Les rumeurs qui circulent ces derniers jours quant à une éventuelle décision établissant le couvre-feu ne font qu'attiser encore plus la peur des citoyens. Une pétition circulant sur les réseaux sociaux appelant l'Etat à imposer un couvre-feu d'une quinzaine de jours en raison de la propagation très rapide du coronavirus n'a fait que renforcer l'inquiétude des Tunisiens. Ailleurs, des chefs d'Etat ont déjà franchi le Rubicon. On ne badine pas avec une question qui relève de la sécurité nationale. Les tergiversations et les demi-mesures ne servent plus à rien, comme c'est le cas pour notre Etat. Auto-confinement pour les uns, résistance et indifférence face aux mesures prises pour les autres. Mais, dans les deux cas de figure, la ruée vers les produits alimentaires de base et les longues files d'attente trahissent le sentiment d'inquiétude qui s'est emparé de la majorité des citoyens. L'instinct de survie surgit comme pour faire face à la peur de cet ennemi pernicieux et imperceptible. Et c'est le manque de solidarité qui fait encore plus mal dans ces moments de grande crise. Le «chacun pour soi, Dieu pour tous» gagne du terrain, accentuant, malheureusement, l'individualisme dans notre société.