L'espace Aïn, sous la houlette de l'expérimenté Mohamed Ayeb, semble avoir trouvé l'élixir de l'éternelle jeunesse. L'exemple nous vient de chaque exposition qu'il nous offre... Sarfati, Habib Bida, Mohamed Njah, Fethi Zebidi... ont donné tous à cet espace un coup d'éclat, lui conférant une allégresse rehaussée par la passion ineffable de l'animateur des lieux pour la peinture. Actuellement, c'est le tour du grand peintre Bady Chouchane d'exposer ses œuvres. Issu de l'Ecole des beaux-arts des années 1970, dont les maîtres étaient A.Gorgi, M.Sehili, Amor Ben Mahmoud, Mimita, H.Chebil... Chouchène nous propose ses plus belles œuvres pour une balade des plus agréables où son pinceau plonge, s'agite et joue avec les couleurs... Ce pinceau boit, en fait, jusqu'à la lie les méandres des vieilles villes... Il nous entraîne à chaque coin de rue des Médinas de Kairouan, Mahdia, Tunis, Sfax... dans un voyage magique où l'authenticité arabo-musulmane a le dernier mot... On ne peut que s'incliner devant sa touche fluide, parlante, sûre qui nous touche et effleure tendrement notre regard, nous basculant dans un univers haut en couleur. Optimistes, ses œuvres déclarent leur amour pour la vie. Passionné, le peintre révèle les moindres fluctuations de son imaginaire, ainsi que les murmures de son monde féerique peuplé d'images dynamiques... Elles se meuvent comme baladées par une brise d'été... On croirait, dans certaines œuvres, entendre les brouhahas qui animent ces vieillies villes, qui s'offrent éclatantes de beauté et sans retenue. Chouchane scrute les ombres tel un orfèvre ou un architecte, à la recherche de la touche parfaite, communicante et marquante, dans son perpétuel mouvement. Une virée, une aventure magique dans un univers attachant qui capte le regard et le pousse à s'attarder sur chaque toile sans se lasser. Toutes interpellent les yeux, l'ouïe et le toucher. Une offrande aux dieux de la création, à la déesse de l'imaginaire. Chouchane nous balade ici et là, au cœur des vieilles villes, nous invitant à nous arrêter au coin d'une ruelle, face à des portes majestueuses d'un bleu azur des plus captivants... On est tenté de suivre la femme au sefsari ou de jouer à la kharbgua avec des personnes âgées aux habits traditionnels. On entend même le marchand faire les louanges de ses fruits et légumes. Impressionnisme, quand tu nous tiens, c'est pour nous lâcher émerveillés là où tout est beauté. Touches tous azimuts qui semblent enfantées par un moment de transe. Les couleurs chatoyantes dominent, vert, jaune bleu... tout est lumineux. Ça bouge, ça vit. Bady Chouchane est tel un chef d'orchestre, il nous gratifie d'une symphonie. Rapidité dans l'acte de création, musicalité, souci de la matière, le peintre capte le mouvement le plus subtil pour nous le rendre encore plus beau. Ses tableaux séduisent; ils nous jettent heureux dans un tourbillon haut en couleur... Il peint les Médinas certes, mais ses jets, ses lancers de couleurs rajeunissent les toiles qui revendiquent leur droit d'exister dans notre présent. Ils font appel à nos réminiscences dans une société en pleine mutation qui, hélas, tourne de plus en plus le dos au beau, d'où ses œuvres semi-abstraites, claires-obscures; une petite note de pessimisme tout de suite balayée par des couleurs éclatantes... Les tableaux de Chouchane sentent bon les traditions qui rajeunissent sous l'influence d'une atmosphère lumineuse, tamisée, transparente presque. De l'aquarelle tantôt épaisse, tantôt fluide et tendant vers l'infini. C'est la parfaite harmonie des couleurs qui prédomine dans chaque œuvre... elle les rend impérissables, toujours imbriquées dans notre vécu contemporain et ancrées dans notre culture. Témoins indélébiles de notre identité, ses tableaux se lancent à la conquête du moment présent... de l'immédiat. Rien n'est laissé au hasard; chaque détail couve son importance. Ils vivent et nous parlent dans leur langage universel et, pourtant, multiple. Ils peuvent conquérir tout un chacun, quelles que soient sa culture, son appartenance sociale. Ils sèment le beau parce qu'ils ont une âme et parce qu'ils obéissent aux fluctuations d'un imaginaire réaliste. Ils nous emmènent là où la beauté se réveille dans un trop-plein d'amour, là où le regard aime se balader, là où la lumière est... à consommer avec appétit et sans modération.