Deux artistes que tout oppose, mais qui exécutent leur art au même rythme. Que ce soit Sinda Trad ou Henda Laâbidi, toutes deux ont noyé leurs pinceaux dans l'abstrait où toute référence au monde extérieur est délibérément supprimée. Sinda Trad a une licence de français. Deux ans d'école d'art et de décoration, mais elle n'a pu résister à l'appel du pinceau. «La peinture vient de mes tripes», nous dit-elle. Trois expositions en duo et en groupe, puis elle a trouvé sa voie, elle étale au grand jour son monde intérieur. Ses tableaux gigantesques crachent du feu et embrassent les murs de la galerie. La couleur reste son moyen d'expression, son langage qui obéit à un imaginaire riche et ô combien mûr et serein. Elle a choisi d'habiller ses œuvres de rouge et de couleurs apaisantes. Le contenu que sa peinture exprime est cet invisible que nous sommes. Des flashes, des bribes noyés dans un arc-en-ciel extraordinairement expressif. Les formes qu'elle nous offre semblent suspendues dans l'espace et les couleurs drainent des sentiments. Elle obéit aux fluctuations de ses humeurs et nous entraîne çà et là dans un univers onirique où la réalité se fond dans les couleurs vives et éclatantes. Une volonté de transcendance émane de ses œuvres. Son pinceau cherche l'imperceptible. Il s'élève et s'exalte. Une belle purification de l'esprit guidée par une introspection profonde. Sinda n'a pas peur de ses démons, elle les apprivoise, suscitant ainsi des états d'âme qui enchantent le regard. Sa plume est alerte, elle cherche le beau. Pas de cauchemar, pas de rêves fantasmagoriques, il s'agit du triomphe de la couleur susurré par son monde intérieur. Intimiste, sa peinture est une maturité déconcertante. Elle voit grand, ses peintures accrochent et on aime s'y évader sans peur de s'y perdre. Un beau pinceau qui mène une danse en harmonie avec son être intrinsèque. C'est une sorte de catharsis qui s'étale dans toute sa splendeur. En mouvance, des jets s'emparent de chaque œuvre... Ils nous parlent et on aime leur langage purificateur. Henda, elle, a trouvé sa voie. Elle a jeté l'encre dans l'éclat des couleurs. Les formes sont linéaires et subtiles. Minutieuse, elle reproduit trait pour trait des touches spontanées noyées dans la bonne humeur. Elle a foi en les couleurs flashies et dynamiques brillantes de tout leur éclat. Son optimisme et sa nature gaie transparaissent dans ses œuvres. Jurant par l'acrylique, elle accumule les créations... où la liberté d'exécution a le dernier mot. La peinture est sa passion, son moyen d'expression. Très speed, elle flirte avec l'art moderne bien relevé par un imaginaire qui n'appelle qu'à s'imposer... ses peintures se succèdent, mais ne se ressemblent pas. elle diversifie pour mieux régner au gré de ses rêves et du non-dit. L'abstraction jaillit sans que l'artiste en prenne conscience. Elle est presque machinale. Telle une brise, un jour de canicule, ses œuvres rafraîchissent ; c'est une musique colorée, une palette bien trempée dans sa vision de l'aspect psychophysique des tons. Un tempo bien rythmé, léger, porté par le bonheur de l'exécution. Ses sensations s'inscrivent en priorité dans sa vision d'un monde éclatant et lumineux. Pas d'état d'âme, mais un pur bonheur semé çà et là... ses œuvres inspirent des lieux, comme la Médina ou des pays outre-mer. Fluides et mouvementées, elles font fi de la misère du monde. Henda voit la vie en rose, jaune, vert bleu, le tout baigné dans un dynamisme haut en couleur. Fini les œuvres noires qui expriment le mal-être, Hinda n'est plus que liberté. Elle a pris son envol et sa peinture fleure bon la joie de vivre. Elle est même invitée à exposer à Paris... On aime son style parfois infantile et innocent. On s'attache à son monde intérieur parsemé d'espoir. Elle croit aux lendemains meilleurs. Elle aime scruter le firmament. Elle danse avec les étoiles. Sa peinture et folle et sa folie est douce. Elle utilise un langage informel pictural et non moins linéaire pour une composition indépendante et libre de toute attache, permettant au regardant d'interpréter chaque œuvre selon son humeur. Que ce soit Henda Laâbidi ou Sinda Trad, toutes deux nous ont invités à une balade où les couleurs sont les maîtres des lieux. Et elles nous ont offert une nouvelle réalité spirituelle au goût bien relevé.